Afrique: Risques accrus de morsures de serpents dans les décennies à venir

2 Juillet 2024

DOUALA — Une étude, publiée en mars 2024 dans The Lancet Planetary Health, met en garde contre les risques de morsures de serpents venimeux dans les décennies à venir du fait des conséquences des changements climatiques.

L'étude qui est en fait une modélisation scientifique montre que d'ici 2070, de nombreuses espèces de serpents venimeux, à cause de la perte des espaces propices à leur survie, se déplaceront vers des zones climatiquement plus adaptées.

Une migration qui ne sera pas sans conséquences sur la biodiversité et la santé des populations. Les auteurs de cette étude citant entre autres des morsures sur les humains et le bétail ainsi que la perte d'environ 209 espèces de serpents venimeux importants pour la médecine.

"L'exploitation forestière abusive, l'urbanisation poussée, les inondations, les feux de brousse, les projets agricoles intensifs, les projets miniers..., toutes ces actions concourent à la dégradation des habitats des reptiles et leur marche vers les villes "David Franklin Makongo Ndilock, CREVS

« Certaines espèces présentant un risque élevé pour la santé publique pourraient gagner des zones d'habitation climatiquement adaptée. Des pays comme le Niger, la Namibie, la Chine, le Népal et le Myanmar pourraient potentiellement gagner plusieurs espèces de serpents venimeux des pays voisins », peut-ont lire dans les résultats de cette étude.

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En conséquence, « l'Asie du Sud-Est et l'Afrique pourraient être plus vulnérables aux morsures de serpents à l'avenir, avec des effets potentiels sur la santé publique humaine et vétérinaire », écrivent encore les auteurs de l'étude qui n'ont malheureusement pas souhaité répondre aux questions de SciDev.Net.

Au Cameroun, cette migration de serpents vers les zones habitées commence d'ailleurs à se percevoir ; du moins si l'on en croit William Lemnyuy, le délégué du ministère de l'Environnement, de la protection de la nature et du développement durable (MINEPDED) pour le département du Wouri (Douala et ses environs).

« On a eu un cas particulier dans le 5è arrondissement. Lorsqu'on a voulu y construire un centre commercial, des serpents ont envahi tous les arbres qui y étaient au point où ils tombaient sur les gens. On a été obligés de mettre des plaques indiquant "Attention Serpents"», confie-t-il à SciDev.Net.

« Lorsqu'il y a destruction d'une zone écologique, la faune se déporte vers une zone où elle peut se multiplier. Après avoir fui de partout, ces serpents se sont retrouvés là-bas et c'est le seul endroit où ils étaient tranquilles », explique William Lemnyuy.

Psychose

Pour sa part, l'ingénieur halieute David Franklin Makongo Ndilock, par ailleurs spécialiste des crocodiles, partage les inquiétudes des auteurs de l'étude. Il dit craindre la psychose des grands reptiles et les conflits entre l'Homme et des espèces telles que le crocodile du Nil, le crocodile suchus, le bitis gabonica ou vipère de Gabon, les mambas et autres...

Dès lors ,dit-il, il faut en urgence arrêter les actions anthropiques sur la nature. « L'exploitation forestière abusive, l'urbanisation poussée, les inondations, les feux de brousse, les projets agricoles intensifs, les projets miniers..., toutes ces actions concourent à la dégradation des habitats des reptiles et leur marche vers les villes », affirme David Franklin Makongo Ndilock qui est aussi coordinateur de la Cameroon Reptiles and Ecosystems Valorisation Society (CREVS).

Car, les experts soutiennent que dans leur environnement naturel, ces reptiles participent à l'équilibre et à régulation de la population d'autres animaux comme les rongeurs, les poissons, les petits gibiers, etc.

En sus, « ils fournissent des nutriments aux biotopes qu'ils colonisent et une bonne source de protéines pour les hommes qui les consomment. Sur le plan médical, leur venin est utilisé pour la production d'antivenimeux pour les hommes et certaines parties de leur corps sont utilisées à des fins thérapeutiques », explique David Franklin Makongo Ndilock.

Aussi les auteurs de l'étude appellent-ils la communauté internationale à « intensifier ses efforts pour contrer les effets du changement climatique dans les décennies à venir ».

Encourager la recherche

Au Cameroun par exemple, les autorités semblent avoir pris conscience des erreurs du passé et se projettent vers des villes futures qui qui tiennent compte des reptiles.

« Dans nos nouveaux projets de lotissement, on prévoit d'insérer la ville dans l'écosystème existant. Nous allons créer vers le département du Nkam voisin de Douala, une ville verte pour préserver les espèces existantes », confie Alifa Tchatchima, ingénieur du génie civil en service à la Mission d'aménagement et d'équipement des terrains urbains et ruraux (MAETUR).

Il faut en outre « encourager les études d'impact environnemental avant tout projet sur un site et faire une sorte d'inventaire de ces espèces-là », suggère William Lemnyuy.

Mais pour un impact durable, l'herpétologue David Franklin Makongo Ndilock suggère aux gouvernements africains, d'encourager la recherche locale et de faire confiance aux solutions proposées par les Africains.

« L'Etat doit encourager la formation locale ou à l'extérieur des jeunes dans la gestion et la préservation des reptiles à travers des bourses ; car des solutions sont généralement proposées par les expatriés au terme de leurs études sur nos terres africaines », dit-il.

Il conseille en plus, « une bonne implication de plusieurs administration et institutions de recherche universitaire dans la recherche des solutions adaptées à notre contexte », conclut-il.

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