Au lendemain de l'arrestation, le 5 juin dernier, de ressortissants nigériens au port de Cotonou, la tension est montée de plusieurs crans entre le Bénin et le Niger. Et cela, dans un contexte où les autorités béninoises n'ont pas mis du temps à ouvrir leur procès.
Ils sont accusés d'être entrés illégalement sur le site du terminal pétrolier de Sèmè-Kpodji qui convoie le pétrole nigérien, munis de faux badges et en contournant la procédure d'enregistrement standard. En attendant de voir à quoi aboutira ce procès, il faut déjà craindre que cette situation ne contribue à exacerber les tensions entre le maître de Cotonou et les tombeurs du président Mohamed Bazoum à Niamey.
Comment peut-il en être autrement quand les deux régimes ne sont pas loin de se regarder en chiens de faïence sur fond de soupçons de déstabilisation de part et d'autre ? Pour sa part, on se rappelle encore qu'il n'y a pas longtemps, Niamey n'était pas passée par quatre chemins pour porter de graves accusations contre son voisin côtier soupçonné d'abriter des « bases françaises » où s'entraîneraient des terroristes en vue de déstabiliser le Niger.
La crise diplomatique entre les deux pays n'est pas prête à s'estomper
Des accusations balayées du revers de la main par les autorités de Cotonou qui ne cessent de pousser à la roue pour la réouverture de la frontière nigérienne, depuis la levée des sanctions de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Et qui, dans le cas d'espèce, croient déceler au sein de la délégation d'experts nigériens, la présence d'agents du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), l'instance militaire dirigeante du Niger depuis le coup d'Etat qui a renversé le président Mohamed Bazoum à Niamey, en juillet 2023. Une présence qui, si elle est avérée, ne manque d'autant pas d'interroger qu'elle donnerait des raisons aux autorités béninoises de chercher à connaître les motivations exactes des suspects.
C'est dire si avec cette affaire, la crise diplomatique entre les deux pays n'est pas prête à s'estomper, en ce sens que le geste des autorités béninoises cache aussi, à en croire certaines sources, des préoccupations sécuritaires. C'est dire aussi si ce procès paraît la partie visible de l'iceberg d'une grande crise de confiance entre les deux pays.
Et autant le Niger ne montre pas de dispositions à reconsidérer de sitôt sa position, autant le Bénin semble dans des dispositions d'esprit contraires à l'effet d'obtenir la réouverture de la frontière dont la fermeture pèse lourdement sur son économie. C'est à se demander si le président béninois, Patrice Talon, qui avait déjà bloqué l'exportation du pétrole nigérien qui transite par son port, avant de se raviser, ne trouve pas dans ce procès, un autre moyen de pression sur Niamey pour obtenir gain de cause.
C'est dire combien ces ressortissants nigériens peuvent paraître des prisonniers exquis pour Cotonou même si dans le même temps, le Bénin est dans son bon droit de faire la lumière sur cette affaire. C'est même un devoir pour les autorités judicaires de ce pays qui ont déjà eu à libérer deux des cinq Nigériens initialement arrêtés dans cette même affaire.
Ces deux pays frontaliers ont plus à gagner dans l'entente cordiale que dans la division
Et l'on espère que les prévenus bénéficieront d'un procès équitable, toute chose qui contribuera à rehausser l'image de la Justice béninoise. Au-delà, la recherche d'une solution définitive au différend s'avère d'une impérieuse nécessité.
Cela dans l'intérêt supérieur des peuples des deux pays qui ne demandent qu'à vivre en bonne intelligence et qui paient le plus lourd tribut d'une situation qu'ils n'ont pas demandée. Il appartient donc aux dirigeants de ces deux pays de prendre toute la mesure des souffrances de leurs populations respectives pour travailler à la décrispation entre les deux capitales. Il y va d'autant plus de l'intérêt de tous que ces deux pays frontaliers ont plus à gagner dans l'entente cordiale que dans la division de leurs dirigeants.
Surtout dans ce contexte sécuritaire général de lutte contre le terrorisme qui a pris racine dans les pays du Sahel pour pousser des tentacules jusqu'aux pays du littoral. Cela demande un dépassement de soi des deux chefs d'Etat qui doivent savoir surpasser leurs ego et descendre de leur piédestal pour se tendre la main dans une volonté commune d'apaisement. En attendant, la rupture de confiance a atteint un tel niveau que l'on se demande d'où viendra la solution.
Surtout en l'absence de toute médiation visant à rapprocher les deux parties, comme si le Bénin et le Niger étaient abandonnés à... leur mésentente. C'est dire l'urgence et la nécessité de trouver un facilitateur à cette crise qui n'est pas loin de tourner au bras de fer, avec la décision des autorités militaires de Niamey de fermer l'oléoduc. Pour combien de temps ? On attend de voir.