Burkina Faso: Ferme agro-écologique polyvalente de Moundasso - Déplacés internes et population hôte vivent en famille

Aménagée en 2023 par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), à travers le Programme d'amélioration des moyens d'existence durable en milieu rural (PAMED), sur une superficie de deux hectares, la ferme agro-écologique polyvalente de Moundasso (Dédougou) est répartie en 132 parcelles. Elle dispose d'un forage et des équipements, faisant la fierté de 103 exploitants dont 29 personnes déplacées internes (PDI) et 74 personnes issues de la population hôte. Formés en techniques culturales durables, en fabrication de biofertilisants, biopesticides, les occupants des lieux tirent leur épingle du jeu.

Jeudi 27 juin 2024, il est 9h30 à la Ferme agro-écologique polyvalente (FAEP) située dans le quartier Moudasso de Dédougou. Le lieu grouille du monde. Personnes déplacés internes (PDI), populations hôtes, et des femmes venues pour acheter des légumes se côtoient.

Jérôme Nana, élève déplacé interne vient de finir d'arroser son jardin de 6 planches (rangées). Contraint de quitter Ziga, son village natal dans la commune de Sanaba, en octobre 2023 face à la menace terroriste, il se retrouve à Dédougou.

Dans le chef-lieu de la région de la Boucle du Mouhoun, deux défis se présentent à lui : se nourrir, mais aussi poursuivre ses études qui lui tiennent à coeur. Mais où trouver les moyens nécessaires à sa scolarité ? Il se retourne vers la ferme, par le biais des services de l'action humanitaire de la commune, il obtient une portion de terre pour exploiter. Par ailleurs, il s'inscrit en classe de 2nde dans le lycée de Douroula délocalisé à Dédougou. Très tôt le matin, avant de rejoindre les salles de classe, il vient arroser son jardin.

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Le soir, avant de retrouver ses cahiers pour ses révisions, il doit voir sa « propriété ». A la date du jour, il a déjà totalisé six récoltes, notamment des feuilles d'oseilles et de haricot, production à un cycle court qui permet au petit Jérôme d'avoir fréquemment de l'argent.

« Ici, je ne manque pas d'argent de poche. Je suis parvenu à payer ma scolarité moi-même », dit-il.

Il vient de valider son année avec une moyenne de 11/20. A la rentrée prochaine, il compte faire la classe de 1re, toujours grâce aux ressources de la FAEP. Le travail dans la ferme a révélé à Jérôme une vocation. Celle de faire des études sur l'agriculture, après l'obtention de son baccalauréat.

« Avant de commencer la production, nous avons été formés en production de compost, de biopesticides à base de feuilles d'arbres. Je maitrise actuellement toutes les bonnes pratiques culturales. En pépinière, j'ai acquis des connaissances », laisse-t-il entendre.

Tout comme lui, Salamata Dabiré s'est retrouvée à Dédougou avec son mari et ses quatre enfants en juin 2023. « J'ai quitté Oualo, mon village (commune de Tchériba) avec les larmes aux yeux.

On a tout abandonné là-bas », se souvient-elle. Une fois à Dédougou, il fallait trouver un logement. Ce problème résolu, place à la quête de la pitance quotidienne. « J'ai entendu parler de la ferme. Quand je suis venue, on m'a donné une superficie sur laquelle je produis moi-même mes légumes pour la cuisine. Une partie de mon rendement est commercialisée sur le marché. Cet argent permet de satisfaire les besoins de ma famille », confie-t-elle avec le visage illuminé

de joie.

La ferme agro-écologique polyvalente de Moundasso est également exploitée par les populations hôtes de Dédougou. Des femmes et des hommes, membres de coopératives agricoles et d'élevage, des représentants de propriétaires terriens y tirent leurs moyens de subsistance. Parmi ceux-là, Koudougou Illy s'illustre dans les pratiques culturales apprises. La production des oignons, des aubergines, du gombo, des feuilles d'oseilles n'a plus de secret pour elle.

« Avant la création de cette ferme, nous étions oisives pendant la saison sèche. Il fallait vendre une partie de nos récoltes de l'hivernage pour les petits besoins. Maintenant, je m'en sors autrement », révèle-t-elle. La vie en symbiose avec les PDI procure de la joie à Mme Illy.

Une ferme au bénéfice des populations hôtes

Même si son voeu le plus cher est que la paix revienne pour que ces personnes retrouvent leurs villages d'origine. « Avec ce que nous avons appris, même si les personnes déplacées repartent, elles pourront toutes s'en sortir si la volonté y est », indique-t-elle.

Et à Thérèse Zoubga d'appuyer : « Nous sommes devenus ici les membres d'une même famille. On ne sait pas qui est déplacé et qui est population hôte. Nous menons une vie paisible ici à tel point que tous les matins, chacun est pressé de rejoindre la ferme », confie-t-elle. Elle ajoute que certains occupants du site ont cédé volontairement leurs superficies à des PDI pour qu'elles puissent travailler et se nourrir.

« Nous nous donnons des idées pour avancer. Dans le souci de renforcer la coexistence pacifique, nous organisons souvent des repas communautaires », souligne Mme Zoubga. Elle qui n'avait pas d'occupation avant d'intégrer le site est, aujourd'hui, championne dans la production de tomate, d'oignon et autres légumes. Elle est fière de sa prouesse, car auparavant, elle n'a jamais eu l'occasion de pratiquer le jardinage. Bien formée, elle est prête à transmettre ses connaissances à d'autres personnes.

Uniquement des intrants organiques

La production dans la ferme agro-écologique se fait uniquement à base d'intrants organiques. Il est interdit d'utiliser des produits chimiques. Le compost, les biofertilisants et biopesticides, tout est fabriqué sur place par des hommes et femmes formés à cet effet. Sikapinda Zongo du Mouvement Paysan sans frontières, partenaire de mise en oeuvre du PAMED, veille au respect des principes. « Nous avons formé et sensibilisé les occupants de la ferme, sur l'importance de l'agro-écologie. Au départ, il y avait des résistances, mais aujourd'hui, tout le monde a compris la nécessité de produire sans produits chimiques », a-t-il rappelé.

Pour Issaka Ouédraogo, chef du département environnement et énergie au PNUD Burkina, le choix de l'agro-écologie se justifie par la volonté de son organisation de s'orienter vers la production durable qui est importante pour la santé des sols. « La terre reste la ressource première au niveau de la production au Burkina. Nous devons préserver cette ressource naturelle à travers des techniques de production adaptées pour satisfaire nos besoins présents, mais oeuvrer à ce que les générations futures puissent continuer à exploiter ces surfaces qui ne sont pas extensibles », souligne-t-il.

La satisfaction est grande au niveau du PNUD de constater ce qui se fait sur les lieux. « La ferme agro-écologique de Moundasso occupe une petite surface, mais les résultats sont probants », se réjouit M. Ouédraogo. Il a annoncé la réalisation de bassins piscicoles en vue d'avoir un système intégré de production agro-sylvo-pastorale qui puisse permettre à la population d'être plus résiliente face aux changements climatiques et à l'insécurité. Son souhait est que les bénéficiaires de ces différentes réalisations puissent prendre le relais et en faire leur propre joyau. « Comme dans tout projet, nous allons nous retirer à un moment donné », rappelle-t-il.

Au sein des autorités régionales, c'est une fierté de voir les résultats engrangés par le PAMED à travers la réalisation de cette ferme. La secrétaire générale de la région, Adjara Kientéga salue l'organisation des groupements, toute chose qui permet de renforcer le vivre-ensemble dans le site.

« Nous sommes satisfaits de ce joyau. D'où nos remerciements au PNUD et à tous les acteurs de mise en oeuvre », reconnait-elle, tout en appelant les bénéficiaires à mieux s'organiser pour prendre en charge les questions de sécurisation du site et à le pérenniser pour faire la fierté des investisseurs.

A l'image de celle de Moundasso, cinq autres FAEP communautaires ont été aménagées par le PAMED dans d'autres communes de la Boucle du Mouhoun et du Centre-Ouest. Plus de 1300 petits producteurs, composés de 60% de femmes, 20% de PDI, y disposent directement des périmètres d'exploitation. Et ce, après des renforcements de capacités sur les techniques et modes de production durables. Certains parmi eux ont répliqué le modèle des FAEP sur leurs propres sites, à l'image de la coopérative « Balonafa » à Sagala, dans la commune de Dédougou.

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