Sénégal: Massacre de «Thiaroye 1944» - le président Diomaye Faye « ouvre » un nouveau chapitre

L'Etat sénégalais va mettre en place un Comité Ad Hoc, chargé des préparatifs de la commémoration du 80e anniversaire du Massacre des «Tirailleurs Sénégalais», le 1er décembre 1944, au camp de Thiaroye.

L'annonce faite en Conseil des ministres, du mercredi 26 juin 2024, par le Premier ministre, Ousmane Sonko, est consécutive à la décision du président de la République de préparer cette cérémonie de souvenir de cet évènement tragique et page sombre de l'histoire du Sénégal et des anciennes colonies françaises d'Afrique.

Le rapport de ce comité sera soumis à la haute attention du président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, au mois de septembre prochain. Cette initiative du président de la République, qui obéit d'emblée à un devoir de mémoire, est sans conteste une nouvelle étape dans la recherche de la vérité et de reconnaissance entreprise jusqu'ici.

Le chef de l'Etat sénégalais marche ainsi sur les pas du président Abdoulaye Wade qui fut la première haute autorité à faire de la question des «Tirailleurs Sénégalais» un des points de sa politique intérieure et de ses relations avec la France. Mieux, il a institué, en août 2004, la tenue de la première Journée du «Tirailleur Sénégalais». En plus de la réhabilitation du cimetière «Tirailleurs» et l'érection d'une «Place du Tirailleur» au rond-point du Port autonome de Dakar (PAD), avec le monument symbole «Demba et Dupont».

Un Comité Ad Hoc chargé d'organiser la commémoration du 80e anniversaire du massacre des «Tirailleurs Sénégalais et Africains», le 1er décembre 1944, au Camp de Thiaroye, sera mis en place dans les prochaines semaines. L'annonce a été faite par le Premier ministre, Ousmane Sonko, en Conseil des ministres, le mercredi 26 juin 2024. Le comité se chargera de faire un rapport sur cet évènement tragique de l'histoire du Sénégal, de la France et de ses anciennes colonies en Afrique.

Cette initiative du président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, constitue une étape supplémentaire dans la recherche de la vérité sur ce chapitre sombre de l'histoire.

En effet, les récits documentaires, cinématographiques, témoignages et différentes recherches sur cette tragédie, n'ont pas toujours dissipé les zones d'ombres sur l'origine de ce massacre innommable sur d'anciens prisonniers de Guerre rapatriés. Il n'y a pas encore de reconnaissance officielle du massacre que de nombreux historiens qualifient de «prémédité» et camouflé pendant plus de soixante-dix (70) ans. La mémoire du massacre de Thiaroye n'a toutefois jamais disparu en Afrique de l'Ouest, particulièrement au Sénégal, lieu du drame.

DIOMAYE FAYE SUR LES TRACES DU PRESIDENT WADE

Avec ce projet, le nouveau président du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, entre en droite ligne des jalons posés par ces deux prédécesseurs à la tête du pays. Après son élection, en 2000, l'ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade, avait en effet fait de la question des «Tirailleurs Sénégalais» un des points de sa politique intérieure et de ses relations avec la France.

L'histoire des tirailleurs sénégalais fut inscrite dans le récit national officiel. Le président Wade avait annoncé, en août 2004, la tenue de la première Journée du Tirailleur Sénégalais. Alors que jusqu'au début des années 2000, les faits qui se sont déroulés au camp de Thiaroye, le 1er décembre 1944, sont restés quasiment ignorés en France. Au moment où le massacre a eu lieu, presque aucune information n'avait filtré, indique l'historienne Croset, jusqu'en France.

Lors de la cérémonie officielle, le 23 août 2004 (date anniversaire de la libération de la ville française de Toulon par les «Tirailleurs Sénégalais» qui avaient débarqué en Provence, le 15 août 1944), un représentant du gouvernement français, André Wiltzer, ancien ministre délégué chargé de la Coopération et de la Francophonie sous la présidence de Jacques Chirac, décide d'aborder la question.

Il évoquera Thiaroye, parlant d'«un événement tragique et choquant qui suscite l'indignation, l'incompréhension et la tristesse pour ceux qui en ont été les victimes et pour leurs proches». C'est la première fois, rappelle Françoise Croset, qu'un personnage officiel français s'écarte de la version officielle, déclarant qu'il faut «réparer l'injustice et la violence commises à Thiaroye ; c'est d'abord le dire, ne pas oublier des hommes qui ont perdu la vie, le 1er décembre 1944, leur rendre hommage.»

Quelques jours plus tard, le cimetière de Thiaroye, réhabilité pour l'histoire, est déclaré «Cimetière National», par un décret présidentiel promulgué par le président Wade : «Article premier - Le Cimetière de Thiaroye, où sont enterrés les Tirailleurs Sénégalais morts au cours de la répression coloniale du 1er décembre 1944, est déclaré Cimetière National. Le 23 août suivant son élection, le président de la République rend les honneurs aux victimes. Le 23 août de chaque année, le Premier ministre y dépose une gerbe de fleurs.»

Si l'affaire de Thiaroye a commencé à sortir de l'oubli total et à avoir place publique dans le pays, les travaux d'historiens déjà publiés n'ont pas réussi à harmoniser les positions et contester la version officielle. Au sein de l'État français, la volonté de faire la lumière sur le massacre de Thiaroye rencontre encore de réelles résistances. Ce qui est sûr, c'est que la position officielle de l'État français connaitra un certain fléchissement.

FLECHISSEMENT DE L'ETAT FRANÇAIS

Lors de son premier voyage officiel en terre africaine, le 30 novembre 2014, le président de la République Française, François Hollande, qui avait promis de restituer les archives au Sénégal prononce un discours au cimetière de Thiaroye. Il utilise à nouveau l'expression de «répression sanglante», parle d'«événements tout simplement épouvantables, insupportables» et d'«affreuse tragédie».

Il déclare qu'il n'y a pas eu rébellion et que les tirs contre les tirailleurs n'étaient pas des tirs de riposte. Il reconnaît que le nombre exact des victimes des tirs reste méconnu, ainsi que le lieu exact des sépultures des tirailleurs tués. Son discours est salué comme un geste important. S'agissait-il de se défaire enfin d'un dossier difficile, de déclarer que la France s'est mise à jour, a «honoré sa dette», comme le dit le président français dans son discours, qu'elle a tourné une page obscure de son histoire.

Ces déclarations n'ont pas empêché qu'un peu plus tôt, en novembre 2014, se tienne au Sénégal un Colloque d'historiens, organisé à l'initiative de l'Ambassade de France à Dakar, colloque sur l'histoire des troupes africaines dans les deux guerres mondiales, et qui a totalement ignoré le massacre de «Thiaroye 44». En effet, au sein de l'État français, la volonté de faire la lumière sur le massacre de Thiaroye rencontre encore de réelles résistances.

Si la position officielle de l'État français s'infléchit, c'est parce que, précise l'historienne Françoise Croset, en France même, l'affaire de Thiaroye commence à sortir de l'oubli total. Les événements de Thiaroye commencent à avoir place publique en France. Le rapport sur la commémoration du 80e anniversaire de Thiaroye, commandé par le chef de l'Etat sénégalais, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, vient à son heure et permettra une avancée significative dans la recherche de la vérité et de reconnaissance.

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