Congo-Kinshasa: Le pays dans la grande histoire du monde

Il est difficile de proposer un véritable changement lorsqu'on ne maitrise pas le moment historique dans lequel on se trouve. Le 19ème siècle est le siècle de l'invasion et de la domination européenne, américaine et japonaise du monde entier. Les peuples africains dont les Congolais étaient assujettis par les Occidentaux et pour les Congolais, c'étaient les Belges.

Au 20e siècle, les peuples colonisés se sont révoltés et ont commencé les luttes pour leurs indépendances. Les Lumumba, Kalondji, Tsombe, Bomboko, Kanza, Kasa-Vubu, Kruma, Nyerere, Mujoma, Machel, Nasser, Mandela, etc. se sont lancés dans la lutte de libération qui a culminé à l'indépendance des pays colonisés. Ce mouvement, commencé à la Conférence de Bandung, s'est achevé avec les indépendances politiques des pays jadis colonisés par des Occidentaux. Les quarante dernières années du 20e siècle étaient caractérisées par des dictatures des nationaux dont celle de Mobutu, Eyadema, Bongo, Sassou, Kerekou, Compaoré, Museveni, Mugabe, Kagame, Kabila-Fils, etc.

Le 21e siècle est celui des États-nations qui apparemment sont égaux, mais de fait ne le sont pas. À travers les Nations Unies, des puissances vainqueurs de la guerre de 1940-1945 dominent et imposent leur volonté sur les autres États-nations. La structure de l'État-nation semble s'imposer à tous, même si, pour les pays qui étaient sous domination coloniale, l'État est porteur des germes d'appauvrissement structural et aliénant.

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Notre moment historique est celui de l'État-Nation inadéquat et incapable de servir à notre épanouissement. Pour une réelle transformation du Congo, il nous faut nous attaquer aux structures de paupérisation que renferme l'État-Nation et aux Congolais qui lui servent de relais et facilitent sa perpétuation. La forme que doit prendre notre organisation sociale doit dépendre de ce que nous voulons, pas seulement pour nous, mais aussi pour les générations à venir. Pour le moment, près de 10 millions de Congolais vivent en dehors de leur pays et 90 % de ceux qui sont restés au pays vivent dans une pauvreté et une violence indescriptibles. Cela signifie tout simplement que l'organisation sociale qui prévaut dans notre pays est inadéquate.

Les raisons sont à la fois structurelles et conjoncturelles (liées aux individus).

Les questions que nous devons nous poser à ce stade sont celles de savoir si nous devons maintenir l'État-Nation congolais tel qu'il est aujourd'hui. Ne devons-nous pas imaginer une autre forme d'arrangement social qui répondrait à nos désirs d'épanouissement, de sécurité et de prospérité ? Nos partis politiques actuels sont des produits de l'État-nation et sont donc incapables de remettre en question les structures qui les ont produits.

Nous avons besoin des partis politiques qui s'interrogent sur l'inadéquation des structures actuelles qui produisent plus d'exilés et de pauvres.

Le véritable leadership congolais sera celui qui se passera d'un État-nation tel qu'il existe aujourd'hui pour imaginer des types d'organisations, sans doute plus petites et plus démocratiques dans le sens de la transparence comptable aux autres, et qui s'attacherait à la création des richesses locales répondant aux besoins premiers et primaires et à la maitrise intellectuelle, technologique et écologique de sa faune et de sa flore en vue de maitriser leur transformation pour en produire une valeur ajoutée pour les enfants.

Notre moment historique est donc celui de l'État-nation, nous allons le modeler suivant nos propres termes et répondant à nos besoins et désirs. Pour l'instant, nous subissons ce moment historique sans le questionner profondément, même si nous constatons qu'il ne peut plus durer pour nous.

Nous devons plonger notre vision organisationnelle dans ce type d'analyse. Tous ceux qui pensent que nous pouvons arriver à bouleverser la donne actuelle et faire du Congo le centre du développement de l'Afrique entière doivent se mettre ensemble. Il ne sert à rien d'être excellent individuellement alors que collectivement nous sommes nuls. L'histoire ne nous pardonnera pas si nous sommes incapables collectivement de transformer le Congo en paradis terrestre qu'il devrait être. Le détournement des deniers publics a encore un bel avenir dans notre pays. Un détournement institutionnalisé au travers des salaires irrationnels.

Le pays dépense 30 % du budget à importer de la nourriture et 68 % à payer les gros salaires. Plus rien ne reste à investir pour le monde agricole, l'urbanisation et les infrastructures routières. Avec l'aide de la Banque Mondiale, l'État est parvenu à numeriser les dépenses de chaque ministère et parastatal. Cependant, il existe des résistances extrêmement fortes et sérieuses contre la numérisation des recettes. La raison est simple : une somme de cent dollars de recette numérique garde des traces et ne pourrait être un élément de contrôle. Dans notre pays, la numérisation des recettes serait le moyen moderne le plus adéquat pour stopper tant soit peu la corruption sous toutes ses formes.

Pour rendre au Congo ses lettres de noblesse, nous avons besoin de nous asseoir autour d'une table et de parler sans tabous de la direction que nous voulons donner à notre pays. Le professeur Matthieu Yangambi nous y invite depuis plus d'un an déjà. Nous avons des problèmes à la fois structurels et contingentiels. Les contingences peuvent se résoudre en remplaçant les personnalités corrompues par les moins corrompues. Cependant, les problèmes structurels exigent des gestes courageux comme la tolérance zéro contre la corruption, une réduction drastique des salaires des gouvernants en faveur des gouvernes, l'investissement dans l'agriculture et dans les infrastructures routières, électriques et hydrauliques, la numérisation des recettes du pays pour réduire les tentatives de corruption. Les investissements dans les milieux ruraux pour arrêter l'exode rural. Le système éducatif devrait changer de fond en comble, de la maternelle à l'université pour préparer les jeunes à transformer ce pays par leur intelligence et par leur engagement. Et enfin, l'investissement dans les élections honnêtes et transparentes pour permettre aux Congolais de se choisir des dirigeants de leur choix.

Tous ces changements ne seront possibles que si des individus se sacrifient pour s'opposer contre les forces du statu quo qui veulent continuer à profiter du désordre présent pour s'enrichir personnellement. Le Congo a besoin des esprits sacerdotaux, qui se donnent corps et âme pour son relèvement. Aujourd'hui, la seule option rationnelle laissée à un jeune intelligent, c'est de quitter le pays. Il nous faut du courage pour renverser cette tentation et aider les Congolais à construire leur bonheur ici dans leur propre pays. Cela demandera des sacrifices de la part de tous et de chacun.

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