Ghana: Les fabricants de Kenté, célèbre tissu traditionnel, confrontés à des imitations venues de l'étranger

Le Kenté, cet habit traditionnel ghanéen, est connu mondialement pour ses nombreux motifs colorés. Des vêtements cousus mains, suivant un savoir-faire transmis de famille en famille depuis des siècles mais qui subissent depuis plusieurs décennies une forte concurrence : les marchés ghanéens sont aujourd'hui inondés d'imitations imprimées, produite en grande partie en Chine.

De quoi provoquer une inquiétude grandissante chez les acteurs du secteur. Reportage dans un centre de tisserands à Bonwire, dans la région Ashanti, un des lieux historiques du Kenté.

Cinq mois de travail à la main, pour un seul Kenté : voici ce qui attend Emmanuel Osei, artisan de 39 ans. Assis face à son métier à tisser, il préfère ne pas penser aux imitations de Kenté, imprimées notamment en Chine. « Ça me rend très mal à l'aise, parce que tisser du Kenté prend énormément de temps. Et là, un homme d'affaires chinois va venir prendre une photo, la mettre dans une machine, et puis imprimer plein de Kenté, et ça, en quelque minutes », soupire-t-il.

« Ce sont les gens de chez nous qui leur envoient les motifs pour qu'ils les reproduisent »

Cette concurrence, elle est également alimentée par les Ghanéens eux-mêmes. C'est en tout cas ce qu'a constaté Nanette Bossman, commerçante de Kenté à Bonwire. « Ce sont les gens de chez nous qui leur envoient les motifs pour qu'ils les reproduisent, affirme-t-elle. C'est parce que ce n'est pas cher. Donc, les gens préfèrent acheter ça ».

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En deux années de crise économique, le pouvoir d'achat des Ghanéens a fortement diminué. De quoi provoquer une explosion de la demande des réplicas de Kenté, selon Eric Kwarteng, responsable du centre des tisserands de Bonwire. « Dans plein de marchés du Ghana, beaucoup de personnes y vont pour ça, souligne-t-il. Nous, nous avons demandé au gouvernement et aux autres autorités de venir saisir ces imitations, parce que cela tue notre industrie ».

La part de l'industrie textile dans le PIB du Ghana a, elle, drastiquement chuté, passant de 179 millions de dollars en 1994, à 53 millions de dollars, moins de 20 ans plus tard.

Ghana: «On devrait protéger le Kenté en utilisant la protection à travers l'indication géographique» Si une interdiction d'importation des imitations de Kenté n'est pas prévue à ce jour, des règlements existent. Notamment un : le Copyright Act. Adopté en 2005 par le gouvernement ghanéen, la loi prévoit que toute utilisation ou reproduction du folklore ghanéen doit être préalablement approuvée par les autorités du pays.

Un outil législatif qui ne protège toutefois pas réellement les producteurs de Kenté, selon Michelle Okyere, avocate ghanéenne spécialisée en propriété intellectuelle et co-autrice d'une étude sur la protection du Kenté. « La législation actuelle du pays prévoit que le Ghana peut désigner une autorité compétente pour protéger un fabricant de Kente, souligne-t-elle au micro de Victor Cariou.

Mais la vérité, c'est que cela ne correspond pas aux caractéristiques du Kenté. Le Kenté ne peut en effet être attribué à une seule personne. Il ne peut y avoir d'auteur individuel. C'est un produit communautaire, qui représente les caractéristiques d'une communauté tout entière ». Elle souligne : « Je pense que l'on devrait protéger le Kenté en utilisant la protection de l'indication géographique, pour promouvoir la conscience culturelle de cet habit en tant que textile ghanéen. Par exemple, si on ne répond pas à certains critères spécifiques définis dans la production du Kenté, qui peuvent inclure le fait qu'il doit être produit à Bonwire, ou dans les autres communautés Ewe qui produisent également du Kenté, alors tu ne peux pas l'appeler Kenté. » Michelle Okyere conclut : « Cela n'empêche pas les autres personnes de produire des copies. Mais ils ne pourront juste pas l'appeler ainsi. S'ils le font, ils s'exposeront à des poursuites judiciaires. »

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