À Madagascar, on constate une hausse alarmante des cas de rapt et de torture sur les enfants atteints d'albinisme. Depuis novembre dernier, dans le sud-est de l'île, région particulièrement touchée par les cyclones à répétition depuis 2022, une dizaine de mineurs à la peau dépigmentée - âgés de 6 mois à 17 ans - ont été enlevés, certains violés, violentés ou tués. Un phénomène nouveau dans cette partie du pays.
Leur différence physique nourrit des superstitions des plus dangereuses. On prêterait ainsi aux yeux des enfants atteints d'albinisme des pouvoirs magiques, permettant de repérer même dans le noir, des gisements de minerai précieux. C'est en tout cas ce qu'ont confié aux enquêteurs certains des ravisseurs arrêtés le mois passé dans le district de Mananjary, après avoir exécuté l'enfant qu'ils avaient kidnappé et pour lequel ils n'avaient pas trouvé acquéreur.
« Au sud-est de Madagascar, nous pensons que ce sont des croyances néfastes, jugulées à une augmentation de la crise humanitaire, qui ont contribué à augmenter le nombre d'attaques », explique Sabine Lauber, cheffe du Bureau des Droits Humains auprès du système des Nations Unies sur l'île.
Cette zone est en effet en proie à une paupérisation extrême et au délitement de ses pouvoirs publics, depuis le passage de trois cyclones successifs en 2 ans. Dans l'urgence, les autorités essaient de placer en sécurité les enfants pris pour cible, dans des centres ou des orphelinats qui acceptent de les accueillir. Une solution difficilement tenable sur la durée, et qui ne permet pas d'héberger tous les enfants atteints d'albinisme de la région. Les gendarmes ont également commencé à sensibiliser les villages à mieux protéger et mieux réagir en cas d'attaque.
Lutte contre ces attaques sur tout le continent africain
Sur le continent, chez les pays voisins ayant subi des situations similaires, des stratégies nationales de lutte ont été menées. Les résultats sont positifs et pourraient bien être pris comme modèle.« Ce qui a bien fonctionné et fait baisser la violence en Afrique de l'Est, et notamment au Malawi, Zambie, Tanzanie et Mozambique, c'est un cadre complet pour assurer la sécurité de la personne atteinte d'albinisme, mais également sa famille et sa communauté. Lui permettre aussi d'avoir accès à l'éducation et à la santé, lui assurer un emploi, et respecter sa dignité. S'attaquer à la sécurité seule ne résout rien », martèle la représentante des Droits de l'Homme.
Des stratégies au long cours, mais nécessaires pour enrayer ce phénomène. En 2022, face à une première hausse d'enlèvements et de meurtres de personnes atteintes d'albinisme particulièrement localisés dans l'extrême-sud du pays, des experts internationaux de l'ONU s'étaient déplacés sur la Grande-Île et avaient émis des recommandations.
Ils avaient notamment souligné la nécessité d'accorder la priorité aux programmes d'éducation et de sensibilisation à la situation critique des personnes atteintes d'albinisme afin de contrer les mythes et rumeurs qui conduisent à leur assassinat. Depuis, rien ne semble véritablement avoir bougé dans le pays. Selon le bureau des Droits de l'homme, Madagascar serait désormais le pays dans lequel le taux d'agressions contre les personnes atteintes d'albinisme est le plus élevé au monde.