LOME — De nouvelles menaces telles que l'insécurité pèsent aujourd'hui sur la protection et la conservation des aires protégées en Afrique de l'Ouest. C'est du moins ce que l'on a appris de l'atelier régional de validation des résultats de l'OBAPAO, tenu du 22 au 24 mai 2024 dernier à Lomé au Togo.
A titre d'exemple, les aires protégées, zones de conservation de la biodiversité, sont devenues des nids de terroristes qui compliquent non seulement le travail des conservateurs, mais aussi détruisent la biodiversité, déclare Ogoudje Isidore Amahowe, coordonnateur technique du Réseau régional d'aires marines protégées en Afrique de l'Ouest (RAMPAO).
A l'en croire, le terrorisme représente un enjeu capital, car dès que les terroristes s'introduisent dans ces zones, les responsables de la gestion, les équipes de surveillance, les forestiers et les dispositifs mis en place pour gérer ces aires protégées ne peuvent plus rester sur place.
« Ils sont contraints de quitter les lieux, tout comme la majorité de la population, qui se voit obligée de se déplacer. Ils détruisent également les ressources naturelles ou exploitent ces ressources et les trafiquent vers d'autres territoires, notamment l'occident et les pays asiatiques », révèle-t-il.
"Jusqu'aux années 1990, la superficie totale des aires protégées représentait à peu près 14% de la superficie totale du Togo. Mais aujourd'hui, avec la pression humaine à travers l'occupation des aires protégées à des fins agricoles et d'urbanisation, nous sommes autour de 8 à 10%"Bonaventure Kpidiba, ministère de l'Environnement et des ressources forestières du Togo
À l'insécurité, s'ajoutent d'autres menaces et pressions telles que le braconnage, la surexploitation, le changement climatique, la pression démographique, la fragmentation et la conversion des habitats, les feux de brousse, la dégradation des écosystèmes, les espèces envahissantes, l'exploitation minière, et les espèces menacées, détaille Lydia Amah Atutonu, directrice des ressources forestières du Togo.
La croissance démographique constitue en effet un enjeu majeur en Afrique occidentale. « La population croît chaque année autour des aires protégées, tandis que la superficie de ces zones reste inchangée », constate Ogoudje Isidore Amahowe.
« En conséquence, il y a des pressions liées aux activités agricoles et à l'urbanisation, qui commencent à occuper une partie des superficies des aires protégées », indique le coordonnateur du RAMPAO.
Au Togo, par exemple, avec la croissance de la population, la superficie des aires protégées par rapport à la superficie totale du pays a régressé d'environ 4 à 6 % au cours des 20 dernières années.
« Jusqu'aux années 1990, la superficie totale des aires protégées représentait à peu près 14% de la superficie totale du Togo. Mais aujourd'hui, avec la pression humaine à travers l'occupation des aires protégées à des fins agricoles et d'urbanisation, nous sommes autour de 8 à 10% », soutient Bonaventure Kpidiba, point focal au Togo du Protocole de Nagoya sur l'Accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation (APA).
Données efficaces
En plus de la pression humaine, persiste aussi l'impact des changements climatiques sur la préservation de la biodiversité.
« Les questions du changement climatique sont de grandes préoccupations dans toute la région, que ce soit au niveau des écosystèmes terrestres ou au niveau des écosystèmes marins côtiers. Il y a une interconnexion entre la biodiversité et le changement climatique, notamment avec la hausse des températures qui cause la disparition ou le déplacement de certaines espèces », souligne Bonaventure Kpidiba.
À l'échelle du continent, selon les estimations des Nations Unies, le changement climatique devrait être l'un des principaux moteurs de la perte de la biodiversité au cours des 50 à 100 prochaines années.
Dès lors, la conservation de la biodiversité et des aires protégées en Afrique de l'Ouest ne peut être efficace sans des données de qualité et des outils adaptés.
Dans cette perspective, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en collaboration avec l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a mis en place l'Observatoire pour la biodiversité et les aires protégées en Afrique de l'Ouest (OBAPAO) en 2019, grâce à l'appui financier de l'Union européenne.
« La mission de l'OBAPAO depuis son lancement est de renforcer la gestion et la mise à disposition de l'information fiable, pertinente et actualisée, d'améliorer les connaissances et d'accroitre les capacités en vue de soutenir les processus de planification et de prise de décision ; et 4 ans après, nous pouvons nous réjouir des avancées notables enregistrées », précise Seydi Adja Aissatou Sy, coordonnatrice de l'OBAPAO.
Financements
Le financement de la conservation de la biodiversité dans les pays de l'Afrique de l'Ouest reste toutefois une question cruciale selon les experts. Ces derniers estiment que la région est restée trop dépendante des bailleurs de fonds étrangers et qu'il est opportun de mobiliser des financements au plan local.
« Jusque-là, la Région bénéficie de plusieurs projets et programmes dont le principal bailleur est l'Union européenne. C'est très intéressant de pouvoir bénéficier de ces appuis externes, mais le plus important, c'est de disposer des outils et des mécanismes permanents et durables de conservation et de financement des aires protégées au plan national ou régional pour ne pas toujours tendre la main », soutient le coordonnateur technique du RAMPAO.
Selon Bonaventure Kpidiba, par ailleurs chef de la section Aménagement des aires protégées au ministère de l'Environnement et des ressources forestières du Togo, les financements sont nécessaires pour réduire la pression de la population sur les aires protégées.
« Les études ont montré qu'il existe un lien étroit entre la conservation de la biodiversité et la pauvreté des populations. Lorsque ces dernières dépendent uniquement des ressources naturelles, elles n'ont pas d'autre choix que de les utiliser pour survivre, ce qui entraîne un risque de surexploitation et de disparition », dit-il.
Pour réduire leur dépendance à la biodiversité, il souligne qu'il est crucial de financer des activités génératrices de revenus susceptibles d'améliorer les conditions de vie de ces populations.