Ile Maurice: L'influence médiatique, à quel point ?

Après que Bernard Maigrot, 62 ans, ait plaidé non coupable sous une accusation formelle de manslaughter devant la cour d'assises lors d'un nouveau procès qui lui est intenté, un panel de neuf jurés a été constitué sous la supervision du juge Lutchmyparsad Aujayeb.

Cela, dans le sillage de l'affaire Vanessa Lagesse, styliste dont le corps a été retrouvé dans la baignoire de son bungalow à Grand-Baie, le 9 mars 2001. Avec ce procès hautement médiatisé depuis 23 ans, peut-on s'attendre à ce que les membres du jury restent impartiaux face à l'attention médiatique intense qui entoure cette affaire ?

En effet, les procès avec jury se déroulent uniquement devant les assises dans des cas de meurtre où les accusés plaident non coupable. Ceux qui souhaitent se faire enregistrer sur la liste des jurés ont jusqu'au 30 juin de chaque année pour s'inscrire auprès de la Cour suprême. La liste officielle est ainsi publiée dans la Government Gazette. Ce sont uniquement neuf personnes qui sont choisies pour constituer chaque panel de jurés. L'article 42 de la Courts Act prévoit généralement que tout procès pénal devant la Cour suprême, aux assises, se déroule devant un juge, sauf dans des cas de trafic de drogue.

Me Taij Dabycharun cite les Supreme Court (Jury Lists and Panels) Rules de 1992 qui stipulent que le Master and Registrar doit, avec l'aide du commissaire électoral, l'officier de l'état civil et le commissaire de police, dresser la liste des personnes qui sont habilitées à servir comme jury. «Cependant, cela s'applique à tout citoyen mauricien âgé entre 21 et 65 ans. Toutefois, la loi prévoit aussi que lorsqu'une personne ayant prêté serment ou affirmé qu'elle ne connaît pas suffisamment la langue anglaise, elle ne pourra pas servir comme juré et ne sera pas appelée à agir comme juré dans une affaire pénale, et que le nom de cette personne ne sera pas inséré par le Master and Registrar dans le livre du jury», précise Me Dabycharun.

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L'avocat évoque la procédure par laquelle le Master and Registrar fait préparer un panel d'au moins 100 jurés, qui seront choisis par tirage au sort parmi la liste des jurés établie conformément à la règle des jurés pour assister à chaque procès devant jury. «Lors de l'audience de la cour pour le procès, le greffier ou autre officiel de la Cour suprême doit, en audience publique, faire un tirage au sort jusqu'à ce que les noms de neuf personnes qui ne sont pas contestées apparaissent. Après le procès, ces noms seront remis dans la boîte pour être conservés avec les autres noms non tirés, et ainsi de suite.»

Me Ashley Maunick souligne qu'aucune classe ou groupe n'est délibérément ou systématiquement exclue par le Master and Registrar. Le service de jurés est volontaire et il appartient à la personne souhaitant devenir juré de demander que son nom soit inclus sur la liste, le processus étant aléatoire. «La raison de ce système est de s'assurer qu'il y ait un échantillon représentatif de la population», note notre interlocuteur. Outre la sélection, la loi prévoit également qu'aucune personne reconnue coupable d'un crime ne soit qualifiée pour exercer la fonction de juré.

Quid de l'influence médiatique sur le jugement des jurés ? Me Dabycharun soutient que c'est au juge d'informer son panel sur le fait qu'il ne doit pas être influencé par des informations médiatiques, passées ou actuelles, de tierces personnes. «Avant, les jurés restaient sous la surveillance de la cour et étaient séquestrés avec la fourniture d'un logement jusqu'à ce que le procès soit terminé et qu'ils aient délibéré. Mais aujourd'hui, ils rentrent simplement chez eux après chaque séance.»

Me Ashley Maunick cite, lui, le procès de l'État contre Bacha (1996) et la question qui s'était posée, à savoir si une couverture médiatique étendue peut affecter l'issue d'un procès dans la mesure où le jury qui y est exposé peut se laisser influencer par ce qu'il lit ou entend. «The Court considered that the key question in free press/fair trial disputes is the point at which publicity creates prejudgment in such a large number of potential jurors that empaneling an impartial jury becomes impossible as a practical matter. This would only be so when the prejudice is so indelibly impressed on the minds of potential jurors that it is unlikely that an unbiased jury could be obtained.»

Me Steven Sauhoboa cite pour sa part l'opening speech de Me Gavin Glover, Senior Counsel, qui représente Bernard Maigrot. Il a demandé au juge d'émettre un avertissement à la presse sur la manière dont les audiences quotidiennes seront rapportées dans les journaux. Cela, dans le but de tenir les membres du jury à l'écart des commentaires afin de ne pas porter préjudice à son client. «Dans le discours d'ouverture, vous avez la réponse du discours de Me Gavin Glover. L'accusation a également été très juste dans son introduction. Beaucoup de choses ont été dites et spéculées, et beaucoup ont été suggérées. Mais la base reste le doute raisonnable. Donc, si l'accusation devait s'en remettre à la frénésie médiatique, elle aurait été si juste de dire que ce qui est important, c'est la présence de preuves qui montrent que Maigrot a tué avec préméditation et même sans aucun doute raisonnable», observe Me Sauhoboa.

À la fin du procès, le verdict du jury sera rendu à la majorité de sept voix. Si l'accusé est reconnu coupable, c'est au juge de prononcer la sentence, soit la peine d'emprisonnement.

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