Trois médailles d'or déjà dans la besace du Sénégal La moisson n'a jamais été belle pour l'athlétisme sénégalais aux championnats d'Afrique qui se déroulent à Douala. Cette grosse performance n'est cependant que la face cachée d'un malaise au niveau des athlètes.
Comme le laisser présager le cri de coeur de Louis François Mendy qui a mis à nu la modicité des primes destinées aux champions d'Afrique et le déséquilibre noté par rapport aux autres disciplines comme le football.
La complainte du porte-étendard du Sénégal aux prochains Jeux olympiques de Paris est largement partagée au niveau de la Fédération sénégalaise d'athlétisme. Du moins par son vice-président Bara Thiam qui a dénoncé et interpellé dans la foulée l'Etat sur l'urgence de réparer ce manque d'équité sportive dans le traitement des athlètes de haut niveau.
L'athlétisme sénégalais surfe depuis quelques jours dans une belle vague de succès avec grosses performances réalisées aux championnats d'Afrique d'athlétisme de Douala. Avec les sacres de Cheikh Tidiane Diouf (400 mètres plats), Louis François Mendy aux 110 mètres haies et Saly Sarr au triple saut, la moisson est déjà belle pour la première discipline olympique sénégalaise.
Mais derrière cette belle embellie se cachent de gros nuages qui installent un grand malaise au niveau des athlètes. C'est du moins ce qui laisse transparaitre la réaction musclée de Louis François Mendy. Fraichement auréolé de son titre de champion d'Afrique, il n'a pas manqué d'afficher sa frustration sur les primes dérisoires de 50 000 FCFA du ministère des Sports et 30 000 FCFA supplémentaires qui lui ont été attribuées de la part de la Fédération.
Louis François Mendy :
« Les athlètes sénégalais ne sont pas respectés à leur juste valeur »
Une somme jugée modique pour l'athlète sénégalais et le porte-étendard du Sénégal aux prochains Jeux olympiques Paris 2024. Mais surtout une portion congrue s'il faut le comparer avec celles des footballeurs sénégalais qui se taillent depuis longtemps la part du lion. On sait qu'un match gagné par l'équipe nationale peut valoir une prime de 2 millions de FCFA et quatre millions pour l'entraineur.
« C'est malheureux d'être Champion d'Afrique au Sénégal. Être Champion d'Afrique au Sénégal, ce n'est que de nom. Être Champion d'Afrique pour gagner une prime de 50 000 FCFA de la part du ministère des Sports, et une autre somme de 30 000 FCFA rajoutée à cette dernière par le président de la fédération. Mieux vaut aller jouer au football, car Sadio Mané ou Gana n'aurait jamais accepté cette somme. Je vous remets votre prime. Fier d'être Champion d'Afrique. Il est temps que cela cesse », s'est-il plaint ce mercredi suite à son sacre.
Devant cette situation, le futur porte-étendard du Sénégal aux Jeux olympiques a plaidé pour une meilleure rétribution, à un meilleur respect des athlètes tout comme l'amélioration de la condition de préparation aux Jeux Olympiques qui s'approchent à grands pas.
« Je ne fais pas de comparaison avec les footballeurs. Je parle au nom de tous ces athlètes sénégalais qui ne sont pas respectés à leur juste valeur. Qu'on sache rétribuer les efforts et sacrifices des sportifs qui portent haut les couleurs du Sénégal. Les tickets de restauration, les frais médicaux, tout cela, ils ne gèrent rien... J'avais juste cela à dire. Ce n'est pas normal qu'on nous donne une somme de 80 000 FCFA. J'ai vu les félicitations du président de la République, j'en suis fier, mais il faut qu'il entende ça. Je ne peux pas attendre 23 millions du ministère pour qu'on vienne me remettre 80 mille FCFA », poursuit-il.
Il faut souligner que cette complainte n'est pas nouvelle. Elle met à nu la vieille doléance des athlètes. A savoir le grand écart ou déséquilibre constaté dans le traitement ou la récompense des sportifs lors des compétitions internationales. Pour l'engouement qu'il suscite au rang des disciplines sportives, le football a tout le temps occupé une place de choix. Au point d'être grassement récompensé à travers des centaines de millions à titre de primes spéciales, de maisons clés en main ou terrains au lendemain des victoires continentales des équipes nationales toutes catégories confondues entre 2022 et 2023. A l'instar du sport- roi, le basketball n'a pas été le moins démuni si l'on s'en réfère au dernier titre remporté par les Lionnes à l'Afrobasket 2015. Avec au bout une prime spéciale de 10 millions et un appartement.
« Il est temps de changer la donne »
Un montant que les autres disciplines n'ont cessé de décrier et de le qualifier comme une absence d'équité sportive voire une injustice. En première, la Fédération sénégalaise d'athlétisme qui est en phase avec les récriminations de Louis François Mendy.
Selon Bara Thiam Vice- président de la FSA, « l'athlète est dans son bon droit. En tant que prochain porte-étendard de la délégation sénégalaise aux JO, il a lancé un cri de coeur par rapport à une inégalité liée aux primes. Que l'on soit footballeur, basketteur, karatéka ou athlète, un champion d'Afrique reste un champion d'Afrique. Aujourd'hui, il doit y avoir une équité dans le traitement des sports de haut-niveau. C'est très vieille doléance qui n'a pas encore trouvé solution. Tous les régimes qui sont passées ont échoué là-dessus. Aujourd'hui comme on parle de rupture, il est temps. », a-t-il réagi.
Le responsable fédéral n'en interpelle pas moins l'Etat pour un changement de paradigme dans le traitement des athlètes sénégalais. Ce qui, à son avis, est devenu une urgence. « Il est temps de changer la donne. Dès le retour des athlètes, nous allons essayer de rencontrer la ministre pour qu'il nous prête une oreille attentive pour qu'on lui explique de façon nette quels sont les problèmes liés à ces primes.
Ce, pour qu'elle puisse conseiller le Président de la République et expliquer au Premier ministre afin qu'ils prennent les mesures nécessaires. Aujourd'hui, il est plus qu'urgent de régler cette situation. Sinon, cela peut créer demain un dysfonctionnement au sein des fédérations sportives », soutient-il. Un appel qui sonne sans doute comme un clin d'oeil des nombreux sportifs à l'Etat qu'il invite à une rupture dans les récompenses, la prise en charge des disciplines et les disparités qui perdurent dans le sport sénégalais. Conformément au slogan « Jub, Jubel, Jubanti » qui a été mis en avant par les nouvelles autorités du pays.