Mali: L'opposition dénonce les «fins inavouées» des autorités avec l'incarcération de dix cadres politiques

Une vue aérienne de Bamako

Au Mali, les parties signataires de la Déclaration du 31 mars dénoncent dans un communiqué les « fins inavouées » des autorités de transition. Ce regroupement, qui rassemble la quasi-totalité des partis politiques pour le retour à l'ordre constitutionnel, réagit au placement sous mandat de dépôt le 24 juin de dix de ses membres. Ils sont accusés par la justice, notamment, d'« opposition à l'exercice de l'autorité légitime » portant « atteinte à l'ordre public » et resteront en prison pour la suite de la procédure. Une décision jugée « injuste » par ces formations politiques.

Pour les membres de la Déclaration du 31 mars, ces poursuites judiciaires assorties d'incarcérations constituent un « énième assaut des autorités en place contre les libertés fondamentales, protégées par nos Constitutions et nos lois » [1].

Alors que les dirigeants politiques placés lundi sous mandat de dépôt avaient été arrêtés jeudi soir au domicile de l'un d'entre eux, au cours d'une réunion de travail, ce regroupement rappelle « l'inviolabilité des réunions privées consacrée par l'ordonnance n°36/PCG de 1959 sur la liberté de réunion ». Une ordonnance précisément « citée » par le décret du 10 avril dernier, qui a instauré la suspension des activités politiques des partis et associations du Mali, et qui justifie aujourd'hui l'inculpation des dix prévenus. Un décret jugé « liberticide » par ces partis d'opposition, et qui a d'ailleurs fait l'objet de plusieurs recours devant la justice, sans succès.

Maintien au pouvoir

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« Ces arrestations s'inscrivent dans une tentative plus large de désactivation de la classe politique à des fins inavouées », poursuivent les membres de la Déclaration du 31 mars. Comprendre : le maintien au pouvoir des autorités de transition actuelles, qui ont annulé les élections de février 2024, lesquelles devaient mettre un terme à la période de transition et permettre le retour à l'ordre constitutionnel.

La période de transition a officiellement pris fin le 28 mars dernier, date fixée par un décret présidentiel signé par le colonel Assimi Goïta lui-même. Aucune nouvelle échéance n'a été fixée pour d'éventuelles prochaines élections.

Les parties signataires « exigent » enfin « l'abandon des poursuites contre les camarades injustement arrêtés et détenus ».

Sollicité par RFI, le procureur du Tribunal de la Commune V de Bamako, dont un juge d'instruction a décidé des poursuites contre les dix opposants, n'a pas donné suite.

« Si tant est qu'on peut encore parler de démocratie »

Moussa Mara est membre, avec son parti Yelema, de la Déclaration du 31 mars. Il ne cache pas sa colère et son effroi : « C'est un jour triste pour la démocratie malienne, si tant est qu'on peut encore parler de démocratie, pose l'ancien Premier ministre. Depuis quelques mois, c'est la tendance des autorités de notre pays à restreindre profondément les libertés publiques et à tenter de réduire au silence toutes les voix dissonantes qui ne sont pas des voix d'applaudissements. »

Moussa Mara poursuit : « Dans le cas présent, il s'agit d'une réunion de responsables politiques dans un domicile privé. Et la Constitution de notre pays, promulguée par les autorités de la transition, stipule en son article 12 que le domicile privé est inviolable, sauf dans le cadre de procédures légales. En la matière, ils ont été arrêtés dans des conditions où un mandat n'a pas été présenté, et où rien ne leur a été signifié. Ils ont été conduits manu militari dans un commissariat, et ensuite inculpés. »

Il conclut : « Donc, les conditions dans lesquelles ils ont été arrêtés ne respectent pas la loi. Ce sont des acteurs politiques qui ont décidé de se battre pour la démocratie, qui ont décidé de se battre pour contester le décret pris pour suspendre les activités politiques dans notre pays, et qui sont en train d'utiliser des voix légales ! C'est un dangereux précédent, et il faut que nos autorités se ressaisissent. »

« Les gens ont peur de parler »

Mahamadou Konaté est quant à lui vice-président du parti M5-RFP Mali Kura [2], membre de la Déclaration du 31 mars. « Je suis indigné, comme tout citoyen malien épris de justice et de liberté, déplore-t-il. Nos camarades ont été arrêtés lors d'une réunion dans un domicile privé, inviolable en vertu des lois en vigueur au Mali, sans mandat ! Ce qui nous arrive est vraiment déplorable. Nous souhaitons que les autorités en place de la transition abandonnent ces poursuites, parce qu'elles ne sont pas, à notre sens, fondées, et elles ne sont pas de nature à renforcer la cohésion sociale ou même à faciliter le dialogue avec la classe politique ».

Cet enseignant-chercheur de métier, qui a choisi de s'impliquer en politique, dénonce des inculpations injustifiées : « Quand vous regardez les chefs d'accusation, je pense qu'il y a une mauvaise interprétation de la loi, qui voudrait incriminer toute attitude ou expression critique de l'autorité légitime en place, alors que la Constitution malienne consacre la liberté d'expression et la liberté d'opinion. »

Il lance : « Actuellement, il y a une sorte de psychose qui s'installe au sein de la classe politique, et même au dehors. Partout, vous pouvez sentir que les gens ont peur de parler, les gens ont peur de critiquer. Ce n'est pas quelque chose de bien, ni pour le vivre-ensemble, ni pour les autorités elles-mêmes, parce qu'il ne sert à rien de diriger un peuple qui se sent bâillonné, qui se sent contraint. »

[1] Le Mali a adopté il y a un an une nouvelle Constitution. Le communiqué fait référence à l'ancien et au nouveau texte fondamental.

[2] Une dissidence qui s'est affranchie en 2022 du M5-RFP « originel » de l'actuel Premier ministre de Transition Choguel Maïga, lequel a lui-même connu depuis de nouvelles divisions.

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