C'est l'une des décisions phares du Conseil des ministres du 12 juin 2024. En effet, l'Exécutif burkinabè a décidé d'abroger les textes instituant les rétributions servies au personnel de l'Administration publique dans le cadre des prestations spécifiques.
Le motif officiel de cette suppression, ce sont les abus constatés. En effet, selon le ministre de l'Economie, des finances et de la prospective (MEFP), Aboubakar Nacanabo, « il y avait des prestations qui relevaient des attributions de statut qui étaient rémunérées à travers les rétributions prévues par le décret ».
Autrement dit, des agents de l'Etat profitaient des failles du dispositif réglementaire pour se faire payer doublement pour le même travail, c'est-à-dire qu'en plus de bénéficier du salaire légal, ils percevaient une autre rémunération à travers les rétributions. Sous cet angle, l'on comprend que le gouvernement de la Transition qui ne fait pas dans la dentelle dans l'assainissement de la gestion des finances publiques, dans la réduction du train de vie de l'Etat et dans la rationalisation des dépenses publiques, ne laisse pas passer une telle couleuvre.
C'est donc une nouvelle étape dans la quête de la bonne gouvernance telle que souhaitée par les Burkinabè qui ont, par ailleurs toujours, voulu que l'Exécutif fasse preuve d'imagination en trouvant de nouvelles sources d'approvisionnement du Trésor public, particulièrement en ce moment où les besoins de l'Etat se sont accrus du fait de la guerre contre les Groupes armés terroristes (GAT).
Il faut craindre que cette mesure ne rende exsangue l'Administration publique
Cela dit, il ne faudrait pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Car la mesure d'abrogation peut paraitre maximaliste. L'on aurait simplement pu procéder à la relecture des textes pour corriger les imperfections décelées au lieu d'abroger purement et simplement ces décrets qui visaient à prendre en charge les prestations spécifiques, c'est-à-dire les tâches publiques non prévues dans les statuts des personnels administratifs ou dans les organigrammes des structures publiques.
C'est dire donc que certaines missions publiques auront du mal à être exécutées. L'autre revers de cette abrogation, c'est sans nul doute, la démotivation des agents publics. Certes, il est vrai que l'on est dans une phase d'exaltation du sentiment patriotique. Mais l'on sait que la productivité des agents de toute entreprise, qu'elle soit publique ou privée, dépend des conditions de motivation.
Or, il n'est un secret pour personne que l'Administration publique est, de plus en plus, dépouillée de tous ses atours. Il faut faire attention donc à ne pas tuer la poule aux oeufs d'or. Enfin, il faut craindre, à long, moyen et court termes que cette mesure ne rende exsangue l'Administration publique en raison de la fuite des cerveaux que cela pourrait entrainer. Car, de plus en plus, des cadres seront, en effet, tentés de fuir l'Administration publique pour se diriger vers le privé et même l'étranger où les rémunérations et les avantages liés à la fonction sont nettement plus alléchants.
C'est donc au regard de tous ces inconvénients que le gouvernement devrait revoir sa copie pour maintenir les conditions motivantes de travail pour les agents publics tout en poursuivant l'assainissement de la gestion des finances publiques. Les deux tâches ne sont nullement antinomiques mais contribuent in fine, à l'intérêt supérieur de la Nation burkinabè qui évolue dans un contexte mondial de haute compétitivité.