L'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Réseau mondial d'alerte et d'action en cas d'épidémie (GOARN) ont mis au point un logiciel, dénommé « Go Data », qui permet de collecter des données sur le terrain en temps de crise sanitaire.
Au Burkina Faso, l'outil numérique y a été déployé pour la surveillance des cas de paludisme dans la région des Hauts-Bassins, notamment dans les centres de santé et de promotion sociale (CSPS) de Banwali, Kokoro, Bleni, Dan et Pana.
La mise en oeuvre de ce logiciel, assurée par le centre Munaz de Bobo-Dioulasso, ville située à l'ouest du pays, a permis d'enregistrer des résultats « satisfaisants », précise Isidore Traoré, médecin épidémiologiste au Centre Muraz et responsable du projet « Go Data ».
"Pour enregistrer un cas, il suffit pour l'agent de santé d'ouvrir le logiciel et d'introduire les données sur le malade, et les courbes de tendance du paludisme sont automatiquement mises à jour"Isidore Traoré, Centre Muraz
Au CSPS de Pana, par exemple, où le logiciel a été utilisé jusqu'en octobre 2023, il y a eu au total 9 589 cas de paludisme enregistrés, dont 4918 enfants de moins de 5 ans et 1 010 femmes enceintes.
« Lorsqu'on prend les données de surveillance, on se rend compte qu'effectivement, le logiciel a permis d'améliorer la collecte, la surveillance et la prise en charge du paludisme dans cette localité », déclare Isidore Traoré.
Il ajoute que lorsque l'agent de santé fait le test de diagnostic rapide, si le patient est positif au paludisme, il est référé pour une prise en charge. Ce qui fait que les populations qui n'allaient pas à l'hôpital y vont désormais.
« Cela augmente vraiment le nombre de personnes qui vont se faire consulter pour bénéficier d'une prise en charge de qualité au lieu de faire de l'automédication », fait-il savoir.
Collecte de données
« Go Data » est destiné aux agents de santé à base communautaire, aux infirmiers chefs de poste et aux responsables de maternité, et leur permet d'enregistrer automatiquement des cas de paludisme détectés.
« Pour enregistrer un cas, il suffit pour l'agent de santé d'ouvrir le logiciel et d'introduire les données sur le malade, et les courbes de tendance du paludisme sont automatiquement mises à jour », explique le responsable du projet « Go Data ».
L'outil numérique favorise aussi la collecte des données sur les malades et les personnes en contact avec ces patients. Les résultats des laboratoires et le suivi de l'épidémie dans son ensemble peuvent également y être enregistrés.
Selon Isidore Traoré, l'avantage est qu'avec cet outil numérique, la transmission des données est plus rapide. D'habitude, dit-il, les données de surveillance du paludisme sont collectées sur du papier et transmises soit par papier ou par téléphone.
« Donc, elles mettent beaucoup de temps pour faire tout le chemin du CSPS au district sanitaire, du district à la direction régionale de la santé, de la direction régionale de la santé à la direction de la protection de la santé de la population », décrit-il.
Or, avec « Go Data », dès que les données sont introduites dans le logiciel, tous les agents de santé peuvent voir les tendances du paludisme dans la localité de façon instantanée, souligne le chercheur.
Brahma Konaté, chercheur à l'Institut des sciences des sociétés et au Centre national de recherche scientifique et technologique (CNRST) pense que « Go Data » est un outil novateur pour maitriser et lutter efficacement contre le paludisme.
Pour lui, l'outil facilite le suivi et la prise en charge des patients. « Il aide au bon suivi des patients. Par exemple, lorsqu'on demande à un agent de santé combien de patients il a consultés ou ont été malades de paludisme, c'est très facile de faire ressortir les données sur ces personnes », dit-il.
Cet outil numérique aide à visualiser, en temps réel, les graphiques et les courbes afin de suivre les cas de paludisme, mais il contribue aussi à la détection rapide d'éventuelles épidémies et à suivre les seuils d'alerte et épidémiques.
Selon les explications d'Isidore Traoré, lorsque les cas sont enregistrés et qu'une augmentation du nombre des cas, qui s'approche du seuil d'alerte ou dépasse le seuil d'alerte ou encore qui atteint le seuil épidémique, est constatée, à chaque étape, il y a des actions à mettre en oeuvre pour contrôler ce problème de santé.
Financements
En 2022, le Burkina Faso a enregistré 8 019 000 cas de paludisme. La maladie représentait 39 % des cas de consultation, 41,35 % des cas d'hospitalisation et 17,22 % des décès dans les formations sanitaires.
Yaya Sanou, informaticien-statisticien et associé de recherche au Centre Muraz, se réjouit du fait que « Go Data » puisse contribuer à une maitrise de la situation épidémiologique du paludisme au Burkina Faso.
Cependant, pour un meilleur contrôle de la maladie, il souhaite que « Go Data » soit intégré dans le système sanitaire et soit obligatoire pour les agents de santé dans la prise en charge des cas de paludisme.
Pour lui, ce n'est qu'à cette condition que la surveillance et la lutte contre le paludisme seront davantage améliorées.
Seulement, la phase pilote de l'utilisation de « Go Data » a pris fin en décembre 2023 et l'outil n'est plus en service dans les centres de santé pilotes.
Isidore Traoré compte sur un financement de l'État burkinabè et de ses partenaires pour qu'il puisse être installé dans tous les centres de santé du pays.
Car, soutient-il, ce passage à l'échelle nationale permettra de mieux contrôler et lutter contre le paludisme.
Cet article a été produit avec le soutien de l'Initiative des organismes subventionnaires de la recherche scientifique (IOSRS), qui vise à renforcer les capacités institutionnelles de 17 agences publiques de financement de la science en Afrique subsaharienne.