MAROUA, Cameroun — À Maroua, dans la région de l'Extrême-Nord du Cameroun, Aissatou* a été mariée de force alors qu'elle n'avait que 14 ans, brisant ses rêves d'éducation.
Fuyant la violence infligée par des groupes armés dans son village, près de la frontière nigériane, sa famille a laissé sa maison, ses biens et toute sa vie derrière elle. Alors qu'il ne leur restait que peu de ressources et aucun moyen de subsistance, les parents d'Aissatou n'ont vu d'autre solution que de marier leur fille à un homme riche de 40 ans son aîné, dans l'espoir que celui-ci prenne soin d'elle, alors qu'eux ne le pouvaient plus.
Contrainte d'abandonner ses études, elle a été retenue dans le village de son mari, théâtre lui aussi d'attaques fréquentes. Isolée et sans soutien, Aissatou a rapidement été agressée et violée par l'un des groupes armés.
« Ils m'ont arraché ma dignité, m'ont brisée et laissée seule », témoigne-t-elle auprès de l'UNFPA, l'agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive. « Ils m'ont tout pris : mes livres, mes rêves, mon enfance. »
Lorsqu'Aissatou a appris sa grossesse, la famille de son mari l'a mise à la porte, la laissant se débrouiller seule dans la rue. Elle n'était encore qu'une enfant et allait pourtant bientôt devenir mère.
Assurer une prise en charge essentielle en matière de santé sexuelle et reproductive
Peinant à subvenir à ses besoins, Aissatou s'est résolue à vendre des cacahuètes pour gagner sa vie, avant d'être adressée à un programme dirigé par l'UNFPA, qu'elle décrit comme « transformateur ».
Depuis juillet 2023, le programme, financé par les gouvernements de Norvège et des États-Unis d'Amérique, prend en charge les personnes déplacées des régions affectées par les conflits du nord du Cameroun. Ces populations, en particulier les femmes et les filles, ont en effet cruellement besoin de protection contre la violence basée sur le genre et de services de santé sexuelle et reproductive.
Aissatou a bénéficié d'un suivi pré et postnatal, d'une prise en charge clinique du viol qu'elle a subi, et d'un accouchement par césarienne. Elle s'est également vu remettre une « baby box », un colis contenant des produits essentiels pour son fils.
Outre le soutien aux survivantes comme Aissatou, l'UNFPA a également permis la distribution de kits de santé reproductive d'urgence à huit établissements de santé dans la région de l'Extrême-Nord. Ces kits contiennent des produits tels que du savon et des lingettes antiseptiques, des gants stériles, des clamps pour cordon ombilical, et des médicaments de santé maternelle pour prévenir les hémorragies du post-partum et traiter les infections, afin de contribuer à assurer des accouchements sans risque dans des environnements dépourvus d'établissements médicaux.
Des fournitures dédiées à la planification familiale et des moyens de contraception d'urgence sont aussi inclus, ce qui permet de diminuer les risques de grossesse non intentionnelle, une inquiétude majeure pour les femmes et les filles, d'autant plus lors des déplacements de population. En outre, des traitements ciblant les infections sexuellement transmissibles et des kits de soins post-viol apportent un soutien médical essentiel aux survivantes de violence sexuelle.
Des sages-femmes sur les routes
Plus de 30 sages-femmes dépendant de l'UNFPA sont également déployées dans les établissements médicaux et les unités de santé mobiles qui se déplacent dans les zones difficiles d'accès de l'Extrême-Nord du Cameroun, épaulées par une équipe communautaire de professionnelles de santé dédiée aux soins maternels et néonatals.
Les unités peuvent ainsi dépister les infections sexuellement transmissibles et adresser les patientes à des centres spécialisés dans le dépistage du VIH et du SIDA et dans la prise en charge clinique des viols. Les survivantes de violence basée sur le genre ont accès à huit espaces sûrs dirigés par l'UNFPA, dans lesquels elles peuvent bénéficier d'une aide psychosociale et être orientées vers des soins plus poussés.
Mis en oeuvre par des partenaires locaux, des organisations dirigées par des femmes et des services de santé décentralisés, le projet vise à soutenir plus de 100 000 femmes et filles dans huit districts des départements Mayo-Tsanaga, Mayo-Kani, Mayo-Danay et Logone-et-Chari.
Aujourd'hui âgée de 16 ans, Aissatou, qui a recouvré sa santé et son bien-être, garde la tête haute. « En plein désespoir, elles m'ont sauvé la vie », dit-elle des professionnelles de santé. « Elles ne m'ont pas seulement soignée, elles m'ont aussi offert un espace sûr pour guérir et me redonner espoir. »
* Les noms ont été modifiés pour garantir l'anonymat et la protection des personnes
Cette histoire fait partie d'une série d'articles illustrant les progrès réalisés depuis la Conférence internationale sur la population et le développement de 1994, lors de laquelle la communauté internationale s'est engagée à garantir l'égalité des sexes et le droit à la santé sexuelle et reproductive pour tous. En savoir plus.