Pour la troisième semaine consécutive, des manifestants ont envahi les rues des villes du pays. Les autorités dénoncent l'infiltration du mouvement par des "criminels".
Les manifestations de mardi dernier, annoncées comme pacifiques, ont très vite dégénéré en affrontements entre les jeunes et les forces de l'ordre. Très tôt, l'odeur des gaz lacrymogènes s'est répandue dans les villes de Mombasa, Kisumu et dans la capitale Nairobi.
Des voitures ont été brûlées, des feux allumés au milieu des routeset dans la capitale, des batailles de rue entre manifestants et policiers ont démarré avant midi.
L'ambiance choque, comparée aux débuts bon enfant, animés principalement par des GenZ, pour Génération Z, des jeunes gens nés après 1997 et qui s'étaient organisés sur les réseaux sociaux.
Herman Manyora, professeur à l'université de Nairobi, estime que les manifestations sont débordées par des "casseurs".
"Je pense qu'il est sans risque d'affirmer que le visage des manifestations a changé. (Au début, il y avait) de jeunes Kényans, majoritairement bien éduqués, qui se mobilisaient pour le changement et maintenant, on peut voir d'autres éléments à l'intérieur des manifestations. Ils sortent peut-être pour profiter de la situation", avance Herman Manyora.
"Ce sont des gens plus âgés, moins raffinés. Et peut-être, à cause de ça, les manifestations ont été violentes. Il y a du pillage et des actes de vandalisme, les gens sont harcelés et volés par ces hooligans".
Des criminels infiltrés
Mardi soir, la Direction des enquêtes criminelles a déclaré avoir arrêté 270 personnes à travers le pays, suspectées de se livrer à des activités criminelles sous couvert de la mobilisation.
Les commerçants des centres villes se sont parfois organisés pour embaucher des gardes de sécurité et protéger leurs commerces. Dans les rues, des manifestants armés de pierres et de machettes ont affronté les policiers et au moins une personne a été blessée par balle ce mardi.
Pour Njoki Wamai, professeure assistante à l'Université internationale des Etats-Unis Afrique, à Nairobi, l'infiltration est évidente :
"Cette semaine, il est très clair, d'après les informations des réseaux sociaux et des médias traditionnels, qu'il y a eu une infiltration des jeunes manifestants non-armés par des personnes qui veulent perturber. Les gens les appellent hommes de main", raconte cette doctorante.
"Et même s'il y a toujours des GenZ qui sont juste des jeunes manifestants innocents, et des Millénials aussi, cette semaine, il y a eu ces hommes de main, dont des rapports présument que beaucoup d'entre eux sont financés par différents politiciens, à cause de la division qui semble se dessiner dans la classe politique au pouvoir."
La population mécontente de Ruto
Mais les violences avaient débuté dès le début de ce mouvement. Le 25 juin dernier notamment, des manifestants avait pris d'assaut le Parlement et la police avait alors tiré à balles réelles sur la foule.
Au moins 39 personnes sont mortes, selon la Commission nationale des droits de l'homme du Kenya.
Mardi, les manifestants ont déambulé symboliquement avec des cercueils à Nairobi et à Nyeri, un message d'appel à la responsabilité du gouvernement.
"La revendication était : rejeter la loi de finances. Quand le projet a été retiré, la semaine passée, les militaires se sont déployés dans les rues et se sont mobilisés dans tout le pays, mais la colère est toujours là. Donc nous demandons des comptes pour les vies qui sont perdues et nous disons : Ruto doit partir. Nous voulons un pays qui fonctionne pour le peuple, tout simplement", estime Angela Chukunzira, une militante de la librairie Ukombozi à Nairobi.
Par deux fois, le président William Ruto a offert, le week-end dernier, d'entamer des discussions avec le mouvement, non-structuré et sans leader politique. Mais les jeunes ont dit non et la confiance semble rompue.
Ceux-ci protestent toujours contre la corruption, la pression fiscale et demandent que la priorité soit accordée au peuple dans les dépenses nationales. Le conflit social reste sans issue pour le moment.