La Fondation des Médias pour l'Afrique de l'Ouest (MFWA) exprime sa profonde inquiétude face à la suspension de la chaîne d'information française TV5 Monde-Afrique par les autorités burkinabè, et en appelle à un dialogue constructif pour surmonter cette impasse regrettable.
Le 18 juin 2024, le Conseil supérieur de la communication (CSC), organe régulateur des médias au Burkina Faso, a prononcé la suspension de TV5 Monde-Afrique pour une durée de six mois, accusant la chaîne de diffuser des « propos tendancieux frisant la désinformation ». Cette décision fait suite à une émission portant sur la situation sécuritaire du pays, qui évoquait une prétendue « mutinerie » au sein des casernes militaires. Ces allégations ont été formellement démenties par l'armée burkinabè.
Le CSC a justifié sa décision en avançant que l'émission incriminée contenait des « insinuations malveillantes » et des « affirmations de nature à minimiser les efforts consentis » par les autorités de transition et des forces de sécurité dans leur lutte contre le terrorisme et la reconquête du territoire national. La chaîne s'est également vue infliger une amende de 50 millions de francs CFA (environ 81 658 dollars américains).
Le communiqué de presse du CSC a spécifiquement pointé du doigt la participation à l'émission de Newton Ahmed Barry. En sa qualité de journaliste et d'ancien président de la Commission électorale nationale indépendante du Burkina Faso, M. Barry n'a pas hésité à critiquer le régime militaire actuel. Au cours de l'émission, M. Barry abordé les défis sécuritaires auxquels fait face le Burkina Faso, notamment après une attaque djihadiste meurtrière à Mansila, près de la frontière avec le Niger. L'attentat a été revendiqué par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda.
Cette suspension de TV5 Monde-Afrique s'inscrit dans une tendance plus large observée depuis l'ascension au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré à la suite du coup d'État d'octobre 2022. De nombreux médias étrangers, essentiellement français, ont fait l'objet de suspensions temporaires ou définitives. Plus tôt dans l'année, TV5 Monde-Afrique avait déjà été suspendue pour deux semaines le 27 avril 2024, après la diffusion d'un rapport de Human Rights Watch accusant l'armée burkinabè d'exactions contre les civils.
La MFWA considère que de telles suspensions sont préjudiciables à la liberté d'expression et invite instamment les autorités burkinabè à lever sans délai la suspension de TV5 Monde-Afrique et de tous les autres médias touchés par des mesures similaires.
Nous exhortons les autorités à adopter une attitude de tolérance envers les reportages critiques et à privilégier le droit de réponse, ou au cas échéant, chercher réparation en justice.