Ile Maurice: Dossiers introuvables - Le calvaire des patients atteints de cancer

Même rengaine depuis plus d'une décennie. L'avènement du système e-health relèvera le niveau des soins dans les hôpitaux publics et mettra un terme aux dossiers égarés. Mais, en attendant, la situation empire. Les dossiers de certains patients atteints de cancer, même ceux nouvellement diagnostiqués, sont introuvables. Résultat: «Bizin admet. Kan gagn dosie, lerla pou gete si pou opere», disent les médecins aux patients.

Il y a quelques jours, les patients récemment diagnostiqués d'un cancer ont découvert que leurs dossiers sont manquants. Lors de leurs rendez-vous, ils ont appris que les résultats de leurs scans et de leurs analyses sanguines sont égarés. Ainsi, les médecins ont été contraints d'admettre ces patients sans aucune raison spécifique en l'absence d'informations nécessaires du diagnostic. Ce problème, qui ne date pas d'hier, prend une tournure alarmante.

Le département de radiologie de l'hôpital Victoria, à Candos, a atteint le point critique où il n'arrive plus à gérer les dossiers des patients, même ceux nouvellement créés. Cette situation est particulièrement inquiétante car elle concerne des patients récemment diagnostiqués d'un cancer, qui attendent les résultats d'analyses supplémentaires, pour déterminer leur traitement.

Ces patients obtiennent un rendez-vous avec un spécialiste environ trois semaines après avoir consulté un premier médecin. C'est le spécialiste qui décide si le patient devra subir une chirurgie ou commencer directement une chimiothérapie. Un mois d'attente pour un patient atteint de cancer est significatif, chaque jour étant crucial dans le traitement de cette maladie. Cependant, nombreux sont ces patients qui, à leur deuxième rendez-vous où ils devaient connaître le stade de leur cancer et la marche à suivre, apprennent que leurs dossiers sont introuvables. Depuis quelques jours, les médecins sont contraints de les admettre en attendant de retrouver les dossiers perdus.

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Les proches des patients ont décidé de monter au créneau pour dénoncer cette situation qu'ils jugent inacceptable. Ils estiment que l'établissement hospitalier joue avec la vie des gens, aggravant l'angoisse des patients et de leur famille. Ces personnes sont admises dans l'incertitude, ne sachant pas quels traitements suivre ou si elles doivent subir une intervention chirurgicale.

Les proches d'une septuagénaire en témoignent. Il y a un mois, cette habitante de Curepipe a appris qu'elle a un cancer de l'intestin. Elle avait fait des analyses qui ont confirmé sa maladie et avait rendez-vous avec un spécialiste mercredi dernier pour prendre connaissance des résultats de son scan, réalisé il y a plus d'un mois, en vue de connaître la marche à suivre. «Nous sommes arrivés au rendez-vous mercredi à neuf heures. Après avoir attendu deux heures, le médecin nous a expliqué que les résultats du scan étaient introuvables. Le médecin, qui voyait ma belle-mère pour la première fois, n'avait aucune information en main pour nous donner des détails. Ils ont cherché en vain. Nous ne savons même pas à quel stade en est le cancer de ma belle-mère, si elle doit subir une opération ou commencer la chimiothérapie. Nous devions avoir toutes ces informations. Du coup, le médecin a décidé de l'admettre en attendant de retrouver les résultats», relate notre interlocutrice. Le médecin leur a fait comprendre : «Admet touzour ziska gagn dosie. Lerla pou gete si opere. Bizin atan gete.» Pour cette famille, il est inconcevable qu'une patiente soit admise sans qu'elle soit informée des détails de son état de santé. Ce n'est pas un cas isolé ; d'autres personnes qui avaient rendez-vous se sont retrouvées dans la même situation.

En attendant l'«e-health»...

Dans ce cas, même le nouvel hôpital de cancérologie de Solferino ne peut rien faire, car il dépend des dossiers et diagnostics effectués au département de l'hôpital Victoria pour assurer le suivi des chimiothérapies. Tout est centralisé à Candos, qui réfère ensuite les cas à l'hôpital de Solferino. D'où l'importance de la mise en application de l'e-health dans les hôpitaux, qui a été identifiée comme une priorité depuis les années 1990, mais qui n'a jamais vraiment décollé. Chaque année, le ministère promet que le projet deviendra une réalité, mais en fait, la réalité est que les patients continuent à subir un traitement pitoyable où leur vie est en danger.

Jusqu'à présent, les services de santé sont dans l'incapacité de suivre les mouvements des patients. Il y a un manque de connectivité entre les différents points de service, des doublons dans la prestation des services, des prescriptions excessives, des problèmes de contrôle des stocks, l'insuffisance des statistiques et l'augmentation de l'utilisation du papier. Les établissements de santé publique génèrent 2 300 tonnes de documents papier chaque année, alors qu'il existe cinq millions de dossiers de patients actifs et neuf millions de casualty cards.

Le député Farhad Aumeer, qui a maintes fois dénoncé cette situation chaotique à l'hôpital, souligne une fois de plus que l'on ne peut continuer à attendre que le projet e-health soit mis en place. «C'est le résultat d'une absence d'action rapide. C'est très grave. Le ministre de la Santé ne peut pas se contenter de dire à chaque fois que le projet e-health sera bientôt réalisé. Entre-temps, en attendant que l'éternel projet se concrétise, que se passe-t-il ? Les gens vont mourir.»

Sollicité, le ministère de la Santé a fait comprendre que les personnes concernées doivent adresser leurs doléances au Medical Superintendent de l'hôpital, qui enquêtera pour déterminer si les dossiers sont égarés ou ont été mal placés. Ce problème est aggravé par un manque d'agents de gestion des dossiers au sein de l'établissement. Le ministère a indiqué que 50 nouveaux agents se joindront au service dans les semaines à venir.

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