Sénégal: Pr Babacar Guèye - 'Nous voulons une décolonisation des symboles de la justice'

Dakar — Les réformes proposées dans le cadre des Assisses de la justice visent une décolonisation de la justice et de ses symboles dans le but de "les africaniser" davantage, a indiqué, jeudi, à Dakar, le professeur Babacar Guèye, facilitateur général de ces concertations nationales.

"Nous voulons décoloniser notre justice. Nous voulons décoloniser les symboles de notre justice pour les africaniser. Nous sommes même allés proposer que la Déesse égyptienne Maât soit le symbole de la justice, que le symbole de la justice ne soit plus Thémis", a-t-il dit.

Le Pr Guèye s'adressait à la presse lors de la cérémonie de remise du rapport final des Assisses sur "la réforme et la modernisation de la justice".

"Nous avons convoqué et évoqué les bases culturelles et anthropologiques de notre justice, notamment les imaginaires, les valeurs, les perceptions pour rapprocher les symboles et attributs de la justice du peuple", a-t-il signalé.

Il a rappelé que, pendant six jours, du 28 mai au 4 juin, les participants, dans leur diversité, ont mené des réflexions profondes au bout desquelles 30 recommandations ont été formulées.

Il s'est agi, selon lui, de réparer le service public de la justice, à savoir la question des obligations déontologiques des acteurs de la justice et l'identification des dysfonctionnements dans le système judiciaire.

Le Pr Babacar Guèye dit être persuadé que le président de la République engagera, "au nom du peuple, les actions qu'il faut en vue d'atteindre des résultats concrets et éloquents pour le triomphe de la primauté du droit".

Remise en cause de plusieurs aspects de la justice

Pour lui, ces concertations ont permis de remettre en cause plusieurs aspects de la justice sénégalaise et de faire "une radioscopie de ce pouvoir qui est au coeur de l'Etat moderne".

Il en ressort que les réflexions inclusives convergent vers deux constats majeurs : les dysfonctionnements du service public de la justice et l'inadéquation de l'institution judiciaire au substrat culturel, à l'évolution des technologies de l'information et de la communication.

D'après le facilitateur général, les assises ont proposé une réforme pour l'adoption de "textes déjà introduits dans la procédure législative, de réviser à travers de larges consultations des codes (code de la famille, code pénal, code de procédure pénale)".

Elles ont aussi préconisé l'amélioration des "différentes chaînes judiciaire, à savoir la justice pénale (mandat de dépôt, retour de parquet, longue détention provisoire, engorgement des prisons), la justice commerciale (célérité, moyens et dématérialisation), la justice administrative (décentralisation, procédure d'urgence)", a-t-il souligné.

Les assisses recommandent un recrutement massif pour une meilleure délivrance du service public de la justice et une réorganisation du Conseil supérieur de la magistrature pour garantir la transparence dans la gestion des carrières.

L'ouverture du barreau est également une des propositions fortement appuyées.

Ruptures systémiques au fonctionnement de la justice

Le Pr Guèye considère que la création de nouvelles institutions va apporter "des ruptures systémiques au fonctionnement de la justice".

"Au titre de celles-ci, s'inscrivent la création d'une Cour constitutionnelle, la mise en place d'une Haute autorité de justice qui devra permettre de créer des synergies entre les différents acteurs de la justice", a-t-il expliqué.

"L'instauration du juge des libertés et de la détention en vue de garantir le respect des droits des personnes arrêtées dans le cadre d'une procédure pénale" est aussi à placer dans ce cadre. "Ces changements pourront dessiner une nouvelle architecture de la justice", estime le professeur de droit constitutionnel à l'UCAD.

Les acteurs de ces assises ont évoqué l'impératif de la modernisation de la justice qui devra passer par des innovations essentielles, dont la dématérialisation, la digitalisation et la numérisation avec un recours adéquat à l'Intelligence artificielle pour rester dans l'ère du temps.

La création d'une direction de la communication et des relations publiques au ministère de la Justice a également été soulevée dans le but de rapprocher la justice des justiciables.

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