Mali: Pour les déplacés de Kidal, «une Tabaski pas comme les autres», entre «isolement», «peur», «manque de moyens»

Au Mali, on célébrait la Tabaski ce 17 juin 2024, dans des conditions difficiles pour l'ensemble des Maliens, du fait notamment de l'augmentation des prix et des coupures de courant.

Et dans des conditions plus difficiles encore pour les 350 000 déplacés internes et près de 290 000 Maliens réfugiés dans des pays voisins, selon les chiffres gouvernementaux et ceux du bureau des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Dans la région de Kidal, notamment, 40 à 50 000 personnes, selon les estimations onusiennes, ont fui leur foyer après l'offensive de l'armée malienne et de ses supplétifs de Wagner en novembre dernier. Ils ont donc célébré cette Tabaski loin de chez eux. Témoignages.

« L'envie de fêter à la maison ne va jamais nous quitter, témoigne avec une tristesse contenue Souleymane (par mesure de sécurité, il s'agit d'un pseudonyme), Touareg de Kidal déplacé à la frontière algérienne. Il manquait beaucoup de monde cette année. D'habitude, nous célébrons l'Eid avec presque tous les membres de la famille, les amis, les voisins... C'est vrai que cette fois-ci ça a quand même un autre goût, loin de chez nous. Bien qu'on ait fêté avec mon épouse, mes enfants et mes parents, et avec quelques voisins qui sont aussi des déplacés et qui vivent la même nostalgie du pays que moi, quand même, il manquait beaucoup de monde. Ce n'était pas la même ambiance que les années passées. Même l'environnement dans lequel on a fêté n'était pas très adéquat : la promiscuité, l'isolement... Ce n'était pas très agréable. Mon souhait le plus ardent pour la prochaine Tabaski, c'est de pouvoir fêter à la maison, comme les années passées ».

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Une prière dont Souleymane craint qu'elle ait peu de chance d'être exaucée : « En tant que croyant, en tant que musulman, je ne vais pas dire que c'est impossible, je vais toujours y croire, mais avec les conditions actuelles, l'évolution politique, l'évolution sécuritaire, c'est un peu compliqué. Pour le moment, le retour n'est pas à l'ordre du jour. C'est le plan sécuritaire qui nous préoccupe le plus. »

« Nous faisons des prières pour que la paix revienne »

Ahmed - son nom a également été modifié - a, lui aussi, fui Kidal en novembre dernier, et lui aussi se trouve actuellement à la frontière algérienne. Sa nostalgie n'est pas moins grande. « Ce n'est vraiment pas une Tabaski comme les autres, témoigne-t-il. Nous avons fêté avec certains de nos frères réfugiés, déplacés, mais pas chez nous. Nous sommes confrontés à la cherté de la vie, les animaux coûtent très cher, ce n'est pas facile du tout. Nous aurions voulu fêter chez nous, en famille et avec nos voisins, comme nous avons l'habitude de le faire, et dans la convivialité et la paix. D'habitude, nos frères Songhaïs viennent nous saluer pour nous souhaiter une bonne fête et vice versa. Arabes, Touaregs, Bambaras : comme d'habitude ! »

« Mais cette fois-ci ça n'a pas été le cas, déplore encore Ahmed. Ce n'est pas une fête comme les autres. Il y a la peur qui règne, le manque de moyens, le fait d'être déplacés loin de chez nous... Nous faisons des prières pour que la paix revienne, pour qu'on retrouve cette convivialité où tout le monde est ensemble, où tout le monde se respecte et où tout le monde est en sécurité ».

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