Madagascar: Des peintures rupestres suscitent un mélange d'émerveillement et d'interrogations historiques

Depuis des décennies, l'identité culturelle et historique de Madagascar continue de susciter le débat chez les paléontologues et les archéologues. Plusieurs chercheurs se sont penchés sur la question et chaque découverte de grotte ornée soulève autant de nouvelles interrogations que de réponses. Reportage dans le massif du Makay, à l'intérieur duquel des peintures rupestres exceptionnelles ont été dessinées, vraisemblablement il y a plusieurs centaines d'années.

« Chers ancêtres, nous venons en paix vous demander votre bénédiction pour pénétrer dans la grotte. Nous voulons seulement admirer les peintures et nous repartirons », lance solennellement le guide, avant de verser quelques gouttes de rhum sur le sol.

Une fois les incantations réalisées, le groupe de visiteurs s'engage silencieusement. Sur les murs, des dizaines de symboles géométriques, de représentations d'animaux et d'humains, des formes hybrides, peintes à base de pigments rouges, blancs et parfois noirs.

« Quiconque vient ici sait qu'il ne doit toucher à rien, ni écrire sur les parois »

Pour Rapapane, la soixantaine, le plus ancien du groupe, c'est l'émerveillement. Le site est à trois jours de marche de son village. C'est la troisième fois de sa vie qu'il se rend ici. « La dernière fois que je suis venu, j'avais 17 ans, je crois, raconte-t-il. J'avais accompagné mon grand-père et un ombiasy [un devin, NDLR]. Je me souviens qu'il était venu avec un cahier, pour recopier les signes, pour essayer de les déchiffrer. Ces dessins sont sacrés. Quiconque vient ici sait qu'il ne doit toucher à rien, ni écrire sur les parois ».

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Récemment, des chercheurs américains ont trouvé des similitudes entre les inscriptions découvertes sur l'île et d'autres retrouvées en Égypte et en Indonésie. Pour l'archéologue Tanambelo Rasolondrainy, spécialiste des peintures rupestres malgaches, d'autres pistes sont aussi à étudier : « Les peintures trouvées dans le Makay et l'Isalo ressemblent beaucoup à des peintures géométriques d'Afrique, qu'on trouve de l'Érythrée jusqu'au bassin de Limpopo, en Afrique australe. Mais on ne peut pas vraiment affirmer qu'il y a des relations entre ces peintures africaines avec ce qu'on trouve à Madagascar. Parce qu'à ce jour, on n'a pas encore fait d'étude comparative de ces signes. Ce sont tout simplement des hypothèses. »

De nombreuses hypothèses donc et interprétations qui restent donc encore à confirmer, pour permettre de comprendre la colonisation de l'île et l'extinction de la mégafaune après l'arrivée de l'humain à Madagascar. Sur l'île, on recense actuellement quatre sites majeurs parés de peintures rupestres : dans le parc de Tsimanampetsotsa, dans les massifs de l'Isalo et du Makay, et dans la réserve de Beanka. Les chercheurs estiment que beaucoup de lieux n'ont pas encore été découverts ni inventoriés.

Madagascar: «La recherche archéologique sur l'île et ses archéologues dépendent systématiquement des chercheurs étrangers» Diplômé de l'Université de Yale, le Docteur Tanambelo Rasolondrainy fait partie des rares chercheurs malgaches à avoir participé à des missions exploratoires archéologiques sur l'île et à avoir découvert des sites de peintures rupestres.

Le chercheur associé au musée d'arts et d'archéologie et enseignant chercheur à l'Université d'Antananarivo et de Diego Suarez estime : « La recherche en arts rupestres vient tout juste de commencer, mais on sait maintenant que dans le massif du Makay, par exemple, il y a la datation absolue par AMS Radiocarbone [Accelerator Mass Spectrometry, NDLR] qui atteste que ces peintures datent du XIIIe siècle de notre ère ».

Il poursuit : « Nous avons aussi fait des datations relatives. Par exemple, j'ai découvert des grottes et des abris sous roche dans le massif de l'Isalo, où il y a des peintures rupestres et certains de ces signes - qui ressemblent beaucoup à des écritures ou inscriptions libyco-berbères - pourraient être datés relativement entre 500 ans avant Jésus Christ et 700 ans de notre ère. »

Interrogé sur pourquoi n'en est-on encore qu'au stade des hypothèses, Tanambelo Rasolondrainy réplique : « Il y a un manque d'intérêt. Le gouvernement malagasy ne finance pas la recherche archéologique sur l'île et les archéologues malagasy dépendent donc systématiquement des chercheurs ou des archéologues étrangers. Sauf que ces archéologues étrangers ne sont pas vraiment intéressés par ce genre de recherches. Eux viennent ici à Madagascar juste pour tester leur hypothèse. Donc, Madagascar est une étude de cas pour eux, mais ce n'est pas de la recherche pour inventorier les patrimoines de l'île. »

L'archéologue rédige actuellement un projet de recherche pour obtenir des financements et permettre ainsi d'inventorier, dater, décrypter et évaluer l'état actuel de conservation des peintures afin de mieux les valoriser.

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