Par inadvertance ou pyromanie, le facteur humain y est pour beaucoup
Les incendies, fléau séculaire de nos forêts, voient aujourd'hui leur menace exacerbée par les effets insidieux du changement climatique. La sécheresse hivernale, plus persistante que jamais, frappe durement les nappes phréatiques, exposant nos forêts à des risques accrus dès les prémices du printemps. Cette situation alarmante laisse présager des étés de plus en plus dangereux, avec des incendies précoces et dévastateurs.
Cette année, la Direction générale de la météorologie (DGM) prévoit une période de chaleur intense dans plusieurs provinces du Royaume, à partir de ce week-end, où les températures oscilleront entre 37 et 42 °C, des conditions idéales pour la propagation rapide des feux de forêt.
Avec une capacité terrifiante de réduire en cendres des millions d'hectares à une vitesse fulgurante, les flammes, véritables vagues de destruction, peuvent atteindre une vitesse de près de 24 kilomètres par heure, dévorant un kilomètre toutes les quatre minutes. Devant une telle vélocité, l'on ne pourrait espérer les distancer. Cette situation impose une vigilance accrue et une mobilisation sans précédent. Alors que nous nous préparons à affronter un été sous le signe de la canicule, l'urgence de la situation appelle à une prise de conscience collective et à des actions concrètes. Les pouvoirs publics, les forestiers et les citoyens doivent redoubler d'efforts pour prévenir ces incendies et limiter leur impact. La préservation de nos forêts, poumons verts essentiels à notre survie, est plus que jamais une priorité impérative.
Un été à haut risque
«On a des indicateurs qui laissent présager un été difficile», estime Abdelghani Laflaj, spécialiste en protection incendie. «Les conditions météorologiques sont un facteur clé dans la propagation des feux de forêt. Nous avons observé des températures record et des épisodes de sécheresse prolongée dans de nombreuses régions, ce qui a entraîné une augmentation de la quantité de combustible disponible dans nos forêts. Cela crée un environnement propice à la propagation rapide des incendies et rend les efforts de lutte contre les feux de plus en plus difficiles», explique-t-il. «Il y a également un manque d'eau, les végétaux sont donc secs ce qui permet au feu d'évoluer sur un support sec et de progresser rapidement », détaille le spécialiste.
Pour lui, «le plus préoccupant cet été, c'est que les feux risquent d'être beaucoup plus intenses parce que le volume de combustible est plus fort». «Terre craquelée sur plusieurs hectares, lits de rivières à sec et réduits à un torrent de cailloux et de roches et nombre d'autres paysages, à l'aspect inattendu à cette époque de l'année, témoignent de la pénurie d'eau, notamment dans le nord du pays», souligne Abdelghani Laflaj, avant de rappeler que «les pompiers doivent avoir le soutien de tous les partenaires, au vu de l'importance de l'enjeu : le risque incendie menace les humains et les habitations, représente un danger économique pour les forêts, mais aussi un péril écologique. Le feu est synonyme de perte de biodiversité, de destruction d'écosystèmes, de rejet de CO2 et de particules fines. L'incendie de forêt cause aussi des dommages aux sols en modifiant leur capacité».
L'urgence d'une réponse budgétaire adéquate
La gestion des feux diffère selon les pays et les expériences vécues. Au Maroc, les ressources limitées en matière de lutte contre les incendies de forêt sont un sujet de préoccupation majeur. Les budgets alloués à la prévention et à la gestion des incendies de forêt sont souvent insuffisants pour répondre à la demande croissante d'intervention. «Cela pourrait entraîner des délais d'intervention plus longs, ce qui permettrait aux incendies de se propager rapidement et de causer des dommages considérables avant d'être maîtrisés», avance Abdelghani Laflaj.
Les feux de forêt sont en effet des catastrophes naturelles complexes et difficiles à combattre. «Ils nécessitent des ressources humaines, matérielles et financières considérables pour être maîtrisés efficacement. Malheureusement, de nombreux acteurs de lutte contre les feux de forêt sont confrontés à des défis financiers et opérationnels qui limitent leur capacité à répondre efficacement à ces incendies dévastateurs», estime le spécialiste. «Les budgets alloués à la lutte contre les feux de forêt sont souvent insuffisants pour faire face à l'ampleur croissante de la menace. Les coûts associés à la prévention, à la surveillance, à la lutte active contre les incendies et à la gestion post-incendie sont élevés, mais les fonds alloués ne sont souvent pas à la hauteur de ces défis. Cela entraîne des déficits dans les effectifs, l'équipement, la formation et les technologies nécessaires pour combattre efficacement ces catastrophes», nous explique-t-il.
«De plus, les feux de forêt sont souvent de grande envergure et se propagent rapidement, nécessitant une coordination et une collaboration entre les acteurs de lutte contre les incendies de différentes juridictions et niveaux de gouvernement. Cependant, les ressources pour la coordination et la planification de ces efforts sont également limitées, ce qui crée des lacunes dans la communication, la coordination et la prise de décision, entraînant des conséquences graves sur l'efficacité des opérations de lutte contre les incendies», ajoute Abdelghani Laflaj. Et d'insister : «Il est essentiel de reconnaître que les ressources limitées en matière de lutte contre les incendies de forêt ont un impact direct sur la sécurité des communautés, la santé des acteurs de la lutte contre les incendies, la préservation des forêts et de la biodiversité, ainsi que sur l'économie des régions touchées. Les incendies de forêt peuvent entraîner la destruction de maisons, d'infrastructures et de biens, ainsi que la perte de vies humaines et animales. Ils peuvent également causer des dégâts durables à l'environnement, à la qualité de l'air et de l'eau, ainsi qu'à l'industrie forestière, au tourisme et à l'agriculture».
Il est temps de reconnaître l'urgence de la situation et de prendre des mesures pour investir dans les ressources nécessaires afin de protéger nos populations, notre environnement et notre économie. «La lutte contre les feux de forêt nécessite une approche globale et coordonnée pour garantir une réponse efficace à cette menace croissante», conclut le spécialiste.
Des causes humaines sous estimées
Bien qu'ils soient classés comme des catastrophes naturelles, seulement 10 à 15% des incendies de forêt se produisent d'eux-mêmes dans la nature. Les 85 à 90% restants sont dus à des causes humaines, notamment des feux de camp et de débris non surveillés, des cigarettes jetées et des incendies criminels. «C'est pourquoi des consignes portant sur les gestes dangereux doivent être régulièrement diffusées au sein de la population, dans les régions à risque notamment», rappelle Abdelghani Laflaj.
L'activité humaine est donc à l'origine de la grande majorité des feux de forêt. Mais il y a plus inquiétant et moins aléatoire : les causes liées à des actes malveillants, principalement symbolisés par les pyromanes. En effet, on estime les feux volontairement allumés à 40% des incendies de forêt.
Certains gestes simples sont donc indispensables pour éviter la perte de plusieurs milliers d'hectares de forêt à cause d'une erreur humaine. Il faut tout d'abord éviter de jeter des mégots ou de laisser traîner des bouteilles en verre. Parce que la cigarette ne constitue pas uniquement un danger pour votre santé, mais également pour les forêts et les espaces verts qui vous entourent. En effet, le jet de mégots de cigarettes se révèle être l'une des principales causes du déclenchement d'incendies de forêt. Et si vous croyez qu'il suffit d'éviter d'abandonner une cigarette lors d'une promenade ou d'une randonnée, vous vous gourez. Puisqu'en plus de cela, il faut faire tout autant attention à ne pas jeter vos mégots sur le bas-côté des routes qui longent les forêts, bois ou pinèdes, lorsque vous êtes au volant de votre véhicule. Toujours dans la liste des objets à ne surtout pas abandonner en forêt, il y a aussi les bouteilles en verre. Si elles sont vides, ces bouteilles peuvent produire un effet loupe lorsqu'elles jonchent le sol et, conséquemment, produire cet effet et enflammer les herbes aux environs.
Prévenir les risques à proximité des habitations
Bien connaître les mécanismes du feu et les comportements de l'incendie peuvent vous éviter bien des difficultés. Alors comment protéger sa maison des feux lorsqu'on réside à proximité d'une forêt? Quels sont les bons gestes ?
L'entretien des végétaux aux abords de la maison est en effet une étape importante pour limiter la propagation du feu de forêt. Lorsque le jardin et ses alentours ne sont pas entretenus, que des feuilles sèches et des débris de végétaux sont au sol, le feu n'a aucun mal à se propager rapidement. Pour éviter cela, il est essentiel d'entretenir régulièrement son jardin et d'élaguer les arbres.
Dans un rayon de 200 mètres autour de leurs habitations, les particuliers sont dans l'obligation de débroussailler. Dans les zones parfaitement débroussaillées, le feu ne cause aucun dommage. En revanche, il est interdit de brûler les déchets issus de ce débroussaillage pendant les périodes de risque de feux de forêt.
Si vous habitez dans une région à risque, il est préconisé d'éviter de planter des végétaux inflammables comme les conifères, les mimosas, les bambous ou encore les lauriers. De même, le gazon synthétique peut alimenter le feu : favorisez donc le gazon naturel. Optez pour des plantes grasses, comme le gastéria, le black boy, la vigne ou encore le cactus. N'hésitez pas à entourer votre jardin de haies. En effet, une plantation de haies est un bon pare-feu. Pensez également à ramasser les feuilles mortes et autres débris végétaux en décomposition sous vos plantations pour éviter tout risque de propagation d'incendies.
La première chose à faire lors d'un départ de feux de forêt est de prévenir les pompiers.
Donnez-leur la localisation la plus précise de l'incendie. Essayez d'éteindre le feu avec de la terre, du sable ou de l'eau sans vous mettre en danger. Si l'incendie se déclare à proximité de votre habitation, arrosez les abords de votre maison pour la protéger. Fermez vos volets, fenêtres, bouches d'aération et placez des draps mouillés en bas des portes.