À l'Est du Tchad, plus d'un million de réfugiés soudanais et près de 3000 centrafricains ont trouvé refuge dans les camps et les zones urbaines. Les Tchadiens les accueillent chaleureusement, collaborant avec eux pour faciliter leur intégration et inclusion socioéconomique.
Depuis quelques mois, le site aménagé d'Alacha situé dans la province du Ouaddaï à l'est du Tchad dispose d'un restaurant où est proposée de la nourriture soudanaise. « Le Baboya » dispose d'une dizaine de tables autours desquelles les clients du jour attendent patiemment d'être servis. Tout ceci se passe sous le regard attentif de l'homme d'affaires tchadien et propriétaire des lieux, Ahmat Rachid.
« Lorsque j'ai entendu qu'un nouveau camp a été ouvert à Alacha à la suite de la crise au Soudan et que plus de 40.000 personnes sont en train d'être relocalisées depuis la frontière. Je me suis aussitôt demandé ce que je pouvais offrir comme service pouvant profiter à la communauté de ce site. C'est de là qu'est née l'idée de mon restaurant. », explique Ahmat Rachid.
5 des 7 employés de Rachid sont des réfugiés qui en plus de dons en nature, reçoivent un salaire mensuel de 35 000 CFA par mois (USD 58). « C'est pour les encourager que je leur donne des boules de savons tous les week-ends, c'est une denrée rare pour les familles par ici », ajoute Rachid. La quadragénaire s'appuie également sur d'autres réfugiés pour le ravitaillement de son établissement « J'ai des fournisseurs réfugiés qui apportent de l'eau, du pain, de la viande etc. le restaurant a ainsi créé des emplois indirects », dit-il.
Mounira, une jeune réfugiée soudanaise de 16 ans, était une pâtissière talentueuse avant de fuir son pays en guerre. Arrivée au Tchad, elle préparait du pain exclusivement pour sa famille jusqu'à ce qu'elle rencontre Rachid, qui lui propose alors une affaire. « Chaque jour, je livre 300 à 500 pains au restaurant Baboya afin de répondre aux besoins de la clientèle de Rachid, c'est une bonne occasion pour moi de vivre de ma passion et surtout de pouvoir gagner un peu d'argent pour soutenir mes parents. », indique la jeune femme dont l'ambition est d'embaucher à son tour quelques personnes afin de mieux approvisionner le marché local.
Plus loin, à Abéché, à 170 kilomètres de là, Zanoun Mahamat Bahr, un jeune Tchadien, tient un petit salon de coiffure où des réfugiés coupent les cheveux et taillent la barbe à trois clients assis sur des fauteuil face à un grand miroir. « Sur les 13 employés avec qui nous travaillons, 9 sont des réfugiés soudanais. C'est notre manière de renforcer notre solidarité avec les réfugiés », dit-il. Cette activité permet à ses employés de subvenir à leurs besoins Nousradine Moussa Hissein est l'un d'eux, « Grâce à ce travail, je prends soin de mon épouse et de mes parents. Je suis traité au même titre que les autres employés locaux, merci à mon employeur », témoigne le réfugié soudanais avec reconnaissance.
Au Tchad, le HCR, travaille étroitement avec les autorités et différents partenaires, pour renforcer la solidarité et la cohabitation pacifique afin de répondre aux nombreux défis auxquels font face les personnes en situation de déplacement forcé. « Le Tchad fait partie des dix pays dans le monde qui accueillent le plus grand nombre des réfugiés et, est classé deuxième en Afrique. Grâce à son hospitalité légendaire et sa solidarité, il offre un cadre légal garantissant la protection, l'assistance et la recherche des solutions durables en faveur des personnes en situation de déplacement forcé », affirme Sophie Lin Omadjang Administratrice Principale Chargée de la protection à la Sous Délégation du HCR à Abéché.
Ambassana Attié en est la preuve, cette enseignante à la maternelle à l'école "La lumière" d'Abéché est réfugiée centrafricaine vit sur place depuis 2014, « Je remercie mon recruteur pour la solidarité professionnelle, car depuis huit ans je travaille avec lui en qualité d'animatrice à la maternelle. Je suis traitée au même titre que les tchadiens et je me sens vraiment en famille. » témoigne-t-elle très enthousiaste.
L'école ne recrute pas seulement les enseignants réfugiés mais accueille aussi les élèves réfugiés. « Notre école accueille les enfants issus des familles réfugiées. Parmi nos enseignantes, nous avons une réfugiée battante, ponctuelle qui maitrise parfaitement les techniques d'enseignement au niveau préscolaire et maternelle », a affirmé Daoud Brahim, directeur d'école. Il se bat maintenant pour convaincre le conseil d'administration pour l'accès et le recrutement des élèves et enseignants réfugiés la prochaine rentrée scolaire.
La ville d'Abéché accueille aussi Djimé Dega Adoum Goni, employé à l'Institut National des Sciences et Techniques d'Abéché (INSTA) et refugie centrafricain. Cet ancien caféiculteur, ancien 3ème maire adjoint de sa commune natale de Balé-Loko en République Centrafricaine, a fui les conflits dans son pays en 2013 pour trouver refuge au Tchad.
Il est employé en qualité d'aide bibliothécaire et gagne environ 200 dollars américain (120 000 FCFA) qui lui permet de prendre soin de ses 2 épouses et 14 enfants. « Compte tenu de mon statut de réfugié l'institution ne peut pas m'intégrer à la fonction publique, c'est pourquoi je suis embauché à titre de contractuel. Ce travail est mon gagne-pain depuis 6 ans. » dit-il, ému.
En soutien à Djimé, les responsables de l'institution d'enseignement supérieur qui l'emploie ont décidé d'exonérer deux de ses enfants de leurs frais de scolarité, leur permettant ainsi de terminer leur formation. « C'est le bénéfice que j'ai tiré de ce travail, je suis reconnaissant », précise-t-il en espérant qu'un jour ses enfants, diplômés en sciences pharmaceutiques, trouveront eux aussi leur place pour soutenir la famille.
Que ce soit dans le commerce, le domaine des services ou encore de l'éducation, la collaboration entre les communautés illustre comment les populations hôtes tchadiennes et les réfugiés qu'elle accueille généreusement, renforce quotidiennement leur résilience et leurs conditions.