Les investigations ont été lancées à la suite d'un article qui fait état de plus de 900.000 euros dépensés en vêtements de luxe par le président tchadien.
Les investigations sur ces soupçons de biens mal acquis, confiées à l'Office central de répression de la grande délinquance financière, ont été lancées à la suite d'un article du site d'information Mediapart, en décembre 2023, qui faisait état de plus de 900.000 euros dépensés en vêtements de luxe par le président Mahamat Idriss Déby Itno, grâce à des versements reçus d'une société tchadienne, via une banque.
Pour Andréa Ngombe Malewa, fondateur du collectif Sassoufit, si les faits sont avérés, ils illustrent une pratique abusive et aussi une grande maladresse du nouveau président tchadien.
"Il a pêché par jeunesse dictatoriale en achetant des biens de luxe en France, là où ses confrères dans la dictature ont déjà déplacé leurs intérêts vers des endroits comme Dubaï, ou d'autres endroits en Asie, notamment Macao, Hong Kong ou encore la Chine continentale", insiste M. Ngombe.
Pour lui, "le président tchadien a des velléités d'aller vers Moscou et l'arme judiciaire est une manière de lui rappeler qu'il ne peut pas faire ce qu'il veut au Tchad."
Une situation qui a du mal à passer au Tchad
Max Kemkoye, président de l'UDP, l'Union des démocrates pour le développement et le progrès au Tchad, rappelle que cela fait plus de trois décennies que les abus de biens sociaux sont commis délibérément au Tchad, dans une totale impunité.
"Pour un pays où 6,5 millions ou sept millions de personnes vivent dans l'extrême pauvreté, où des femmes donnent la vie en mourant, où des dizaines de jeunes diplômés finissent chaque année sans avoir accès à l'emploi, dépenser autant d'argent pour des costumes est bel et bien un crime et le délinquant doit être poursuivi et sévèrement puni", fustige-t-il.
Cette affaire rappelle des affaires similaires de "biens mal acquis" avec le président congolais Denis Sassou-Nguesso, le président gabonais Ali Bongo, ou encore son homologue équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema.
Faiblesse des systèmes judiciaires
Pour Jimmy Kande, président du réseau de lutte contre la corruption Unis, cette révélation à propos du Tchad démontre que le système judiciaire en Afrique est encore très faible.
Dans la plupart des cas, souligne M. Kande, "on se retrouve avec des questions de biens mal acquis qui sont traités à l'étranger parce que les organes ou les systèmes qui existent en Afrique sont eux aussi impliqués dans des affaires de corruption. Cela nous emmène également à nous poser des questions sur la qualité des systèmes judiciaires dans nos pays pour essayer d'endiguer cette situation parce que, dans ce cas, nous parlons de faits qui ont déjà été consommés, des vêtements qui auraient déjà été achetés, mais comment est-ce que nos instances nationales peuvent prévenir ce genre d'actions ? Cela passe aussi par la volonté politique".
Selon Mediapart, "les versements ont été opérés depuis une mystérieuse société baptisée MHK Full Business, enregistrée à N'Djamena, et disposant d'un compte au sein de la Banque commerciale du Chari (BCC), un des huit établissements bancaires agréés au Tchad".
L'enquête pourrait être élargie au patrimoine immobilier que détient la famille Déby et son entourage en France, précise la presse hexagonale.