Afrique: Législatives françaises - La vague bleue Marine déferle et les Africains grelottent

analyse

« Il y a une fuite de gaz et Macron craque une allumette pour y voir clair. » C'est par ce titre, inspiré d'une formule de Patrick Devedjian (1), que nous avons titré notre éditorial consacré à la dissolution de l'Assemblée nationale, intervenue dans la foulée des européennes du 9 juin 2024.

Après sa sacrée raclée dans la course vers Strasbourg, siège du Parlement européen, il y a trois semaines de cela, les Français vont-ils asséner le coup de grâce électoral, voire politique, à la « Macronie », dont le maître de céans a pris, à la surprise générale, le pari risqué de renverser la table du Palais-Bourbon ?

En tout cas, les résultats du premier tour des législatives anticipées de dimanche dernier sont tombés tels une ogive nucléaire dans le camp présidentiel. Et la perspective du second tour ne s'annonce pas sous d'heureux présages, tant les chiffres et les pronostics sont désastreux pour la majorité sortante.

En effet, avec 33,15% des suffrages, le Rassemblement national (RN) de Jordan Bardella arrive en tête, suivi du Nouveau Front populaire (NFP) (27,99%), reléguant le parti « Ensemble », camp présidentiel, en troisième place avec 20,04% des voix.

Si la tendance se maintient, les projections attribuent entre 260 et 310 places au RN, qui a besoin d'au moins 289 sièges pour disposer de la majorité dans la nouvelle Assemblée forte de 577 députés.

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C'est dire donc que le ciel politique est tombé sur la tête de Jupiter et sa troupe qui viennent de vivre une véritable bérézina électorale. A l'opposé d'un Rassemblement national, qui depuis sa création en 1972 par Jean-Marie Le Pen sous l'appellation de Front national, n'a jamais été aussi proche des portes de Matignon que de nos jours.

Les alliances et mésalliances, les triangulaires, les appels aux désistements et au rassemblement républicain pourront-ils empêcher le sémillant Jordan Bardella de s'emparer de la Primature ?

Difficile d'en préjuger. Mais qu'à cela ne tienne, à Matignon ou pas, le Rassemblement national confirme sa place de cador, voire de premier parti en France. Il faut reconnaître que l'Hexagone pouvait difficilement se prémunir contre la poussée des formations politiques nationalistes et eurosceptiques aux discours xénophobes décomplexés qui ont aujourd'hui pignon sur rue, par exemple en Italie, en Hongrie, en Pologne, aux Pays-Bas et en Suède.

Avec cette vague bleue Marine qui déferle progressivement vers Matignon, nul doute qu'en Afrique, particulièrement dans sa partie francophone, le second tour de ces législatives sera davantage suivi de près.

Cela est d'autant vrai que le parti celui qui se voit déjà dans l'antichambre de l'exécutif français a toujours fait de la question migratoire l'un de ses principaux fonds de commerce politique.

Suppression du droit de sol qui existe pourtant depuis le XVe siècle, interdiction de confier des postes sensibles aux binationaux, plusieurs tours de vis contre les flux migratoires, suppression de la gratuité des soins aux étrangers en situation irrégulière. Voilà, entre autres, ce que Bardella propose à ses compatriotes si ces derniers lui accordent leur confiance.

A tout cela s'ajoute le discours opportunément mâtiné de souverainisme de l'égérie du RN, Marine Le Pen, à l'égard des Africains et son tropisme russe à un moment où le débat sur l'avenir du Franc CFA, la présence de troupes françaises sur le continent noir que le président Macron prévoit de réduire et les procès en tous ordres contre l'ex-métropole agitent bien des esprits.

Mais une chose est de tenir des discours politiques engagés et une autre est de les traduire en actes. Car en politique, plus que dans autre domaine, la réalité du pouvoir l'emporte souvent sur les convictions, mêmes les plus ancrées.

Mais si toutefois, en cas de victoire, le Rassemblement national parvenait à mettre en application la conception de sa politique africaine, est-ce que ce ne serait pas, en fin de compte, un grand mal pour un grand bien ?

(1) « On était dans un appartement avec une fuite de gaz. Chirac a craqué une allumette pour y voir clair ». Boutade lancée au lendemain de la dissolution de l'Assemblée nationale en 1997

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