Au Burkina Faso, des jeunes séronégatifs au VIH, issus des populations clés, mais exposés à un fort risque d'infection, utilisent de plus en plus la PrEP (pré exposition prophylaxie), un traitement de prévention, pour se protéger. Cependant, les moins de 18 ans ne sont pas autorisés par la loi. Les acteurs souhaitent vivement l'élargissement de la PrEP à tous ceux qui en ont besoin car les jeunes sont sexuellement actifs de façon précoce.
Georges Panebyame* est un Prepeur. Cela signifie qu'il est sous PrEP, traitement de prévention destiné aux personnes séronégatives au VIH, mais exposées à un fort risque d'infection. Pair éducateur de son état, il se positionne comme un PrEP champion du centre Oasis de l'Association African solidarité (AAS). Panebyame a découvert ce traitement préventif à travers la littérature et ses amis.
Depuis un an, ce quarantenaire travaille à sensibiliser ses pairs à adhérer à la PrEP afin de se prévenir du VIH. Au moins une soixantaine de personnes y compris des jeunes de 18 ans ont suivi ses conseils et ont adopté la PrEP. « Aux personnes réticentes, je leur dis, mieux vaut avaler des médicaments tous les jours pour se protéger que de les avaler tous les jours pour ne pas mourir. Avec la PrEP, tu peux arrêter quand tu cesses d'être exposé », soutient-il.
Tout comme Panebyam, ils sont sept cents personnes issues des populations clés (travailleuses de sexe et hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes) à être sous PrEP au centre Oasis de l'AAS dont 400 hommes et 300 femmes.
Au centre Oasis, ce sont les pairs éducateurs qui font la promotion de la PrEP. Ils sont, explique l'infirmier chargé des projets auprès des populations clés dudit centre, Abdoul Aziz Traoré, formés et équipés de brochure sur la PrEP. A leur tour sur le terrain, ils ont des réseaux au sein desquels, ils passent des messages de sensibilisation et orientent ceux qui sont intéressés au centre.
Pour se mettre sous la PrEP, il faut être éligible. L'évaluation des personnes intéressées par la PrEP est faite par le médecin Rajaonarivelo Andriamanana Miarisoa, par ailleurs coordonnateur du centre. C'est après un test et une analyse que le demandeur est déclaré éligible ou non à la PrEP. La promotion de la PrEP se fait par des pairs éducateurs. Ils connaissent ceux qui ont le même risque qu'eux.
« Nos cibles sont des groupes spécifiques. Quand ils viennent chez nous, la première des choses consiste à faire le test du VIH et en fonction du résultat, on oriente la personne en lui donnant toutes les directives à observer car tout traitement, s'il n'est pas suivi correctement n'aura aucun effet », soutient Dr Miarisoa qui travaille dans le domaine du VIH depuis plus d'une vingtaine d'années.
La PrEP, selon les specialistes, empêche le virus du VIH de se développer et de se fixer dès son entrée dans le corps. Ce qui empêche le virus de survivre et permet à la personne de rester séronégative.
Le centre Oasis a été un centre pilote de l'introduction de la PrEP au Burkina en 2018. Il était le seul site où on faisait la PrEP pour connaitre l'acceptabilité et la faisabilité. Le bilan fut positif, à en croire, Dr Miarisoa. Cependant, la PrEP est adressée aux populations clés et aux couples sérodiscordants. Elle est prescrite uniquement aux personnes séronégatives de plus de 18 ans qui prennent régulièrement des risques par rapport au VIH. D'autres cibles, surtout des jeunes sont aussi intéressées mais n'y ont pas droit.
Des défis restent à relever
Les études ont révélé que malgré l'existence de la PrEP, certaines personnes n'ont pas accès à l'information. Aussi, elles montrent que la séroprévalence au niveau des groupes spécifiques est vraiment élevée. Selon le coordonnateur du centre de l'Association des jeunes pour la promotion des orphelins (AJPO), Bernard Kaboré, de plus en plus, des jeunes scolaires ou étudiant(e)s qui ne sont pas forcément classés dans des groupes spécifiques ont des comportements à risque.
En effet, des jeunes collégiens(ne)s, étudiant(e)s s'adonnent souvent à des partouzes à l'insu des parents et des adultes. Selon la presse, ces actes se produisaient à Ouaga 2000, un quartier de la capitale, dans des villas huppées. Ce qui fait dire au coordonnateur de l'AJPO, M. Kaboré, que les jeunes sont des cibles à risque. Ainsi, sa structure, s'intéresse aux jeunes séronégatifs exposés à un fort risque d'infection. « Nous essayons de contacter les jeunes à risque et de faire des focus groupes pour les amener à connaître réellement l'existence de la PrEP et ses bienfaits », relate Bernard Kaboré.
Tout comme le centre Oasis, l'AJPO dispose d'un centre où les jeunes peuvent s'y rendre pour la prévention et le traitement contre le VIH. Les produits sont sur place et gratuits. Elle organise des jeunes à risque, à savoir les TS et les HSH en focus groupe de ravitaillement de 3 à 4 personnes ou un des jeunes, conseiller du groupe, peut venir se ravitailler et prendre les produits pour les autres.
A l'AJPO, l'accent est mis aussi sur la promotion de l'autotest. Le gestionnaire des stocks, Mme Julie Compaoré, explique que les kits d'autotest sont beaucoup demandés par les jeunes. « Nous montrons aux jeunes comment faire l'autotest. Et nous leur disons qu'ils doivent partager avec nous, les résultats obtenus. Certains nous reviennent avec leur bilan. En revanche d'autres ne le font pas. Nous leur disons que le résultat partagé nous permet de mieux les orienter et de les conseiller », a indiqué Mme Compaoré.
Les acteurs sont unanimes que la PrEP peut aider à réduire l'infection chez les jeunes. Et pour cela, ils souhaitent son élargissement aux jeunes de moins de 18 ans. « Il faut vulgariser la PrEP et l'ouvrir à tous ceux qui en expriment le besoin. Quand on regarde les nouvelles infections, ce sont des jeunes de 16 à 23 ans qui sont touchés. Malheureusement, selon la loi, les moins de 18 ans n'ont pas droit à la PrEP, c'est un sérieux problème », se désole l'infirmier Abdoul Aziz Traoré.
Pour Dr Miarisoa, cela fait mal au coeur de voir des jeunes de 15 à 17 ans exposés au VIH et qui n'ont pas droit à la PrEP. Pourtant, ils s'infectent. « J'espère qu'on pourra trouver un moyen pour que ces jeunes à risque puissent avoir accès à la PrEP », plaide Dr Miarisoa.
La baisse de la sensibilisation au sein de la population générale inquiète certains acteurs quant à l'atteinte de l'élimination du VIH d'ici 2030.
NB: Georges Panebyame* : Nom d'emprunt