Madagascar: Des contacts très anciens entre le Menabe et l'Imerina

LA confrontation des traditions orales merina et sakalava nous a permis de savoir qu'il y avait une présence sakalava en Imerina et que les Hova avaient longtemps résidé dans le Menabe appelé Antsakoambe (Ramisandrazana Rakotoariseheno, 2013, « Questions sur les sakalava en Imerina avant le règne d'Andrianampoinimerina », Bulletin de l'Académie malgache, 2014, Tome XCIV/1 : 125-139).

Avant même l'installation des nouvelles dynasties « fondatrices d'État », explique l'académicienne, les deux groupes s'adonnent au commerce de longue distance et vendent hommes et vivres dans la baie de Bombetoka. Les Anteroka, anciens habitants d'Analamanga, viennent probablement de l'Ouest sakalava, avant d'aboutir à Ambohidratrimoanala.

En revanche, les Vazimba d'Ampandrana arriveraient plutôt de la côte Est. Et si Andriamanelo combat les Sakalava de l'Est d'Analamanga, ses successeurs s'entendent avec les Anteroka et ne repoussent ces derniers que tardivement « moyennant faveurs et préséances ». « Les Anteroka étaient le tampon contre les invasions sakalava. Ces Sakalava des premières heures ne semblent pas encore être les commanditaires de la dynastie Maroserana. Cette dernière s'implanta dans le Menabe au même moment où Ralambo organisa son État », avance l'historienne. Toutefois, par la suite, ils mènent des incursions en Imerina pour le compte des Maroserana. Les Hova payent ainsi des tributs aux Sakalava.

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Mais quand le royaume merina commence à s'agrandir, les Sakalava « se mettaient également au service des Merina en étant leurs mercenaires ». Et quand les deux dynasties sont bien établies, des mariages sont conclus. «Ambohijanaka, village princier, illustre bien cet ancrage des Sakalava en Imerina.» De même, beaucoup d'exilés de l'Imerina préférèrent s'enfuir chez les Sakalava. Après la réunification de l'Imerina par Andrianampoinimerina, les Sakalava sont repoussés. Mais, précise Ramisandrazana Rakotoariseheno, les anciens qui sont ensevelis en Imerina, « deviennent des Zanahary et leurs tombes deviennent les 'doany' (lieux sacrés) les plus célèbres en Imerina ». Dans les nécropoles royales merina, poursuit-elle, « il y a toujours des tombes sakalava ».

Les « doany » les plus célèbres sont ceux d'Andriatsivongo, Andriantendro, Zaman' i Bao ou Andrianaverinarivo, Andriamisara, et il s'agit tous d'anciens Grands Sakalava. « Aujourd'hui, ils font la synthèse des peuples et semblent être les réconciliateurs de tous les Malgaches. Les affres de l'Histoire sont transcendées par les esprits éternels des personnages les plus célèbres de notre pays. » L'académicienne reconnait que le point de départ de sa réflexion a porté, justement, sur les traditions familiales et les nombreux « doany » dits sakalava en Imerina. « De ces sources encore vivaces et vivantes, il nous était loisible de remonter le temps et de poser les questions sur les brefs rappels et mentions fortuites émaillés ici et là dans les Tantara ny Andriana. »

Les mots et les noms de Sakalava y sont évoqués « de façon subtile, presque inaperçue, au détour des récits épiques, mais souvent répétés d'un souverain à l'autre ». Cela amène l'historienne à revoir une tranche d'histoire peu étudiée (négligée ?) parce qu'elle est, peut-être, moins prestigieuse que celles des dynasties. « La nomenclature ethnique coloniale avait parqué les groupes sociaux dans des aires géographiques déterminées de telle sorte que la pensée des Malgaches fonctionnait sur des images figées : l'Imerina ne peut être que merina, le Menabe ne peut être que sakalava. Et ainsi de suite.»

Les «Tantara ny Andriana» évoquent très souvent des « mercenaires sakalavas » au service des rois et des princes, relate l'auteure de l'étude. De même que les premières années de la dynastie de Rangita et de Rafohy s'avèrent être une époque de lutte pour repousser les « autochtones » sakalava. Toujours selon Ramisandrazana Rakotoariseheno, certaines familles merina, en particulier les lignées royales les plus célèbres, ont des ancêtres sakalava. Aussi, fait-elle valoir, une nouvelle réévaluation des données concernant les Sakalava en Imerina apporterait «une nouvelle vision pour reconstruire l'histoire de l'Imerina. Ce qui contribuera à bâtir une histoire nationale», affirme-t-elle. Son étude s'articule ainsi sur les difficultés de la dynastie merina pour se tailler un nouveau territoire dans l'Ankibonimerina.

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