Ile Maurice: Un casse-tête indien pour les autorités mauriciennes

La source de l'inquiétude du secteur des services financiers : une demande de l'OCDE pour renforcer la lutte contre les risques de perversion du cadre actuel par rapport à la base d'imposition et au transfert des bénéfices d'une juridiction à une autre. Cela s'accompagne malheureusement de l'élimination des droits acquis.

L'élément considéré comme perturbateur dans l'édition du protocole fiscal qui a existé jusqu'ici entre Maurice et l'Inde n'est ni plus ni moins que la mise à exécution des instructions de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui, en raison des risques d'évasion fiscale, a vivement souhaité que les opérations dans les services financiers de toutes les juridictions, y compris celle de Maurice, soient soumises à un alignement du mode opératoire par rapport aux exigences des normes fiscales internationales.

L'OCDE est une organisation intergouvernementale qui regroupe les pays qui ont pour points communs un gouvernement démocratique et une culture inspirée d'une économie de marché. Ces instructions de l'OCDE prévoient un amendement dans le traité fiscal actuel afin que son avant-propos explicatif contienne désormais une clause intitulée Principal Purpose Test (PPT). Cette clause renferme les intentions de l'OCDE de voir disparaître, sous toutes leurs formes, les stratégies auxquelles des acteurs malintentionnés des services financiers peuvent avoir recours pour exploiter à leur profit des failles au niveau de la base d'imposition et du transfert de bénéfices (BEPS) et des différences entre les règles d'imposition fiscales nationales et internationales.

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En cas de réussite, cette stratégie devrait offrir à ces acteurs malintentionnés la possibilité de transférer des bénéfices dans des juridictions où leur entreprise n'exerce que des activités de surface, mais où elle jouit de la possibilité de bénéficier d'un faible taux d'imposition. Ce qui a pour résultat que cette entreprise s'en sort avec une charge fiscale insignifiante, voire inexistante. Une stratégie connue dans les services financiers comme l'érosion de la BEPS, qui est le cadre réglementaire permettant à une entreprise de revendiquer, de façon tout à fait légale, une baisse de l'impôt sur les revenus.

Comme de bons élèves aux yeux de la communauté internationale, Maurice et l'Inde ont procédé en mars dernier à la signature du nouveau protocole. Jusque-là, tout va bien dans les meilleurs des mondes. Cependant, l'introduction du PPT a entraîné, dans son sillage, un autre élément qui traduit bien la volonté des responsables de l'OCDE de démolir toutes les pistes auxquelles ces acteurs malintentionnés peuvent avoir recours pour transférer des bénéfices sans souci mais qui a provoqué un véritable casse-tête au secteur mauricien des services financiers.

C'est l'élimination de la disposition relative aux droits acquis, communément appelée grandfathering. Ces droits acquis résultent d'une disposition transitoire entrée en vigueur dans la révision du Double Taxation Avoidance Agreement (DTAA) en 2016. Cela permet à deux pays signataires d'un accord d'éviter que les opérateurs de leur juridiction paient la taxe dans les deux territoires où ils exercent leurs activités économiques.

Pour calmer les inquiétudes que le nouveau protocole a créées dans l'esprit des opérateurs des services financiers locaux, Mauritius Finance, qui regroupe les acteurs du secteur, a organisé, le 17 mai, une table ronde au Royal Green, à Moka, sur les implications du nouveau protocole pour l'avenir du traité fiscal Maurice-Inde. La crainte de son Chief Executive Officer (CEO), Samade Jhummun, se situe au niveau du risque que le nom de la juridiction paraisse sur une liste de pays non-conformes aux directives de l'OCDE. «Après la fuite du texte du protocole, devait-il indiquer, les investisseurs et les opérateurs ont vite paniqué car la certitude fiscale a été enlevée. Il est impératif de rectifier la situation ou de renégocier le protocole. Nous devons dissiper toutes les incertitudes dès que possible, avant la ratification du nouveau protocole.»

Le Country Head de Global Payment Solutions de HSBC Mauritius, Prabal Chakrabortty, estime pour sa part que le nouveau protocole ne fait que formaliser le processus existant. «Même sous les provisions de l'ancien protocole, le fisc indien a réclamé des explications avant l'octroi des bénéfices et dans la plupart des cas, les demandeurs ont eu gain de cause.»

Pour le Managing Director de WTS Tax Consulting, Akshar Maherally, les investissements se rapportant aux droits acquis «devront passer par quelques étapes supplémentaires avant d'obtenir l'exonération de la Capital Gains Tax, contrairement au protocole de 2016, lorsque les droits fiscaux étaient accordés sans conditions».

Wasoudeo Balloo, partenaire et chef du département fiscal et juridique chez KPMG Mauritius, trouve, lui, que des éclaircissements sur l'élimination des droits acquis sont une nécessité absolue. «En décidant de renégocier de manière bilatérale et non par le biais de la convention multilatérale de l'OCDE signée par Maurice en 2017, nous espérions obtenir une certitude concernant les grandfathering investments. L'article sur la rétroactivité laisse planer le doute sur la mise en application du PPT. Les agents fiscaux indiens pourront-ils rouvrir les évaluations compte tenu que la prescription en Inde remonte à dix ans ?»

Lors de son intervention, le ministre des Services financiers et de la Bonne gouvernance, Soomilduth Bholah, devait rassurer les acteurs locaux des services financiers. «Sous le nouveau protocole, l'avenir de la disposition autour du principe des droits acquis demeure incertain. Le protocole ne sera pas mis en oeuvre tant qu'il n'aura pas été ratifié par les deux pays. Le gouvernement demandera des éclaircissements auprès de l'Inde. Il est essentiel d'aborder ce processus avec optimisme.» Un engagement que le ministre a réitéré dans son intervention à l'Assemblée nationale dans le cadre des débats budgétaires pour la période 2024-25.

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