Ile Maurice: Amélia Lakrafi - «Les sujets de la sécurité n'appartiennent pas à l'extrême droite»

interview

Le premier tour des élections législatives en France aura lieu dimanche 30 juin prochain. Amélia Lakrafi, députée sortante du parti Renaissance, revient sur son bilan et répond aux critiques qui lui sont addressées.

Vous êtes la députée sortante de la circonscription no 10 des Français de l'étranger. Quel est votre bilan ?

Il a eu tout d'abord de grandes avancées en matière de lutte contre les violences faites aux femmes à l'étranger. J'ai contribué à mettre ce problème en lumière car avant moi le sujet était totalement hors des radars de nos gouvernements et n'a jamais été traité. Il y a aussi eu l'augmentation sans précédent des crédits de l'aide sociale qui ont été presque triplés.

J'ai aussi fédéré les OLES (associations d'entraide et de bienfaisance) pour mieux les accompagner dans l'intérêt des compatriotes les plus fragiles. Cela a été possible avec la consolidation du réseau des associations de bienfaisance au travers de la FIBRE, la fédération que je préside.

J'ai aussi mené le combat de la reconnaissance de nos EFE (entrepreneurs français de l'étranger), mené celui de la simplification administrative ou celui de l'accès à la santé. Je suis fière qu'avec mon équipe nous ayons répondu à plus de 3 000 sollicitations individuelles de Français de la circonscription qui n'arrivaient pas à finaliser telle ou telle démarche administrative et qui se sentaient abandonnés. Je suis heureuse aussi d'avoir pu travailler en bonne intelligence avec nos ambassades et consulats, ainsi et surtout qu'avec la grande majorité des Conseillers des Français de l'étranger, vos élus de proximité qui fournissent un travail formidable.

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Vous avez fait un mandat et demi et connaissez bien la circonscription. Comment expliquez-vous le vote de l'extrême droite à Maurice ?

Tout d'abord, il peut y avoir l'expression d'un rejet, un vote protestataire, l'influence de certains médias, tout comme en métropole. Si on est loin de la France et qu'on la voit au travers de certaines chaînes de télévision ou des réseaux sociaux, on peut avoir l'impression que le pays est à feu et à sang !

Il peut aussi y avoir un phénomène de racisme créé par cette peur de l'autre. On m'a rapporté aussi que certains auraient voté pour le RN en réaction à la position pro-européenne de la majorité car l'Europe met la pression sur Maurice en matière de transparence fiscale. J'imagine aussi qu'il y a sûrement autant de raisons que de personnes.

Et qu'est-ce qui explique ce vote en métropole ?

En métropole, il y a visiblement un rejet de la classe politique sur lequel a surfé le RN. C'est vrai que même si beaucoup de choses se sont améliorées en France. Le chômage, par exemple, a grandement diminué. Mais gens sont préoccupés par leur pouvoir d'achat et ont l'impression de ne pas être entendus. L'inflation a causé beaucoup de dégâts. Il y a un sentiment d'insécurité aussi alors que le gouvernement a mis en oeuvre beaucoup de mesures pour lutter contre les violences et contre le trafic de drogue.

Cependant, certains partis et médias soufflent sur les braises et cela marche, hélas ! Le spectacle donné à l'Assemblée, par LFI avec une stratégie de bordélisation au lieu de choisir le dialogue courtois, a aussi fait beaucoup de dégâts sur l'estime que les Français ont pour la classe politique et les institutions.

Le message que je souhaite avant tout passer est celui du média TTSO, qui fait ressortir que l'analyste Europe d'Oxford Economics (cabinet d'analyse macro britannique) a publié un graphique intelligent et l'accompagne de ce commentaire. «Oui la France a un important déficit budgétaire et sa dette publique a bondi. Mais c'est parce que (depuis le Covid) l'État a mobilisé sa puissance budgétaire afin de permettre au pays d'afficher l'inflation cumulée la plus basse, la plus forte croissance de l'emploi tout en gardant un niveau de pauvreté très bas». Un rappel qui peut avoir sa valeur...

Ne pensez-vous pas que le gouvernement sortant a contribué à cette montée en normalisant le RN avec des propositions issues de leurs idéologies dans la loi sur l'immigration qui avait été proposée ?

Tout d'abord, j'ai voté contre ce texte et je ne m'en sens pas comptable. Ce texte répondait toutefois à des préoccupations des Français auxquelles le gouvernement s'est efforcé de répondre. Cependant, le Sénat a totalement transformé ce texte, les parlementaires l'ont changé à 80% contre l'avis du gouvernement et en ajoutant des dispositions anticonstitutionnelles que le Président a relevées et n'a pas hésité à envoyer le texte devant le Conseil constitutionnel qui a effectivement retiré essentiellement les ajouts des sénateurs.

Ensuite, il doit y avoir autant de réponses que de citoyens français à Maurice sur le fait que ce gouvernement a légitimé ou non. Les sujets de la sécurité ou du contrôle des frontières n'appartiennent pas à l'extrême droite. Aujourd'hui, on voit les attaques du RN contre les binationaux, on voit resurgir leurs slogans sur la préférence nationale pour les postes des hauts fonctionnaires et même des ministres, c'est honteux alors que nous avons eu d'excellents ministres binationaux.

On voit malheureusement aussi des partis à gauche qui sont clairement antisémites et pensent encore que nos compatriotes sont tous des nantis ou fuient les impôts. C'est contre eux qu'il faut se mobiliser. C'est dans les intérêts de nos compatriotes que je me mobilise contre ce front de gauche, le front populaire et le Front National (RN) avec un front résolument républicain et humaniste, il y a un premier tour qui sera décisif.

Plusieurs pays de la circonscription no 10 sont en proie aux crises humanitaires. Avez-vous un plan pour le soutien des Français de ces pays ?

En tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la France a toujours apporté un soutien aux pays connaissant une crise grave. Songez à l'énergie et aux moyens financiers que notre pays a mobilisés pour le Liban ! Moi-même, je suis consciente et pleinement mobilisée concernant les drames qui se déroulent dans la circonscription, du Yémen à la RDC en passant par la situation d'urgence au Soudan et à Gaza.

Concernant ce dernier, j'ai appelé à un cessez-le-feu dès le 18 octobre 2023 et le président de la République a organisé une conférence de soutien avec les États arabes, les USA et l'Europe dès le 9 novembre et appelé lui aussi à un cessez-le-feu. Nous avons aussi envoyé de l'aide humanitaire, avons été parmi les premiers et soigné des centaines d'enfants gazaouis sur le bateau que nous avons envoyé, que j'ai pu visiter d'ailleurs en compagnie de notre ministre des Armées.

Je me suis aussi rendue au Sud-Soudan l'automne dernier à la rencontre de réfugiés, je sais ce que la détresse mais aussi la dignité de ces déplacés signifient.

Dans le cadre de mes fonctions de députée des Français de l'étranger, je suis toutefois surtout appelée à me mobiliser quand il y a des crises au sujet des Français résidant dans ces pays comme lorsqu'il a fallu évacuer les Français du Soudan. Je suis dans ces cas-là en première ligne avec le centre de crise du ministère des Affaires étrangères et nos ambassades pour aider les Français à être évacués ou à être en sécurité.

Je souhaite aussi dire que la France s'efforce de lutter contre l'apparition de crises humanitaires au travers de son aide au développement. L'AFD, dont j'ai été membre du conseil d'administration durant cinq ans, et ses filiales comme Proparco contribuent à stabiliser et aider au développement économique ou éducatif de très nombreux pays.

Pour finir, après sept ans de travail et de recul, j'ai proposé une initiative "Parlementaires pour la Paix" (PP) avec la section française de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) visant à promouvoir la paix, la coopération et le dialogue au Moyen-Orient et en Afrique. Ensemble, nous pouvons construire un avenir pacifique. Plusieurs députés africains et arabes soutiennent et adhèrent à ce futur projet.

Vos opposants vous reprochent votre manque de proximité et votre silence à l'Assemblée. Que leur répondez-vous ?

Concernant le manque de proximité, je ne pense pas que l'on puisse me reprocher cela, je n'ai pas attendu de telles accusations ou la veille d'une élection pour être proche et à l'écoute de nos concitoyens.

Je suis au contraire une députée de terrain qui va à la rencontre des Français. Je me déplace au moins une fois par mois dans deux à trois pays et je ne vais pas faire du tourisme : je vais à la rencontre des associations de Français, des écoles, des entrepreneurs français, j'organise des permanences.

J'informe avant de venir et je fais un compte rendu ensuite. Sur mon site internet, il y a des articles publiés après chaque déplacement et vous verrez que je suis bel et bien une députée pour qui la proximité compte !

Concernant mon « silence à l'Assemblée », je pense que vous faites allusion au post sur les réseaux sociaux très inélégant de l'une de mes opposantes. À l'Assemblée, ce qui compte, ce n'est pas uniquement le nombre de propositions de loi déposées même si c'est important pour les gens qui aiment les statistiques. Il y a le travail en commission, dans les autres instances aussi de l'Assemblée telle que la section française de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie au sein de laquelle j'ai été très investie.

Qui sait, qu'avant la dissolution je travaillais dans le cadre de la commission des Affaires étrangères, sur un rapport d'information sur l'espace francophone dans le cadre duquel près de 300 personnes ont été auditionnées, que je passais mon temps dans les ministères en faveur du statut des entrepreneurs français à l'étranger et la résidence de repli, mais aussi avec différentes administrations en faveur de la dématérialisation de l'état civil (j'ai d'ailleurs été responsable du texte de loi à l'Assemblée il y a quelques semaines) car je sais que nos compatriotes ont du mal à accéder au consulat.

Quel est votre programme en cas d'une troisième élection ?

Mon programme détaillé a été communiqué à tous les Français de la circonscription, j'invite tout le monde à le consulter. Je souhaite poursuivre les travaux que j'ai engagés, en faveur des femmes, pour qu'elles se sentent soutenues et protégées, des EFE (entrepreneurs français), de celles et ceux qui se sentent abandonnés, les plus fragiles loin du consulat et aussi loin d'internet.

Je vais aussi poursuivre le travail en matière d'accès à l'éducation ainsi qu'à la sécurité sociale : beaucoup trop de personnes n'ont pas accès à la CFE ou ont du mal à scolariser leurs enfants dans les établissements de l'AEFE malgré le système de bourses.

Je veux rester une députée de terrain, une députée qui est dans la proximité, qui vous aide concrètement et pas une députée qui est dans l'idéologie, le paraître et qui une fois élue abandonne toutes ses belles promesses. Au lendemain de chaque élection, j'ai toujours été sur le terrain proche. Je continuerai, nos Français le méritent tant.

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