A l'occasion de la Journée internationale contre l'abus et le trafic de drogues, le Centre régional de recherche et de formation à la prise en charge clinique de Fann (CRFC) a tenu hier, lundi 24 juin 2024, une conférence de presse afin d'échanger sur «l'Initiative de Dakar face aux drogues en Afrique de l'Ouest 2024».
La Journée mondiale de lutte contre l'abus et le trafic de drogues se tient le 26 juin de chaque année. En prélude à ce rendez-vous, le CRFC a dévoilé hier, lundi 24 juin 2024, au cours d'une conférence de presse, les actions concrètes prévues en 2025. Selon le chercheur Albert Gautier Ndione, les recherches en sciences sociales qui ont été présentées lors du colloque international Sciences sociales et drogues en Afrique francophone (SCIDAF) 2024 à Dakar, du 21 au 23 mai 2024, ont montré la diversité et l'étendue des pratiques de consommation, que les données quantitatives lors des saisies de stupéfiants et des études en population, laissaient entrevoir.
«Le rapport de l'ONUDC sur le trafic de drogues au Sahel paru en mai 2024, a mis en évidence l'augmentation considérable du transit de la cocaïne, la circulation du cannabis par de nouvelles voies notamment maritime et la diffusion d'opioïdes pharmaceutiques comme le Tramadol dans la quasi-totalité des milieux sociaux et des territoires», a-t-il soutenu.
Selon ledit rapport que Dr Ndione a présenté, les recherches ont rapporté une augmentation de l'usage de produits stimulants tels que l'Ecstasy ou MDMA, l'utilisation de combinaisons à base de Psychotropes et l'intégration d'autres drogues de synthèse dans les pratiques dans plusieurs pays. «Elles révèlent les conséquences désastreuses de certaines de ces drogues sur la santé des usagers occasionnant des infections, addictions, toxicité, santé mentale, sur leurs familles et plus largement sur leur environnement social», a-t-il fait comprendre.
L'AFRIQUE LA NOUVELLE DESTINATION DE LA DROGUE
Pour des chercheurs venus de plusieurs pays de l'Afrique, comme de l'Europe, l'Afrique semble considérée comme le prochain marché pour les Fentanyloïdes, qui ont provoqué une épidémie à très forte mortalité en Amérique du Nord. Ainsi, dans un contexte où les systèmes de santé africains sont très fragiles et se remettent des effets du Covid, ils soutiennent que la prise en charge des conséquences sanitaires des addictions va devenir un problème majeur de santé publique au cours des prochaines décennies en Afrique de l'Ouest, si des actions urgentes ne sont pas entreprises pour faire face à ces défis.
DES INITIATIVES LANCEES
De l'avis du CRFC, des initiatives ont été lancées dans plusieurs pays ouest-africains, appuyées sur la réduction des risques, la révision des législations pour dépasser les réponses uniquement répressives et pour développer davantage la prévention et la prise en charge intégrée. «Des réformes sont en cours ou en attente, visant à promouvoir une approche basée sur la santé et les droits humains et à réduire la stigmatisation et la marginalisation des usagers de drogues ; mais les réponses institutionnelles restent insuffisantes», a fait savoir Dr Gautier Ndione.
Il a ajouté, dans les recommandations, que la problématique du genre doit être prise en compte, les femmes étant moins nombreuses dans les dispositifs de prise en charge et plus vulnérables face aux drogues, en raison de facteurs socioculturels et biologiques. «Actuellement, il n'existe pas encore de dispositifs pour analyser les substances en circulation afin de proposer une prévention, des soins et des mesures légales ciblées et efficaces.
Aucun dispositif d'alerte et de recherche rapide ne permet de transmettre aux services d'urgence les connaissances qui leur sont nécessaires pour traiter les effets toxiques de drogues comme le kush, dont l'extension et la dangerosité sont pourtant très commentées dans les médias. Les acquis en santé publique face aux épidémies dont la préparation, la réponse, la réhabilitation n'ont pas encore été adaptés aux drogues».
Pour le Directeur du CRFC, Dr Karim Diop, les échanges durant le colloque international sur les Sciences sociales et drogues en Afrique francophone, tenu du 21 au 23 mai 2023, à Dakar, ont permis une prise de conscience de l'importance de la menace que représentent les consommations de drogues dont la circulation a fortement augmenté au cours des dernières années en Afrique de l'Ouest, liées à la mondialisation et l'accroissement du trafic international des drogues. Il rappelle ainsi que le colloque a rassemblé des experts des drogues, des addictions et des sciences sociales, de onze (11) pays africains dont le Sénégal, la Guinée, le Mali, la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso, le Bénin, la Ghana, le Niger, le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Burundi et d'Europe.
Les objectifs étaient d'ouvrir un espace d'échange régional entre chercheurs et acteurs communautaires, d'apporter des éclairages interdisciplinaires et d'identifier des priorités de recherche face à la demande d'évolution des politiques des drogues et des interventions en Afrique et dans le monde. «Les participants ont déploré que la dynamique lancée dans les années 2000 n'ait pas été davantage soutenue pour réformer les législations dépassées, améliorer l'accès aux soins pour une prise en charge des usagers de drogue», a-t-il soutenu.