Ile Maurice: Étienne Sinatambou refuse d'évacuer une maison qu'il utilise comme ses archives

Le notaire-avocat-ancien ministre en fait voir de toutes les couleurs à la famille Jaunkeepersad en opposant toutes sortes d'objections légales à ce que cette dernière récupère son domicile.

Cela, alors que les quatre membres de la famille Jaunkeepersad occupent en ce moment même une petite chambre chez les parents.

C'est une histoire de «lokater vinn propriyeter». Et quel propriétaire !

Les différents hommes et femmes de loi qui ont représenté Shasi et Yanida Jaunkeepersad se sont montrés au mieux peu professionnels dans cette affaire. Mais ils ont été plus que prompts à réclamer leurs honoraires. C'est à se demander si une entente de non-agression n'existe pas entre hommes de loi ou alors pour faire durer les procédures en retour d'honoraires. Voici la triste histoire du couple Jaunkeepersad.

Pour faire l'acquisition d'une maison à Vacoas, le couple Jaunkeepersad entame des démarches pour contracter un emprunt de Rs 5 millions auprès de la State Bank of Mauritius. Cette dernière ne déboursera pas le prêt lorsqu'elle apprend que la maison est occupée par un locataire. Le couple se tourne vers la Maurititus Commercial Bank qui accepte d'accorder et de débourser le prêt mais pour seulement Rs 3,5 millions. La propriété est finalement acquise le 29 avril 2022.

Les Jaunkeepersad savaient que la maison avait un locataire au premier étage. Cependant, le précédent propriétaire avait déjà averti le locataire, dès le 3 août 2021, qu'il devrait vider les lieux. Après l'acquisition, une deuxième lettre datée du 6 mai 2022 lui a été adressée pour l'en informer et pour réclamer trois mois de loyers impayés.

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18 propriétés contre une

Or, le locataire non seulement ne paie plus le loyer au nouveau propriétaire depuis avril 2022 mais il veut se faire passer pour un protected tenant. Ce protected tenant, qui en fait conserve ses archives de notaire chez les Jaunkeepersad, n'est autre qu'Étienne Sinatambou, qui possède au moins 18 propriétés à Maurice mais ne veut pas lâcher cette maison qu'il occupe gratos. (Voir listes de sa déclaration des avoirs de 2019).

Une première mise en demeure (MED) lui est servie le 25 août 2022 par l'avouée Sobhadevi Toolsee-Jaunky qui représente les Jaunkeepersad.

En octobre 2022, une plainte est déposée par la même l'avouée et l'avocat Raj Ramsaha en cour de district de Curepipe contre Étienne Sinatambou, lui demandant de quitter les lieux. Les Jaunkeepersad arguent, entre autres, qu'ils habitent avec leurs deux enfants dans une seule chambre chez les beaux-parents et qu'ils ont un emprunt qu'ils remboursent depuis avril 2022, tout en rappelant à Sinatambou qu'il a déjà été avisé de vider les lieux par le précédent propriétaire.

Étienne Sinatambou répond par le biais de son avoué Jaykishan Hemraz en demandant des détails (demand of particulars) plutôt étranges. Comme l'âge des enfants, la soumission de leur acte de naissance, et la date à laquelle leur emprunt a été demandé, approuvé et déboursé. Il exige aussi les preuves que les lettres lui demandant de quitter les lieux ont bien été postées. Bref, selon Sinatambou, c'est aux Jaunkeepersad de prouver qu'ils ont besoin de leur maison et ce n'est pas à lui, «pauvre locataire», de démontrer qu'il a besoin de cette maison malgré ses 18 propriétés.

L'affaire tourne en rond pendant plus d'un an. Jusqu'à ce que les Jaunkeepersad se rendent compte que la plainte aurait dû être déposée en Cour suprême au lieu du tribunal de Curepipe. Le couple annule la poursuite et contacte un autre duo avocat-avoué, Mes Ashley Gungla et Sunil Doorgacharun Luchmun. Ceux-ci conseillent de servir une deuxième MED au préalable. Ce qui est fait le 13 novembre 2023. Yanida Jaunkeepersad apprend ensuite du collègue de l'avoué Luchmun que celui-ci a décidé de se retirer de l'affaire pour des raisons de conflits d'intérêts.

Lorsqu'elle rappelle au collègue de l'avoué que ce dernier et l'avocat Gungla l'ont rassurée au départ qu'ils n'ont aucun problème de conflit d'intérêts dans cette affaire et lui ont même réclamé Rs 20 000 comme honoraires, elle s'entend dire que la décision de l'avoué est motivée par une conversation que ce dernier aurait eue avec... Étienne Sinatambou ! Elle réclame le remboursement des Rs 20 000 mais elle n'en aura que Rs 10 000. Contacté, l'avoué Luchmun ne veut pas en discuter au téléphone.

Service rendu à un confrère ?

Yanida et son mari Shasi s'en vont rechercher, avec beaucoup de circonspection, une autre avouée. Qu'ils trouvent en la personne de Me Deeya Mohabeer. Celleci rédige une nouvelle plainte qui est servie à Étienne Sinatambou en février 2024. Ce dernier ne conteste pas la plainte et ne se présente même pas à l'audience du 11 mars 2024 en Cour suprême.

Le 15 avril 2024, la cour tranche en faveur des Jankeepersad en l'absence de Sinatambou et somme celui-ci de vider les lieux.

Au lieu d'attendre et de faire exécuter l'ordre d'éviction, l'avouée Mohabeer écrit personnellement et directement, le 16 avril, à Étienne Sinatambou pour l'avertir du jugement et qu'un writ habere facias possessionem sera émis le 31 mai 2024 s'il ne quitte pas la maison. Pourquoi cette lettre ? Me Mohabeer nous explique que c'est la pratique d'informer l'autre partie directement lorsque celle-ci ne se présente pas en cour ! Pratique que rejettent plusieurs hommes de loi que nous avons contactés.

Étant donc averti par Me Mohabeer, Sinatambou réagit le 15 mai (et le 7 juin) par les soins de son nouvel avoué Me Shahid Naeem Sumodhee en contestant le jugement, mais d'une curieuse façon.

Il affirme sous serment que la plainte ne lui a jamais été servie personnellement et que la personne qui l'a réceptionnée à son étude de notaire n'est pas sa secrétaire. Autre argument utilisé : Me Mohabeer, qui a finalement servi la plainte par voie postale, a indiqué que l'affaire serait entendue par la Family Division et non la Land Division.

Ce qui, se lamente Sinatambou, aurait pu le mener à se rendre à la mauvaise cour ! Il déclare aussi n'avoir pas reçu les lettres lui demandant de vider les lieux alors que les preuves lui ont déjà été communiquées. Et que c'est grâce à la lettre de Me Mohabeer - c'est la seule correspondance qu'il aurait reçue - qu'il est au courant du procès. Sinatambou relève aussi d'autres erreurs dans le service de la plainte de Me Deeya Mohabeer. Il demande un nouveau procès, que la cour lui accordera tout en suspendant l'ordre d'éviction.

Refus de chercher un autre local

Ça, c'était pour la forme. Sur le fond, Sinatambou, qui nie qu'on lui ait demandé de quitter les lieux, souligne qu'«à vrai dire, c'est moi qui ai fait depuis trois ans une demande à Yanida Jaunkeepersad pour qu'elle m'aide à trouver une autre maison dans les environs». Mais que cette dernière a «callously» (impitoyablement) refusé de l'aider. Et qu'à la place, Yanida Jaunkeepersad a essayé de «m'attaquer personnellement sur deux radios privées». Comment Sinatambou a-t-il su que Yanida a voulu intervenir en vain sur ces radios ? Mystère ! Lorsque nous lui avons parlé, il nous a répété que les Jaunkeepersad ont refusé de trouver une autre maison dans le coin pour abriter ses archives.

On ne sait pas pourquoi Sinatambou tient autant à cet endroit plutôt humide pour conserver ses archives de notaire.

En fait, il nie avoir loué cette maison seulement pour conserver ses archives de notaire. (Nous avons des photos prouvant le contraire). Il se plaint que l'eau et l'électricité y aient été coupées, et que c'est ce qui a fait partir l'occupant de la maison qu'il prend soin toutefois de ne pas citer.

En fait, selon des témoins, jamais personne n'a habité ce premier étage qui n'est utilisé que comme archives. Sinatambou va plus loin dans sa demande de new trial. Il accuse les Jaunkeepersad de «criminal trespass» car il pense que ces derniers ont pénétré au premier étage sans sa permission pour prendre des photos. En réalité, les photos, que nous avons vues, semblent avoir été prises de l'extérieur, par la fenêtre.

Le notaire allègue aussi qu'il a personnellement vu que le rez-de-chaussée est habité. Par qui ? Il ne le dit pas. Et qu'il a un témoin qu'il n'a pas nommé qui aurait vu de même et qu'il lui a demandé de jurer un affidavit en ce sens. Il souligne aussi qu'il n'a jamais rendu public le nombre de ses propriétés citées dans la plainte. En tout cas, ces informations sont affichées sur le site de la Financial Crimes Commission.

Pour répondre au nouveau procès que Sinatambou vient d'obtenir, les Jaunkeepersad ont eu recours à l'avoué Pazany Thandarayan et à l'avocate Shadmeenee Mootien. Ils doivent donc encore débourser et ils prient pour que cette fois-ci, ils aient fait le bon choix.

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