Amélia Lakrafi est députée sortante Renaissance (majorité présidentielle) dans la 10e circonscription (y compris Madagascar) des Français établis hors de France, qualifiée pour le 2e tour des élections législatives. Interview.
Midi-Madagasikara: Vous êtes la députée sortante de la circonscription no 10 des Français de l'étranger. Quel est votre bilan ?
Amélia Lakrafi : « Mon bilan est marqué par plusieurs avancées importantes. J'ai contribué à mettre en lumière la lutte contre les violences faites aux femmes à l'étranger, un sujet auparavant ignoré par nos gouvernements. Les crédits de l'aide sociale ont presque triplé en faveur des associations d'entraide et de bienfaisance pour mieux accompagner les compatriotes les plus fragiles. Nous avons consolidé le réseau des associations de bienfaisance via la FIBRE, la fédération que je préside.
De plus, nous avons soutenu les entrepreneurs français de l'étranger (EFE) en leur créant un statut dédié et facilité pour la simplification administrative ainsi que l'accès à la carte vitale. Mon équipe et moi avons répondu à plus de 3 000 sollicitations individuelles de Français de la circonscription. La coopération avec nos ambassades, consulats, et conseillers des Français de l'étranger a été essentielle pour ce travail, merci à eux. Ils sont essentiels et je ne les remercierai jamais assez ».
Vous avez fait un mandat et demi et connaissez bien la circonscription. Comment expliquez-vous le vote de l'extrême droite en Afrique ?
« Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène. Il peut s'agir d'un rejet de la classe politique, d'un vote protestataire, ou de l'influence de certains médias qui dépeignent une France en crise. Il y a également un phénomène de racisme alimenté par la peur de l'autre. On peut aussi penser à tort que le rassemblement national va ramener de l'ordre. Mais malheureusement, ils ne sont pas en ligne avec leurs votes, ils ont voté contre l'augmentation du budget de la police, ce qui est un non-sens incompréhensible. Les raisons varient autant que les individus ».
Et qu'est-ce qui explique ce vote en métropole ?
« En métropole également, le rejet de la classe politique a profité au RN. Ce, malgré les améliorations notables comme la baisse du chômage, les préoccupations relatives au pouvoir d'achat liées notamment à la guerre en Ukraine et à l'insécurité. L'inflation a aussi eu un impact significatif, même si elle est plus faible en France que partout ailleurs en Europe. Les partis et médias exacerbent ces sentiments. Les stratégies de perturbations très fortes à l'Assemblée par LFI ont également nui à l'image de la classe politique et renforcé le RN qui, obéissant à la lettre aux consignes de Marine Le Pen, ont montré une image de discipline qui dénotait totalement de la NUPES. Il est crucial de rappeler que l'État a mobilisé sa puissance budgétaire pour maintenir une faible inflation, une forte croissance de l'emploi et un niveau de pauvreté très bas, comme le souligne Oxford Economics ».
Ne pensez-vous pas que le gouvernement sortant a contribué à cette montée en normalisant le RN avec des propositions issues de leurs idéologies dans la loi sur l'immigration qui avait été proposée ?
« J'ai voté contre ce texte et je ne me sens pas coupable, les députés de la majorité ne sont pas des « béni-oui-oui », on peut être loyal et libre. Ce texte visait à répondre aux préoccupations des Français, mais le Sénat l'a transformé, ajoutant des dispositions anticonstitutionnelles. Le Président a soumis le texte au Conseil constitutionnel, qui a retiré ces ajouts. La sécurité et le contrôle des frontières ne sont pas des sujets exclusifs à l'extrême droite. Aujourd'hui, nous voyons des attaques contre les binationaux et des slogans de préférence nationale, ce qui est honteux. Il est important de se mobiliser contre ces extrêmes avec un front résolument républicain et humaniste. »
Plusieurs pays de la circonscription no 10 sont en proie aux crises humanitaires. Avez-vous un plan pour le soutien des Français de ces pays ?
« La France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, soutient les pays en crise. Nous avons mobilisé des moyens significatifs pour le Liban, le Yémen, la RDC, et Gaza. J'ai appelé à un cessez-le-feu dès le 18 octobre à Gaza et participé à des initiatives humanitaires. En tant que députée, je me concentre sur l'assistance aux Français résidant dans ces pays, en collaboration avec nos ambassades et le centre de crise du ministère des Affaires étrangères. La France lutte également contre les crises humanitaires par son aide au développement via l'AFD. J'ai proposé l'initiative « Parlementaires pour la Paix » pour promouvoir la paix au Moyen-Orient et en Afrique. »
Quel est votre programme en cas d'une troisième élection ?
« Mon programme, détaillé et communiqué à tous, vise à continuer les travaux engagés en faveur des femmes, des entrepreneurs français, et des compatriotes les plus fragiles. J'entends également continuer à améliorer l'accès à l'éducation de qualité et à la sécurité sociale accessible. Je veux rester une députée de terrain, proche des Français et concrète dans mes actions, et non dans l'idéologie ou les promesses non tenues. Nos compatriotes méritent une représentante engagée, à leur écoute et qui connaît bien le terrain, notamment Madagascar que je sillonne chaque année, de Tananarive à Majunga et sans oublier Tamatave ».