Que nous réserve cette journée de vendredi et les jours suivants de ce week-end de fin juin ? Et le mois de juillet, qui inaugure au Kenya un trimestre de pic de la saison touristique, sera-t-il apaisé ?
Ces questions turlupinent bien des personnes au pays de Jomo Kenyatta après le mardi sanglant du 25 juin qui a vu la sévère répression des manifestations de rue en cours depuis le week-end dernier.
En effet, appelée en renfort de la police, l'armée a ajouté sa part de brutalité dans la dispersion des croquants qui avaient forcé plusieurs barrages pour accéder au siège du Parlement. Des saccages et des incendies ont alors mis une partie de ce complexe sens dessus dessous, sans oublier les nombreux pillages de boutiques et autres lieux de commerce dans plusieurs rues marchandes de Nairobi. Usant de matraques et autres objets contondants, de grenades lacrymogènes, de balles en caoutchouc ou réelles, la répression de ce mardi noir fit 22 morts, environ 300 blessés sans oublier les centaines d'arrestations.
Le casus belli de ces journées insurrectionnelles qui donnent le tournis au gouvernement du président William Ruto est le projet de loi de finances 2024-2025 en discussion à l'Assemblée nationale. Il prévoit de nouvelles taxes qui touchent, entre autres, des produits de premières nécessités comme le pain, l'huile et les hydrocarbures.
La rue kényane voit donc rouge, notamment dans la capitale, et s'invite dans le débat budgétaire pour aider l'opposition, dont les députés ont de la peine à se faire entendre à l'hémicycle. Le président William Ruto avait appelé dès lundi au dialogue mais l'opposition dont certains leaders soutiennent ouvertement les manifestants l'avaient enjoint de donner une réponse écrite à leurs doléances.
Mais ce qui ne devait pas arriver est arrivé : les manifestants ont forcé les dispositifs sécuritaires pour envahir le Parlement et les forces de l'ordre ont tiré dans le tas. Le bilan de 22 macchabées et les centaines de blessés ont convaincu le gouvernement Ruto à retirer le mercredi 26 juin le contesté projet de loi budgétaire.
Cela suffira-t-il à calmer la rue kényane ? En tout cas hier jeudi, des jeunes sont descendus de nouveau dans la rue, notamment dans les quartiers réputés être des bastions de l'opposition dans la capitale. Mais les croquants étaient nettement moins nombreux. Par contre les dispositifs des forces de l'ordre étaient encore bien visibles, notamment aux abords du Parlement et du State House, la présidence kényane. Les croquants n'ont pas cherché à les violer. Cependant, ils ne dénoncent plus le projet de budget 2024-2025, ils exigent maintenant des enquêtes sur les tirs à balles réelles contre les manifestants, la justice pour les victimes et la démission du président William Ruto.
Cette dernière revendication, les jeunes manifestants l'ont reprise de la bouche de l'opposition. En effet, elle continue de multiplier les déclarations, appelant à la poursuite du mouvement insurrectionnel pour la justice pour les 22 jeunes tués mardi dernier.
Quand s'y ajoute l'injonction au gouvernement et au président de la République à rendre le tablier, il y a à craindre que les petites foules, les échauffourées mineures et les arrestations d'hier soient la fumée d'un feu qui couve encore sous la cendre des incendies de début de semaine.