Madagascar: Vanille - Une suspicion de blanchiment d'argent plane sur la filière

Après l'échec programmé de la tentative du marché dirigé, la vanille malgache n'est pas encore sortie du tunnel. La libéralisation des exportations qui a remplacé le système de la fixation d'un prix minimum ne résout vraisemblablement pas la crise de la vanille.

Pire, cette libéralisation sans balise ouvre, selon des professionnels de la filière, la voie à toutes les formes d'abus dont des actes de blanchiment d'argent concoctés par des politiciens véreux.

D'un extrême à l'autre

On rappelle qu'en 2020 et dans un objectif affiché de protéger les intérêts des paysans planteurs, le ministère de l'Industrialisation du Commerce et de la Consommation avait décidé de fixer un prix minimum de 75 000 ariary le kilo de la vanille verte et de 250 dollars le kilo de la vanille préparée à l'exportation. Après trois années d'essai non concluant, le département d'Edgard Razafindravahy a dû rebrousser chemin en décidant une libéralisation totale de la filière.

Un passage d'un extrême à l'autre en somme mais qui n'est visiblement pas une solution pour sortir la filière du gouffre dans lequel on l'a enfoncée. En effet, faute d'acheteurs internationaux qui se bousculent et en raison d'une concurrence de plus en plus rude de la part des autres pays producteurs, la vanille n'arrive plus à s'imposer sur la marché international. Et les premiers perdants, ce sont bien évidemment les pauvres planteurs à qui, on a promis monts et merveilles, mais qui arrivent actuellement à peine à vendre la gousse de vanille verte à 15 000 ariary. Le prix de la honte en somme.

Prix suspect

Quant aux exportateurs, du moins ceux qui jouent franc-jeu, ils ne s'en sortent pas non plus. Et pour cause, des exportateurs qui ne sont pas forcément honnêtes arrivent actuellement à exporter de la vanille à un prix très largement en dessous du coût de revient. On parle dans le milieu de la vanille, de certains opérateurs qui proposent des offres à 22 dollars le kilo, notamment pour les exportations à destination des États-Unis.

Un prix suspect quand on sait qu'au moins, le coût de revient de la vanille, arrivée à destination des États-Unis ou d'Europe, est estimé à 33,5 dollars le kilo. En effet, le prix de la vanille préparée pratiquée par les opérateurs locaux auprès des exportateurs est actuellement de 72 500 ariary le kilo, soit un coût matière, après dessiccation de 16,5 dollars (avec un taux de change de 4 400 ariary le dollar). À cela s'ajoutent les différents coûts comme la charge d'exploitation estimée à 4 dollars, les redevances à verser au Conseil National de la Vanille (CNV) également à 4 dollars, les 2 dollars de frais de mise à FOB, mais aussi les 7 dollars de fret. Ce qui fait un coût total de 33,47 dollars, hors marge bénéficiaire pour un kilo de vanille.

Un autre coup fatal

La question qui se pose est alors de savoir, pourquoi ces quelques opérateurs arrivent à vendre à 22 dollars le kilo. « Ce sont des offres impossibles à pratiquer sauf s'il y a quelque chose de louche derrière l'opération », indique-t-on dans le milieu de la vanille. Certains opérateurs suspectent même la présence d'une poignée d'exportateurs qui sont de mèche avec des politiciens pour mener une opération de blanchiment d'argent.

Des cas qui, s'ils sont avérés, méritent une attention particulière, de la part des autorités, mais également de la part du Pôle anticorruption dont le rôle est justement d'enquêter sur ce genre de méfaits qui peuvent porter un autre coup fatal à la filière vanille. Une filière qui risque, par ailleurs, d'être boycottée par les industriels et les importateurs qui, au nom du sacro-saint principe du marché équitable, refusent toutes formes de trafics et d'injustices dans ce marché de plus en plus concurrentiel de la vanille.

Sans compter les opérateurs honnêtes et réguliers qui sont injustement pénalisés par ces mauvaises pratiques et se retrouvent avec des centaines de kilos de stock invendu. Lesquels lancent d'ailleurs un appel aux acheteurs internationaux pour qu'ils ne jouent pas le rôle de complices des auteurs de blanchiment d'argent.

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