Constant Mutamba a demandé au procureur général près la Cour de cassation de lancer des poursuites contre les personnes qui promeuvent notamment l'homosexualité.
En RDC, dans une correspondance adressée au procureur général de la Cour de cassation de Kinshasa, rendu publique ce 15 juin, le ministre de la Justice congolaise fait savoir que "il ne se passe plus un seul jour sans que des informations provenant de la population nous renseignent sur l'existence de groupes d'individus bien organisés et qui, à travers les réseaux sociaux ou en présentiel, font l'apologie du sexe en groupe, de l'homosexualité (2x 2x) et toute autre forme de dérive sexuelle et morale. "
Ces propos rappellent un échange enregistré durant la campagne pour l'élection présidentielle, en décembre 2023, durant lequel le président congolais, Felix Tshisekedi, avait évoqué la notion du genre, suggérant que les candidats soutenus par l'étranger, faisant allusion au prix Nobel de la paix, Denis Mukwege, "pourraient introduire des concepts étrangers qui ne correspondent pas à la culture congolaise. "
Des militants LGBTQ+ contraints de fuir
Sur le terrain, la situation risque donc de s'aggraver pour les membres de la communauté LGBTQ+, comme l'explique Jérémie Safari, de l'association Rainbow Sunrise Mapambazuko, à Bukavu.
Il confie à la DW que depuis le 16 juin, soit le lendemain de la lettre du ministre de la Justice, il a dû fuir son pays parce qu'il était menacé en raison de son activité de défense de la causedes personnes LGBTQ+.
"Hier après-midi, j'étais à la maison, un numéro inconnu n'a pas cessé de m'appeler. Il m'a envoyé un message pour me dire qu'il y a un mandat pour moi, au niveau de l'Agence nationale de renseignement (ANR)," explique l'activiste.
"Quand j'ai voulu savoir quel en était le motif, il m'a expliqué qu'avec nos histoires d'homosexualité et notre travail d'activisme pour défendre cette cause, ils ont un mandat de recherche contre moi et qu'ils vont m'arrêter."
Pour Jérémie Safari, les récents propos du ministre de la Justice sont loin d'être rassurants.
"Je pense qu'on devrait alerter surtout la communauté internationale, l'Union européenne, les ambassades accréditées en RDC pour voir dans quelle mesure ils peuvent venir en aide aux activistes et aux membres de la communauté LGBTQ+"
Situation préoccupante sur le terrain
Le 31 mai, au nom de son ONG Vision Plus, Pal Bahirwe a rencontré le président de la Commission nationale des droits de l'Homme pour présenter un rapport qui dressait le bilan des abus commis à l'encontre des personnes LGBTQ+ en RDC.
Il déplore la marginalisation, la stigmatisation et l'accès difficile à la justice des personnes appartenant à cette communauté. Quant aux propos du ministre de la Justice, il les qualifie de populisme.
"Le ministre de la Justice continue dans son populisme qui est soutenu par son amateurisme politique. Je pense que les personnes homosexuelles sont des êtres humains avec des droits et des devoirs et nous défendons leurs droits parce que c'est notre devoir, en tant que défenseur ou activiste des droits de l'Homme. S'en prendre aux personnes qui font l'apologie de l'homosexualité, je ne sais pas à qui il faisait allusion, " souligne M. Bahirwe.
Que prévoit la loi congolaise ?
En RDC, l'homosexualité est-elle considérée comme une infraction punissable par la loi ?
Pour Olivier Okakessema, juriste et activiste des droits humains, la loi est assez claire à ce propos.
"Du point de vue pénal, il faut dire d'emblée qu'il n'existe pas une incrimination de l'homosexualité en droit congolais. En vertu du principe de la légalité de la peine et des infractions, un comportement, même s'il est perçu comme étant antisocial, ne peut pas être poursuivi en justice à partir du moment qu'il n'est pas prescrit en termes d'infraction dans le code pénal congolais," précise le juriste.
Toutes les personnes membres de la communauté LGBTQ+ ou défenseurs de leurs droits que nous avons contactées ont insisté sur le fait qu'elles se sentent constamment en danger et craignent pour leur sécurité.