Ile Maurice: Verdict implacable contre le ministère de l'Environnement, Éco-Sud triomphe

Dans un jugement de 28 pages rendu hier, les Law Lords ont rejeté l'appel du ministère de l'Environnement contestant l'ordre de la Cour suprême à l'Environment and Land Use Tribunal d'accepter Eco-Sud comme partie contestante.

L'ONG Eco-Sud avait porté devant l'Environment and Land Use Tribunal (ELUAT) son opposition à l'Environmental Impact Assessment (EIA) du ministère de l'Environnement accordé au projet Pointe-d'Esny Lakeside Company Limited. Cependant, l'ELUAT a rejeté son argument que l'ONG n'avait pas de locus standi pour contester ce projet. Les Law lords ont conclu que les objections d'Eco-Sud ne sont ni triviales, ni frivoles, ni vexatoires et que la Cour suprême a eu raison de conclure que le préjudice ne doit pas être limité aux intérêts économiques ou privés, mais peut inclure les intérêts environnementaux. Le Privy Council a ainsi été très critique envers le ministère de l'Environnement.

Les Law Lords ont aussi exprimé leur inquiétude sur la poursuite des travaux de construction du développement malgré la possibilité que l'ELUAT après un réexamen de l'affaire décide qu'Eco-Sud a la légitimité pour agir et que la décision du ministre d'approuver la délivrance d'une licence EIA doit être annulée. L'environnement, ont-ils souligné, est d'importance vitale pour chaque Mauricien. «L'article 2 de l'Environnement Protection ACT de 2002, qui stipule que chaque Mauricien doit faire de son mieux pour prendre soin de l'environnement naturel de manière responsable, s'applique à toutes les parties dans cet appel. Cette obligation de soin responsable inclut le respect des garanties procédurales de la législation.»

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Le développement des travaux malgré les procédures en cours, soulignent-ils, pourrait saper la décision du Tribunal, ce qui équivaut à un manquement à cette obligation. De plus, il est essentiel que le public ait confiance dans les sauvegardes environnementales prévues par le législateur. Poursuivre ces travaux compromet donc cette confiance. Les Law Lords font ressortir que si l'appel devant le Tribunal aboutit et que la licence EIA est annulée, le promoteur pourrait être contraint de remettre le terrain dans son état original.

L'ELUAT avait conclu que l'ONG n'avait pas démontré d'intérêt direct à protéger l'environnement susceptible d'être affecté par ce projet immobilier. Eco-Sud a porté l'affaire en Cour suprême pour contester cette décision, qui, s'appuyant sur le précédent Baumann et l'amendement apporté à l'Environnemental Protection Agency en 2020, avait restreint la possibilité d'individus ou groupes de contester des «développements».

Le 18 juillet 2023, la Cour suprême a marqué l'histoire en rendant un jugement historique contre le ministère de l'Environnement. Ce jugement assouplit les critères pour toute personne ou ONG souhaitant saisir l'ELUAT d'une demande d'annulation d'un permis EIA du ministère de l'Environnement, même en l'absence de preuve que le projet contesté leur porte directement préjudice.

Les Law Lords concluent qu'Eco-Sud a une longue histoire d'activités liées à la préservation des zones humides et est directement impliquée dans des activités et projets touchant les zones concernées par ledit projet de développement. Cela souligne son intérêt direct et son expertise dans cette affaire. «Eco-Sud a manifesté une préoccupation sincère pour les questions environnementales et possède des connaissances suffisantes pour agir dans l'intérêt général. Des qualités mises en avant par les considérations de la Cour suprême», soulignent-ils. Ses objections ne sont donc «ni triviales, ni frivoles, ni vexatoires et sont soutenues par une expertise considérable et un rapport d'expert».

L'appel du ministère de l'Environnement avait été entendu le 5 mars par les Law Lords Hodge, Leggatt, Burrows, Stephen et Lady Rose. Le ministère était représenté par Alain Choo-Choy KC, Me Annabelle Misha Odile Ombrasine, du State Law Office et le cabinet juridique RWK Goodman LLP à Londres.

Me Sanjay Bhuckory, SC, Avocat d'Eco-Sud: «Un jugement historique et un précédent en matière environnementale»

«C'est un jugement historique, qui constitue un précédent en matière environnementale, non seulement pour Maurice, mais aussi pour le monde entier. Je tiens à faire ressortir que ce succès est le fruit d'un travail d'équipe : un grand merci à mes confrères, Stephen Tromans KC et Anne Sophie Julienne, qui ont brillamment plaidé l'affaire, ainsi que Peter Lockley, Sanjana Bhuckory, et notre avoué Francis Hardy. Le point déterminant de ce jugement du Conseil privé, qui vient confirmer le jugement des juges mauriciens Mmes Lauloo et Naidoo, est que dorénavant il n'est plus nécessaire pour une organisation telle qu'Eco-Sud, qui milite pour l'environnement, de prouver que ses intérêts financiers ou économiques sont affectés par un projet quelconque - il leur suffit désormais de démontrer que leurs intérêts, dans le sens le plus large, en tant que défenseurs légitimes de l'environnement avec un 'proven track record', ont été lésés.»

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