Congo-Kinshasa: Conférence-débat à l'Université Kongo du 21 juin 2024 - Des mercenaires qui nous dirigent à l'usage courant du cerveau limbique au pays

Le MDW d'aujourd'hui rend compte d'une descente sur le campus de Kisantu d'un groupe de Professeurs de l'Université Pédagogique Nationale (UPN) conduit par le Directeur du Centre africain d'éducation, CAMED en signe, le professeur Henri Dinzenza. L'Université de Kinshasa a sans doute la réputation d'être la plus ancienne et la plus grande université du Congo, mais l'UPN possède, au sein de son corps professoral, une crème intellectuelle inégalable et qui demeure sous-exploitée faute d'organisation.

La preuve venait encore d'être donnée pendant la conférence-débat animée par trois professeurs de l'UPN à Kisantu ; trois professeurs dont les expériences ne sont pas exploitées dans leur Alma Mater, faute d'organisation. Le Professeur Gyavira Mushizi a été successivement Secrétaire Administratif, Secrétaire Académique de l'ISDR-Bukavu et Recteur de l'Université officielle de Bukavu.

Le professeur Alexis Bemba a presté pendant plus de dix ans comme journaliste avant de se lancer dans les études doctorales en science politique qu'il acheva en 2018 et depuis, il est professeur de science politique à l'UPN, à l'ISC et à l'UCC.

Et, enfin, le Professeur Patience Kabamba qui, après un doctorat en Anthropologie culturelle de Columbia University à New York en 2008, a enseigné dix années durant dans les universités américaines de New York à Utah, en passant par Emory University à Atlanta, l'université de Pennsylvanie et l'université Notre Dame à Indiana, a atterri à l'UPN en 2018 comme professeur d'anthropologie.

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Ces éminents professeurs ont montré de quoi l'UPN serait capable si elle était, tant soit peu, organisée et gérée de manière académiquement rentable pour son personnel et ses étudiants. Après un accueil chaleureux par les autorités de l'Université Kongo, le groupe des professeurs de l'UPN conduit par le professeur Henri Dinzenza, président du CAMED et membre permanent du conseil d'administration de l'université Kongo, une des rares universités communautaires du pays, a commencé la conférence-débat sous la modération du professeur Mushizi.

Le professeur Bemba nous a fait comprendre que dans son livre intitulé Le processus électoral au Congo de 1960 à 2011, les élections au Congo sont structurellement biaisées par la présence des faux représentants. Par le concept de la fausse représentation, le professeur Bemba dénonce le fait que des habitants de Kinshasa vont chercher des suffrages auprès de leurs villages d'origine alors qu'ils n'y habitent plus.

Une personne habitant Kinshasa qui va se faire élire à Idiofa, par exemple, d'où il est originaire et où il n'a plus mis les pieds est simplement un mercenaire. Nos élections au Congo sont truffées de mercenaires qui ne servent pas la cause des habitants qui leur ont octroyé leurs votes. Il vaut mieux postuler là où l'on a sa résidence et laisser les gens du village se choisir leurs propres représentants qui les connaissent mieux.

Le professeur Bemba a poursuivi en disant que les représentants congolais ne sont pas seulement des mercenaires, mais ils ne comprennent pas le sens de la politique qui consiste en la direction de la cité à travers un service pour la communauté.

L'argent que l'État met entre les mains des politiques (ministres, députés ou mandataires dans les entreprises publiques) constitue des moyens mis à leur disposition pour servir la communauté.

Mais, nous constatons malheureusement qu'en lieu et place de servir la communauté, les politiciens congolais se servent de la communauté pour s'enrichir. Et le professeur Bemba cite l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo qui disait : « Si un politicien devient riche, c'est qu'il a volé l'État ». On ne fait pas de la politique pour devenir riche, mais pour servir la communauté. Si vous voulez devenir riche, ne faites ni la politique, ni le journalisme. En conclusion, le professeur Bemba a martelé le fait qu'il n'y avait pas de véritables riches au Congo, mais qu'il n'y avait que des voleurs dans la plupart des cas.

Le Congo ne pourra pas décoller économiquement avec la présence des mercenaires et des voleurs à sa tête. Il faut, selon le professeur Bemba, bâtir la RDC par sa fondation, à savoir les secteurs qui devraient devenir les points focaux de la gouvernance étatique. Pour le professeur Bemba, les entités locales de base sont des entités de proximités par excellence qui peuvent répondre efficacement aux préoccupations des citoyens.

Le professeur Kabamba s'est posé la question de savoir comment les Congolais sont-ils capables de vivre dans une ville comme Kinshasa, par exemple, où la circulation est quasi mortelle avec des motards incontrôlés et parfois conduisant sous les effets de la drogue ? Comment peut-on patiemment supporter des embouteillages quatre heures durant, des coupures intempestives d'eau et d'électricité ? En anthropologue définissant l'État comme une forme d'organisation des relations sociales, et non pas une structure rigide imposée aux peoples, le professeur Kabamba en appelle à la souplesse qui caractérise les rapports humains. Nous sommes des êtres sociaux, lança-t-il, et non des êtres étatiques.

L'Etat est une forme d'organisation des rapports sociaux ; si cette forme ne marche pas, on devrait changer pour trouver une autre forme d'organisation sociale plus adéquate à nos aspirations.

De même que dans une relation interpersonnelle, vous ne pouvez pas demeurer avec une personne qui abuse de vous, de même, une forme étatique qui détruit la population devrait être simplement abandonnée. Mais pourquoi les Congolais, devant l'échec flagrant de leur Etat, ne se posent-ils pas la question d'une autre forme d'organisation sociale, se demande le professeur Kabamba. Il y répond en disant que les Congolais, étant obligés de réagir au quotidien à la dureté de la vie, utilisent plus souvent le cerveau limbique plutôt que le cerveau cortical.

Le cortex cervical des Congolais n'est pas très sollicité parce qu'ils sont préoccupés de s'ajuster quotidiennement aux stress de la vie.

Le professeur Kabamba a démontré que le stress est la cause de la plupart des maladies dont meurent les Congolais : le diabète, l'hypertension artérielle et, au final, des AVC qui proviennent des encrassements des veines liées à l'adrénaline secrétée par la glande surrénale suite au stress et qui dévie l'insuline de la voie normale de la tyrosine kinase jusqu'à atteindre l'inscription génétique et à causer le cancer. Bref, le professeur Kabamba a soutenu le fait que la société congolaise est une société anxiogène, génératrice de l'anxiété qui rend malade la grande partie de sa population. Les morgues sont remplies des corps des personnes en pleine force de l'âge.

Elles sont mortes des AVC ou des maladies jadis curables. Enfin, le professeur Kabamba en appelle au peuple à se débarrasser de ceux que le professeur Bemba a qualifiés de voleurs de la république, entendez par là des politiciens mercenaires qui s'enrichissent aux détriments de la population qu'ils sont sensés servir.

Un mot du modérateur tiré de sa formation jésuite a conclu la séance de débat : Ce n'est pas d'en savoir beaucoup qui rassasie l'âme, mais de gouter les choses intérieurement.

Nous disons un grand merci aux autorités académiques de l'UK et à tous les étudiants qui ont participé aux débats avec ferveur en posant des questions pertinentes.

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