Dakar — Les quotidiens constatent vendredi que la polémique enfle au sujet de la déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre, au fur et à mesure que la classe politique se divise sur le fait de savoir si Ousmane Sonko doit ou non sacrifier à ce rituel républicain.
De nombreux acteurs politiques, dont des députés de l'opposition, exigent du chef du gouvernement qu'il se rende rapidement à l'Assemblée nationale pour délivrer aux députés sa DPG, près de trois mois après sa nomination.
Mais des députés de son camp politique, à travers le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi (YAW), soutiennent que l'audition du Premier ministre devant la 14e législature est pour le moment impossible en raison d'une incohérence du règlement intérieur de l'Assemblée nationale.
Selon le groupe YAW, une modification datant de 2019 a abrogé les mentions relatives à la déclaration de politique générale et à la motion de censure du gouvernement.
Par conséquent, disent les membres de ce groupe, il serait impossible pour le Premier ministre de faire sa DPG.
Dans les colonnes du quotidien Le Soleil, Guy Marius Sagna, un député influent membre du parti au pouvoir, demande même au chef du gouvernement de "ne pas tenir sa déclaration de politique générale, si les dispositions relatives au Premier ministre n'ont pas été réintégrées dans le règlement intérieur de l'Assemblée nationale".
Il reste que certains observateurs et acteurs politiques, ces derniers généralement du camp de l'opposition, ne partagent pas l'avis de M. Sagna ou ne l'entendent simplement pas de cette oreille. C'est le cas de la députée Mariétou Dieng.
"La parlementaire soutient, dans une note, qu'en sacrifiant à cette tradition républicaine, le Premier ministre [...] ferait montre d'un grand respect à l'égard des 'valeurs de nos institutions"', rapporte Le Soleil.
"Se mettre à la hauteur de l'histoire"
Le titre à la une de ce journal - "Une déclaration de politique générale, mille échos" - est un résumé intéressant de la polémique nourrie sur ce sujet, qui "enfle", constatent les quotidiens EnQuête et Vox Populi. "Déclaration de politique générale de Sonko : la polémique enfle", titre ce dernier.
EnQuête note que la "polémique" "n'est pas loin de s'estomper" à ce sujet. Le journal revient sur les réactions de plusieurs leaders politiques, dont Thierno Alassane Sall, le candidat de la République des valeurs à l'élection présidentielle du 24 mars dernier.
M. Sall demande aux nouvelles autorités du pays de "se mettre à la hauteur de l'histoire". "Invoquer le règlement intérieur de l'Assemblée nationale pour se dérober à une disposition constitutionnelle n'est franchement pas le chemin de la rupture", note Libération en citant M. Sall.
Samba Sy, le leader du Parti de l'indépendance et du travail, émet un point de vue qui se veut définitif sur la question. "La vérité, c'est que le Premier ministre, Ousmane Sonko, n'est pas prêt", soutient-il dans des propos rapportés par le quotidien EnQuête.
La réaction la moins amène, chez les contempteurs du Premier ministre, est venue de Bougane Guèye Dany, le leader du mouvement Gueum Sa Bopp. "Ils veulent légitimer une forfaiture en invoquant [le règlement intérieur de l'Assemblée nationale] pour tirer d'affaire un [Premier ministre] qui, en vérité, n'a pas de projet de gouvernance à défendre", soutient-il dans des propos mis en exergue par Vox Populi.
"Insatisfait de la non-tenue de la déclaration de politique générale, le leader de Gueum Sa Bopp a déversé sa bile sur Ousmane Sonko", relève Le Mandat. Pour Bougane Guèye Dany, "si l'actuel Premier ministre trouve des faux-fuyants pour ne pas sacrifier à la traditionnelle déclaration de politique générale, c'est qu'il ne dispose d'aucun projet de gouvernance", rapporte le quotidien Kritik'.
Il y a aussi cette position "ferme" de l'ancien député Doudou Wade. "Si Ousmane Sonko veut venir faire sa déclaration de politique générale, son groupe parlementaire n'a qu'à s'évertuer à mettre en place les dispositions légales", recommande-t-il. Des propos relayés par le quotidien Les Échos.
La polémique n'est pas près de s'atténuer, si l'on en juge par les nombreux titres consacrés à ce sujet. "Déclarations politiques guerrières", titre Bés Bi Le Jour.
"Tirs groupés sur Sonko et ses députés", souligne le quotidien Les Échos. Des titres virils, mais aussi d'autres inspirés par un constat simple, selon lequel "la déclaration de politique générale fait rage".
"L'État dévoile ses plans pour le secteur privé"
Selon Sud Quotidien, la question de la DPG "est en train de susciter une polémique majeure dans l'espace politique", le journal faisant observer que "les appréciations divergent d'un camp à un autre".
Le professeur Meïssa Diakhaté, un agrégé de droit public interrogé à ce sujet par Sud Quotidien, estime que "le Premier ministre n'est plus enfermé dans un délai pour se soumettre à la déclaration de politique générale".
D'autres sujets relatifs notamment à l'économie sont abordés dans les quotidiens. Le Soleil s'intéresse au renforcement du secteur privé sénégalais.
"L'Etat dévoile ses plans", écrit le journal en rapportant qu'à l'occasion de l'ouverture des assises de l'entreprise, jeudi, à Dakar, le ministre de l'Économie, du Plan et de la Coopération, et son collègue chargé de l'Industrie et du Commerce "ont décliné les leviers que le gouvernement compte actionner pour booster le secteur privé".
Cela tombe bien, puisque le patronat a profité de ces assises pour étaler ses inquiétudes, qui ont été relayées par le président du Conseil national du patronat (CNP), Baïdy Agne. "La reddition des comptes est un acte de bonne gouvernance, mais elle ne devrait pas se traduire par l'arrêt de l'exécution des contrats public-privé en cours", note le quotidien Les Échos en citant M. Agne.
Le CNP s'est réjoui de "la posture des nouvelles autorités qui prônent la souveraineté et le patriotisme économiques, une vision qui met le secteur privé national au coeur des politiques publiques", écrit L'info.
En ce qui concerne la pétition signée en vue d'un mandat d'arrêt international contre l'ancien président Macky Sall, Rewmi Quotidien signale que l'ex-Première ministre Aminata Touré "valide la traque".
"On l'a vu dans plusieurs pays, comme au Chili avec Pinochet. L'ancien président Moussa Dadis Camara fait face à la justice... Le Sénégal ne devrait pas faire exception", soutient l'ancienne cheffe de gouvernement, devenue farouche opposante de Macky Sall, dans des propos relayés par Rewmi Quotidien.