C'est en effet une rocambolesque affaire de vol de bétail qui défraie la chronique dans la zone du Balantacounda dans l'extrême sud du pays, à la lisière de la frontière avec la Guinée Bissau. Le sieur Moustapha Souaré, supposé victime d'un vol de cinq de ses sujets s'est lancé à leur recherche en Guinée Bissau où il aurait perdu leurs traces. Sur son chemin du retour, il rencontre un troupeau et ramène cinq têtes comme moyen de pression pour exiger que les siens lui soient très vite restitués.
Cette pratique à connotation de « prise d'otage » y est très fréquente et lui est allé le faire savoir aux gendarmes de Samine. Sous une probable menace d'arrestation, ses camarades s'y opposent et alertent.
Les membres du comité de lutte contre le vol de bétail ont tenu une réunion d'urgence à Samine, le samedi 15 juin dernier, suite à un vol présumé de bétail perpétré à Safane dans la commune de Yarang Balante, département de Goudomp. C'est à l'effet d'apprécier la conduite à tenir, expliquent-ils. La victime du nom de Moustapha Souaré à qui les voleurs ont soutiré cinq têtes de boeuf, a suivi les traces des animaux jusqu'en Guinée Bissau voisine et finalement ne les a plus retrouvées.
Sur son chemin du retour, explique Vieux Agora Daffé, le porte-parole du jour du comité, « il a rencontré les boeufs d'autrui et en a ramené cinq chez lui. Cette pratique est loin d'être un vol de sa part mais une méthode très connue dans cette zone pour mettre la pression du côté des voleurs à restituer ou aider à retrouver les animaux volés.
Et pour montrer sa bonne foi, Moustapha Souaré est allé faire la déclaration des cinq animaux qu'il a ramenés de la Guinée Bissau tout en expliquant les conditions dans lesquelles tout cela s'est passé. Selon nos informations, des menaces d'arrestation pèsent sur lui au motif que l'acte qu'il vient de commettre est tout aussi un vol », dit-il.
Soutien à Moustapha Souaré et appel strident à la sécurité publique
« Nous, membres du comité de lutte contre le vol de bétail, soutenons Moustapha Souaré car c'est un homme engagé contre le vol de bétail et il est intègre et travailleur foncièrement contre l'injustice et les pratiques délictueuses. Au demeurant, nous demandons à la gendarmerie de faire acte de compréhension de la volonté de notre camarade à faire pression pour que ses boeufs lui soient restitués et non pour le simple fait de commettre un vol », ont-ils relevé.
Dans un tout autre registre mais sur le même sujet, Vieux Agora Daffé ajoute, au nom du comité de lutte contre le vol de bétail, « il est grand temps que les autorités sénégalaises prennent les taureaux par les cornes et renforcent la sécurité sur toute la bande frontalière avec la Guinée Bissau. Nous avons les mêmes droits de sécurité au même titre que nos compatriotes de Tambacounda, Dakar, Thiès, Saint-Louis ou ailleurs ».
Et de mettre le doigt sur le péril dévastateur de leur économie locale : « dans notre zone rurale du Balantacounda, les gens méconnaissent le système d'épargne par la banque. Ce n'est ni accessible ni avantageux pour eux ; raison pour laquelle nous achetons et élevons des animaux en guise d'économie rurale accessible. Mais hélas, ces cas de vol massifs avec usage d'arme à feu est une source potentielle de pauvreté chez nous dans le Balantacounda ».
WANEP Sénégal et Guinée prennent les taureaux par les cornes
Cet énième cas de vol de bétail en zone de frontière intervient dans un contexte marqué par des actions multiples de sensibilisation de l'ONG WANEP/Sénégél et Guinée dans le cadre de la mise en oeuvre des stratégies communes de lutte contre le vol de bétail en zone de frontières. Son coordonnateur national Afred Gomis ainsi que ses partenaires de mise en oeuvre que sont l'ONG Enfance et Paix et Afrique Enjeux et l'équipe de Wanep/Guinée Bissau tiennent régulièrement des activités de terrain pour amener les parties prenantes à l'élaboration de plans de mitigation du phénomène.
Une rencontre est incessamment prévue à Bissau dans le cadre de la mise en oeuvre de ce projet ADA-lutte contre le vol transfrontalier de bétail entre le Sénégal et la Guinée Bissau et sur financement de la coopération autrichienne de développement.
Ce projet vise à raffermir les relations sociales et économiques entre les deux pays au travers des activités communes de résilience de part et d'autre de la frontière. Il s'agit entre autres de l'aménagement des sites pilotes d'enclos communautaires, du financement des activités génératrices de revenus, des fora communautaires, des débats et plateaux publics sur des antennes radiophoniques et télévisuelles. Toutefois sur le terrain, ce mal qui a eu le temps nécessaire d'enfoncer ses racines dans les sables du passé, peine à s'estomper durablement.