J'ai tout récemment pris part au Conclave du Bassin du Congo à Kinshasa-RDC. Un rassemblement de plus de 100 leaders locaux, activistes, experts et officiels venant de la République Démocratique du Congo, de la République du Congo, du Cameroun, du Gabon et de la Guinée Equatoriale.
C'était un moment convivial d'échanges d'idées et de partage d'expériences. Nous avions un comme objectif entre autres d'identifier des solutions locales pour des problématiques locales afin d'assurer un avenir sain et durable au Bassin du Congo.
Le Conclave a ouvert un espace qui a permis d'identifier les principales menaces réelles et potentielles qui pèsent sur nos forêts, leur biodiversité et les communautés vivant à l'intérieur et tout autour.
Face à cela, de nombreuses actions ont été proposées à l'issue des travaux parmi lesquelles la nécessité de faire:
un inventaire systématique de la biodiversité pour mieux connaître, protéger et conserver les ressources existantes,
la documentation, valorisation et préservation des savoirs endogènes;
la sécurisation des territoires de vie des peuples autochtones et communautés locales ;
la promotion de l'agroforesterie, de l'agroécologie et des énergies renouvelables comme alternatives ;
le développement et le soutien des initiatives d'éducation environnementale en milieu scolaire et dans les communautés.
Le constat était clair, pour protéger et utiliser durablement les forêts du Bassin du Congo, il faut mener des actions concertées. Les gouvernements sont encouragés à concevoir et davantage implémenter des stratégies transfrontalières pour préserver notre joyau commun. Ils sont aussi invités à s'inspirer les uns les autres afin d'améliorer le cadre politico-légal de la gouvernance des ressources naturelles en général et des ressources forestières en particulier.
En effet, le conclave a permis d'identifier ce qui se fait de bien dans chaque pays. En matière de protection des droits des peuples autochtones par exemple, la République Centrafricaine a ratifié, en août 2010, la Convention n° 169 (C 169) de l'OIT sur les droits des peuples autochtones et tribaux, devenant de ce fait le 1er Etat africain et le 22ème au monde à ratifier ladite Convention. Cette ratification, couplée au vote de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des peuples autochtones (UNDRIP) constitue l'expression d'une volonté politique de la RCA de donner une nouvelle dynamique à la promotion et à la protection des droits des peuples autochtones.
En 2011, c'était au tour de la République du Congo de promulguer la Loi n° 5-2011 du 25 février 2011 portant promotion et protection des populations autochtones. Cette loi en son titre IV sur le droit à la propriété stipule par exemple que les populations autochtones ont un droit collectif et individuel à la propriété, à la possession, à l'accès et à l'utilisation des terres et ressources naturelles qu'elles occupent ou utilisent traditionnellement pour leur subsistance, leur pharmacopée et leur travail; et que l'Etat garantit aux populations autochtones le droit à un environnement sain, satisfaisant et durable.
Il y a deux ans que la République Démocratique du Congo a adopté la Loi n°22/030 du 15 juillet 2022 portant protection et promotion des droits des peuples autochtones pygmées. Cette loi détermine un cadre juridique de la protection et la promotion des droits autochtones pygmées et porte aussi sur les droits fonciers de ses populations, dont ils ont été victimes de dépossession de leurs biens.
Toutefois, l'existence d'un cadre légal ne suffit pas à garantir la protection des droits des peuples autochtones. En effet, il existe un abîme entre les pratiques observées en Afrique centrale et le cadre légal forestier dont les dispositions sont presque toujours bafouées. Rainforest Foundation UK et l'APEM ont par exemple récemment condamné fermement les violations graves et systématiques des droits de l'homme qui auraient été commises par des agents de la police à l'encontre de membres de la communauté autochtone pygmée dans la concession forestière communautaire (CFCL) de Lokolama en République Démocratique du Congo.
En matière de droits humains, les Etats ont une triple obligation: respecter, protéger et mettre en oeuvre. Ils doivent aussi contraindre les entreprises nationales ou internationales présentes sur leurs territoires à respecter lesdits droits. Autrement, ils violeraient leurs obligations découlant du droit international des droits de l'homme et du cadre régional africain de protection desdits droits.
Mon message aux dirigeants au sortir de ce conclave est disponible ici.
Stella Tchoukep, Charge de la campagne Forêt, Greenpeace Afrique