Congo-Kinshasa: 64 ans après - Congo, qu'as-tu fait de ton indépendance ?

La République démocratique du Congo a commémoré hier le 64e anniversaire de son accession à la souveraineté internationale, comme on le dit dans le jargon fleuri diplomatique. C'est donc en chef de guerre que le président Félix Tshisekedi s'est adressé à la nation, cette célébration intervenant dans un contexte interminable d'insécurité avec ce cancer qui ronge l'est du pays, où une rébellion, celle du M23, règne en maître.

Ironie du sort, l'adresse du chef suprême des armées intervient après la prise, la veille, de Kanyabayonga, une localité jugée stratégique, tant du point de vue humanitaire que de celui de la mobilité des combattants du M23. Ce groupe est soutenu par le Rwanda voisin, qui mène une guerre de rapines depuis de longues années, même si Paul Kagame s'en est toujours défendu sans convaincre grand monde, le petit pays des Mille collines ayant toujours été une épine au pied du géant congolais.

On se rappelle en effet que c'est avec l'appui décisif de Kagame que Kabila-père avait chassé Mobutu du pouvoir. Alors, les relations entre les deux Etats étaient à tout le moins cordiales, si bien que l'homme mince de Kigali y avait installé une sorte de proconsul en la personne de Laurent-Désiré Kabila, devenu maître de Kinshasa le 20 mai 1997. Depuis, les relations entre les deux Etats se sont particulièrement détériorées. D'abord sous Kabila-fils et maintenant avec « Fatshi béton »(1) qui avait même, il y a quelques mois, menacé d'en découdre militairement avec son turbulent voisin.

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« Je vous prends à témoin, peuple congolais, souverain primaire, et je déclare ce qui suit devant le monde entier : si nos ennemis continuent à agir de manière irresponsable en tirant un seul coup de feu, je réunirai les deux chambres du Parlement pour demander l'autorisation de déclarer la guerre au Rwanda... Cette prérogative m'est accordée par la Constitution. Ne vous inquiétez pas. Notre armée est de plus en plus puissante. Depuis Goma, nous pouvons atteindre Kigali. Je dis à Kagame de plaisanter avec d'autres personnes, mais pas avec moi...» avait lancé Tshisekedi pendant sa campagne électorale. Une menace à laquelle Kagame a réagi en ces termes : «Nous sommes prêts à nous battre... Nous n'avons peur de rien...Si vous accusez d'autres personnes de ce dont vous êtes coupable, c'est que quelque chose ne va pas dans votre tête.»

A telle enseigne qu'on se demande quand éclatera le conflit ouvert entre les deux Etats. Il faut dire qu'en six décennies d'indépendance, ce pays qui avait tout pour être un dragon économique africain a toujours été secoué par une instabilité chronique avec la sécession originelle katangaise et la férule sous Mobutu Sesse Seko que, du reste, de nombreux Zaïrois regrettent sans doute actuellement car en son temps, le pays était gouverné et tenu d'une main de fer. Mais depuis la triste fin de l'homme à la toque de léopard, le Congo va à vau-l'eau.

Certes, le Rwanda est depuis quelque temps le fauteur de troubles, mais le pays est, avant tout, victime de ses propres dirigeants qui n'ont pas toujours su concrétiser les espoirs placés en eux ; bien au contraire ! Tant et si bien que les richesses incommensurables n'ont presque jamais servi dans ce pays qui manque de tout, à commencer par des routes dignes de ce nom, et où le principal moyen de déplacement reste les épaves volantes ou encore ces rafiots qui chavirent de façon régulière dans les eaux du fleuve Congo.

Les chiffres de la Banque mondiale sont sans équivoque : la RDC figure parmi les cinq nations les plus pauvres du monde. En 2023, environ 74,6 % des Congolais vivaient avec moins de 2,15 dollars par jour. Environ une personne sur six vivant dans une extrême pauvreté en Afrique subsaharienne habite en RDC. Et ce, après 64 ans d'indépendance, avec la débrouillardise comme mode de survie. Il est vrai que les anciennes puissances coloniales ont mis des bâtons dans les roues du développement, mais cela ne pourrait être une excuse absolutoire. Ce ne sont donc pas les discours pompeux comme ceux de Tshisekedi, symbole même de l'impuissance, qui y changeront grand-chose. C'est à penser qu'on a longtemps dansé au rythme de «Indépendance Cha Cha»(2), oubliant de construire.

1. Surnom donné par les partisans de Tshisekedi, « Fatshi », une contraction de Félix-Antoine Tshisekedi, et «béton », en référence à sa promesse de reconstruire les infrastructures de la RDC.

2. Chanson du regretté Joseph Kabaselé, dit Grand Kallé, pour célébrer à l'époque la souveraineté retrouvée

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