La Côte d'Ivoire a de nouveau été endeuillée par des inondations mi-juin 2024, au cours desquelles huit personnes au total ont trouvé la mort à la suite de fortes pluies qui se sont abattues sur le pays; créant aussi des dégâts matériels. Malgré les efforts des autorités ivoiriennes, le phénomène persiste depuis quelques années.
Selon les experts, les inondations à Abidjan sont la conséquence d'une combinaison de facteurs, dont l'urbanisation galopante et anarchique, la destruction des zones humides naturelles et l'insuffisance des infrastructures d'assainissement.
"Nous avons à faire un gros travail d'éducation de la population. Si on arrive à des grandes situations de désastre, il y a une part qui incombe à notre mode de vie, à notre mode de gestion de notre environnement; et nous devons déjà corriger cela", explique Joseph Amon, président de l'ordre des architectes de Côte d'Ivoire.
"Si on a un format de discipline, dans la gestion de nos cités, on peut avoir une meilleure gestion de ce phénomène d'inondation. Mais lorsqu'on occupe tous les espaces, lorsqu'on ferme les caniveaux, on rejette dans les réseaux publics toute sorte de déchets, qui viennent encombrés, vous avez beau faire les plus grands caniveaux, il y aura toujours des problèmes qui vont apparaître", ajoute l'expert.
La responsabilité de la population est donc engagée. Mais celle des pouvoirs publics aussi. En effet, de nombreuses constructions à Abidjan n'ont pas été faites en suivant un schéma directeur sur les notions d'urbanisme. Les constructions se sont faites donc de manière anarchique, ce qui n'était pas le cas dans les années 1980.
"Tout allait bien, on avait moins de problèmes d'assainissement. Et c'est à cette époque que l'Etat a fait étudier un plan directeur d'urbanisme, un plan directeur de l'assainissement de la ville d'Abidjan. Lorsque ce schéma d'urbanisme a été créé, on l'a appliqué", sew souvient Mamadou Traoré, urbaniste.
Mais malheureusement, selon cet expert," l'urbanisation galopante a dépassé les limites du plan directeur d'urbanisme".
"Et cet abus là c'est ce que nous payons aujourd'hui. Parce que, un le réseau d'assainissement n'était pas prévu d'arriver là où la ville est arrivée aujourd'hui. De deux tout ce qui était élément naturel qui pouvait retenir on l'a détruit. Comme éléments naturels, il y avait les plantations de palmiers à huile entre Abidjan et Bingerville. Et aujourd'hui Bingerville est inondée, la route entre la 2 et Bingerville est inondée, Alhambra est inondée", explique l'urbaniste Traoré.
Une autre raison qui explique ces inondations, c'est la position géographique de la ville d'Abidjan. La capitale économique ivoirienne se trouve être dans un creux comparé aux autres villes ivoiriennes. Il est donc difficile d'évacuer l'eau de pluie sans qu'il n'y ait inondation. Le Colonel KARAMOKO Vadiawè, ex sapeur-pompier et expert en inondation confie: "Abidjan est dans une région basse. Quand on dit région basse c'est-à-dire que quand l'eau va quitter ailleurs en haut d'Abidjan, tout va descendre sur Abidjan".
Il poursuit: "Non seulement on est dans une région basse mais aussi une région plate. Il faut aussi savoir que la ville est construite sur des plaines et des zones humides naturelles qui peuvent être facilement inondées en cas d'augmentation rapide du volume d'eau. Après la géographie et la topographie c'est l'urbanisation non planifiée."
Des mesures insuffisantes face à l'ampleur du défi
Les autorités ivoiriennes ont donc décidé de détruire les maisons situées sur les zones à risques, ce qui a créé un sentiment de frustration au sein de la population. Malgré cette initiative de l'Etat, la ville a subi des inondations lors des dernières pluies. Et les raisons sont plutôt simples selon les experts
"Démolir ne doit pas s'arrêter", souligne Joseph Amon. "Qu'est ce qu'on fait après la démolition, qu'est qu'on fait de tous ces espaces qui ont été mis à nus? Si on ne fait rien, on risque d'avoir d'autres phénomènes qui vont apparaître, la nature a horreur du vide. Si on ne fait pas d'aménagement, les risques d'inondations vont être multipliés par quatre, cinq, six", prévient M. Amon.
Les pluies torrentielles suivies d'inondations dévastatrices sont récurrentes dans la plus grande ville ivoirienne où vivent près de six millions d'habitants. L'an dernier, au moins 30 personnes sont mortes dans des incidents liés aux fortes pluies.
Un appel à la responsabilité collective
La lutte contre les inondations en Côte d'Ivoire nécessite une mobilisation collective. Les autorités doivent mettre en place des politiques d'urbanisme rigoureuses et investir dans la construction d'infrastructures d'assainissement adéquates.
La population, quant à elle, doit adopter des comportements plus responsables en matière d'occupation des sols et de gestion des déchets. Seul un effort conjoint permettra de briser le cycle des inondations meurtrières et de bâtir un avenir plus sûr pour les populations ivoiriennes.