Congo-Kinshasa: Halte à la prédation - Des Minerais de sang aux Minerais de paix et développement !

"Il est temps que ces minerais de sang deviennent les minerais du développement et de paix", déclare Samy Badibanga Ntita, Sénateur, Premier Vice-Président Honoraire du Sénat et Ancien Premier Ministre de la RD. Congo, dans une Tribune d'expression libre. Selon lui, en effet, l'impératif aujourd'hui est d'agir à plus long terme, par l'investissement, pour que l'exploitation, la commercialisation et, même, la transformation, aient lieu en RDC et non dans les pays voisins, prédateurs des minerais qu'ils n'ont pas sur leur sol et sous-sol. Il faut repenser l'ensemble de la chaîne de responsabilité et de valeur qui conduit aux sociétés internationales - telles que Tesla, Apple, Huawei... - et jusqu' aux consommateurs. Personne ne peut aujourd'hui ignorer l'origine de ces minerais".

Il est temps...

La prédation des minerais à l'Est de la RDC continue de fragiliser le territoire. Concrètement, Samy Badibanga estime qu'il est temps que ces richesses naturelles qui alimentent la transition énergétique mondiale, financent également le développement du pays.

Mineurs, mine de Mudere, dans la région de Rubaya, au Nord-Kivu, RDC

Alors que la transition énergétique bat son plein dans les pays développés, les minerais qui alimentent cette transformation sont la cause d'un conflit qui ravage l'est de la République Démocratique du Congo depuis trente ans. Il est urgent d'innover pour le financement de l'aide humanitaire et la reconstruction, par les investissements de développement minier et des infrastructures en RDC. Cela doit se faire, à son avis, grâce, par exemple, à l'institution d'une taxe humanitaire internationale sur les smartphones, ordinateurs et batteries de voitures électriques, qui contribuerait à un trust fund [fonds de placement] « Minerais de paix », financé également par des contributions volontaires d'États intéressés et des grands acteurs de la digitalisation et de la transition énergétique.

%

Accélérateur de crises

Les priorités du Nord et du Sud sont aujourd'hui divergentes. La priorité de la RDC est son propre développement durable à partir de ses richesses nationales, qui exige de construire ses infrastructures essentielles. La priorité des pays développés, la lutte contre le changement climatique, doit maintenant rencontrer celle du Congo.

La prédation des minerais à l'est de la RDC est la cause d'une crise humanitaire immense, que la transition énergétique des pays développés ne fait qu'accentuer. Avec plus de 10 millions de morts, 10 millions de déplacés, 25 millions de personnes en insécurité alimentaire, des milliers de femmes violées dans les camps de réfugiés, des millions d'enfants privés d'école, exploités dans les mines illégales ou recrutés comme enfants soldats... Point n'est besoin d'en rajouter, la situation est connue. Pour autant, la communauté internationale ferme les yeux, plongée dans une inertie consciente. Étant à la base du conflit, sa responsabilité est pourtant évidente et première.

Fillettes dans une mine de coltan à Kamatare, territoire de Masisi, Nord-Kivu, RDC, le 1er décembre 2018

Ni le règlement UE « minerai de sang », ni le Dodd Frank Act des Etats-Unis n'ont permis d'assurer la traçabilité de l'origine des minerais. Mais, les consommateurs européens, américains et chinois ne savent-ils pas que chaque batterie de voiture électrique, smartphone ou ordinateur cause, chaque jour, la mort de femmes et d'enfants dans l'Est du Congo ?

Deux clés de voûte, des solutions pérennes...

Il s'agit aujourd'hui de trouver les solutions pérennes permettant d'atteindre trois objectifs d'intérêts mutuels, à traiter simultanément. Le premier est la paix et la sécurité dans l'Est de la RDC, via un cessez-le-feu et le retrait des troupes étrangères.

Le second est la résolution de la crise humanitaire. Le plan humanitaire ONU 2024 pour la RDC ne trouve pas son financement, à hauteur de 2,6 milliards de dollars nécessaires, un chiffre qui en dit long sur l'ampleur du désastre. Le troisième objectif est la reconstruction et le développement dans la paix. Il est temps que les richesses naturelles minérales du Congo, qui alimentent la transition énergétique mondiale, financent également son propre développement.

Taxe internationale humanitaire

Pour mobiliser ces financements nécessaires, à l'instar de la taxe Chirac sur les billets d'avion, une taxe internationale devrait être prélevée sur les smartphones, ordinateurs et batteries des voitures électriques pour financer l'assistance humanitaire et la reconstruction des écoles, hôpitaux et routes détruits par le conflit de prédation minière imposé à la population congolaise.

Les fonds collectés par cette taxe humanitaire financeraient alors l'aide humanitaire et la reconstruction de l'Est du Congo, sous forme d'un trust fund « Minerais de paix » faisant appel à des engagements et contributions volontaires des grands acteurs privés de la transition énergétique et de la digitalisation.

AllAfrica publie environ 600 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.