Diomaye Faye séjourne depuis le 19 juin 2024, sur les bords de la Seine. Le Chef de l'Etat sénégalais, pour sa première visite officielle hors du continent africain, a donc choisi la France. Officiellement, il est l'invité de l'Alliance du vaccin (Gavi) et de l'Union africaine (UA) pour prendre part au Forum mondial pour la souveraineté et l'innovation vaccinales. « A l'issue de cet évènement, précise le message de la présidence sénégalaise envoyé à la presse, le chef de l'Etat sera convié à un déjeûner par son homologue français ».
Comme on le dit donc, l'homme veut faire d'une pierre deux coups. Et il faut le dire, le stratagème est bien trouvé : le président sénégalais use de la couverture du forum, pour éviter de prendre à la figure, l'accusation bien connue de courir se faire adouber par le grand chef blanc, comme on le voit très souvent en Afrique francophone. Cette critique aurait mis, certainement, très mal à l'aise le jeune chef de l'Etat et son mentor, le Premier ministre, Ousmane Sonko, bien connus pour leurs discours souverainistes et panafricanistes aux allures de diatribes contre la France dont l'entreprise politique et économique est indexée comme étant la source de tous les maux du continent.
Si les maladies et les problèmes sont au Sud, les médicaments et les solutions sont bien souvent au Nord
Cela dit, la rencontre avec Emmanuel Macron inscrite en second dans l'agenda de Diomaye Faye, même si elle peut heurter certaines susceptibilités sur le continent, ne devrait pas occulter l'importance et l'enjeu de l'évènement qui sert de mobile au voyage du président sénégalais : le Forum mondial pour la souveraineté et l'innovation vaccinales.
Ce forum, faut-il le rappeler, poursuit deux objectifs. Non seulement, il permettra de lancer l'Accélérateur pour la production de vaccins en Afrique (AVMA) en apportant une réponse financière en soutien à la production régionale de vaccins sur le continent africain, mais aussi, il marquera le lancement de la campagne de mobilisation pour les ressources de l'Alliance du vaccin (GAVI) pour la période 2026-2030 pour combattre des maladies infectieuses telles que le paludisme, la dengue ou le choléra, dont les risques de propagation sont renforcés par le dérèglement climatique.
Quand on connait l'étendue des ravages que font les maladies au sein des populations africaines en raison de la pauvreté et de la faiblesse de la réponse des systèmes sanitaires et quand on mesure l'impact des problèmes de santé sur le développement du continent, l'on ne peut qu'apprécier que Diomaye Faye inscrive au rang de ses priorités, sa participation à des sommets mondiaux où il peut plaider la cause de l'Afrique. Car, comme on le sait bien, si les maladies et les problèmes sont au Sud, les médicaments et les solutions sont bien souvent au Nord.
Cela dit, tout le souhait est que l'Afrique dont le président sénégalais sera l'un des porte-parole, soit donc entendue et que l'accès équitable aux vaccins soit érigé au rang des priorités. Encore faut-il que le continent arrête de tendre la sébile pour s'engager pleinement dans une coopération proactive et mutuellement bénéfique avec les pays du Nord.
Diomaye Faye n'a jamais fait mystère de sa volonté de relire les accords avec l'ancienne métropole coloniale
Quant au second volet de l'agenda du chef de l'Etat sénégalais, il serait difficile de passer sous silence, l'importance des relations entre le Sénégal et la France, qui dicte finalement cette rencontre au sommet entre les deux hommes qui président aux destinées de leurs Etats respectifs. En effet, les deux pays entretiennent historiquement de fortes relations qui sont à la fois politiques, économiques et humaines. Ils sont liés par un mariage de coeur et de raison mais comme dans tous les couples, les tensions ne manquent pas.
Et la question que l'on peut se poser, est la suivante : Diomaye Faye et Emmanuel Macron aborderont-ils les questions qui fâchent lors de leur tête-à-tête ? On peut le croire. Car, elles sont imposées par l'actualité des relations entre les deux pays. En effet, Diomaye Faye n'a jamais fait mystère de sa volonté de relire les accords avec l'ancienne métropole coloniale pour un partenariat mutuellement bénéfique. Et dans cette dynamique, tout en restant dans le diplomatiquement correct, il ne devrait pas faire dans la langue de bois quand on sait qu'en face de lui, il a à faire à l'un des soutiens de Macky Sall.
On se rappelle, en effet, qu'en mai dernier, le Premier ministre sénégalais ne s'est pas embarrassé de fioritures pour accuser l'Elysée d'avoir incité l'ancien régime, à la « persécution d'opposants ». Au nombre donc des questions qui ne manqueront pas de faire rougir le grand chef blanc, l'on peut citer la question des bases militaires au Sénégal et des accords militaires et sans nul doute l'épineuse question du retrait des pays de l'Alliance des Etats du Sahel (AES) de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) accusée d'être instrumentalisée par la France.
Comment Emmanuel Macron accueillera-t-il tout cela? Faute d'être dans le secret des dieux, l'on peut se risquer à dire qu'il est à peu près certain que le locataire du palais de l'Elysée ne fera pas dans le paternalisme parce que non seulement, il est affaibli par l'actualité politique en France, mais aussi parce que le sentiment antifrançais se propage à la vitesse grand V en Afrique.