La crise sécuritaire que traverse le Burkina Faso impacte négativement la cohésion sociale et le vivre-ensemble des Burkinabè. Dans une interview accordée à Sidwaya, le « ministre de la jeunesse » au palais du royaume du Yatenga, le Rassam Naaba Yemdé, revient sur la question, mais aussi les manifestations du 29 janvier dernier qui ont entrainé le saccage d'une partie du palais. Sur la question sécuritaire, il apporte tout son soutien aux autorités de la Transition et aux Forces combattantes.
Sidwaya (S) : Le Burkina Faso vit, depuis plusieurs années, une crise sécuritaire qui menace aujourd'hui la cohésion sociale et le vivre-ensemble. Quel est votre regard sur cette situation ?
Rassam Naaba Yemdé (R.N.Y.) : Effectivement, notre pays, le Burkina Faso, traverse une crise sécuritaire due à la menace de groupes armés terroristes. Cette crise sécuritaire a engendré une crise humanitaire et sociale avec des conséquences désastreuses qu'on observe tous les jours.
S : Quel peut être l'apport des leaders coutumiers pour le retour de la paix au Burkina Faso ?
R.N.Y. : En tant que leaders coutumiers, nous devons tout faire pour préserver la paix léguée par nos ancêtres. Nous devons mener des campagnes de sensibilisation sur la promotion de la cohésion sociale et le vivre-ensemble. C'est notre devoir de le faire. Et pour cela, j'invite tous les leaders coutumiers de la région du Nord et du Burkina Faso à s'y impliquer davantage. Chaque acteur de la société peut d'une manière ou d'une autre contribuer à l'édification de la Nation.
S : Les autorités de la Transition, conduite par le capitaine Ibrahim Traoré, multiplient les actions à travers la réorganisation de l'armée, le recrutement des VDP, la formation et l'équipement, en vue de la reconquête du territoire national. Comment trouvez-vous cela ?
R.N.Y. : Je vous assure que l'engagement actuel des autorités de la Transition et l'ensemble des Forces combattantes est à féliciter. Le chef de l'Etat, le capitaine Ibrahim Traoré, avec son équipe se battent réellement pour l'indépendance du Burkina Faso à tous les niveaux. Je les encourage à continuer dans ce sens.
S : Quelle appréciation faites-vous de l'évolution de la situation sécuritaire dans la région du Nord ?
R.N.Y. : Franchement dit, ces derniers temps, on peut dire qu'il y a une amélioration de la situation sécuritaire dans la région. Il y a eu des moments où les groupes armés nous harcelaient à quelques kilomètres de la ville de Ouahigouya. A l'heure actuelle, nous sentons qu'un travail impeccable se fait. Si cela continue ainsi, nous sommes convaincus que la paix reviendra et d'ici là, beaucoup de villages repartiront.
S : Aujourd'hui, nous assistons à la diffusion de messages de haine en grande partie par les jeunes sur les réseaux sociaux, qui menace le vivre-ensemble. En tant que « ministre de la jeunesse », comment appréciez-vous cela ?
R.N.Y. : C'est une situation que nous déplorons beaucoup. Avec les réseaux sociaux, nous observons des messages de haine, des injures de toutes natures envers les autorités et même envers nous, leaders coutumiers. Ce sont des actes qui ne favorisent pas le vivre-ensemble entre les fils et filles du Burkina. Nous invitons les populations à ne pas se tromper d'ennemi car, notre ennemi commun c'est le terrorisme. Nous devons garder toujours les liens sociaux parce que c'est en restant unis, main dans la main, que nous allons bouter le terrorisme hors de nos frontières.
S : Le 29 janvier dernier, une manifestation a dégénéré à Ouahigouya, entrainant des saccages dont la cour de Naaba Kiiba, roi du Yatenga. Comment avez-vous accueilli cela ?
R.N.Y. : Les leaders coutumiers que nous sommes, avons accueilli ce qui est arrivé avec beaucoup de déception. La manifestation du 29 janvier 2024 restera à jamais graver dans la mémoire des fils et filles de la région. Nous regrettons vraiment ce qui s'est passé mais c'est quelque chose qui est déjà faite. Nous avons pris note et nous demandons une fois de plus à la jeunesse de ne pas se tromper d'ennemi.
S : Les meneurs des manifestants ont été jugés et condamnés à des peines avec sursis de 24 à 36 mois, des amendes et des relaxes au bénéfice du doute. Selon vous, la justice a-t-elle été rendue ?
R.N.Y. : Oui. Au regard de tout ce qui a été dit, la justice a été vraiment rendue. Après la manifestation, les enfants sont revenus nous demander pardon. Ils ont clairement avoué qu'ils regrettent ce qui s'est passé. Il s'agit de nos enfants. Si un enfant commet une erreur et après il reconnait sa faute, pourquoi ne pas lui pardonner ? Les condamnations avec sursis sont des avertissements. On vous pardonne cette fois-ci, mais si vous recommencez, on vous punira sévèrement. Le pardon nous permet d'oublier ce qui s'est passé et mieux organiser le futur. Je salue vraiment cette décision.
S : Sur cette même question, Naaba Kiiba a refusé toute sorte de dédommagement. Pourquoi une telle décision ?
R.N.Y. : Le roi a estimé que c'est lui et ses enfants. Et comme les enfants ont reconnu leurs erreurs, pourquoi lui, en tant que grand père ou père, va refuser le pardon ? Demander un dédommagement signifierait un refus de leur pardonner. Ce que nous voulons, c'est que ces genres de situations n'arrivent plus.
S : Quel message avez-vous à l'endroit des autorités de la Transition qui se battent jour et nuit pour le retour de la paix ?
R.N.Y. : Je formule mes voeux de succès à l'équipe de la Transition, conduite par le capitaine Ibrahim Traoré. Les FDS et VDP qui se battent jour et nuit au front pour que nous puissions dormir en ville, que Dieu les protège. Je profite pour rassurer les autorités de la Transition qu'elles ont le soutien total et sans faille de nous, leaders coutumiers de la région du Nord. Les autorités ont demandé à chaque Burkinabè de faire preuve de patriotisme en contribuant à l'effort de paix et nous en tant que leaders coutumiers n'hésiteront pas un seul instant à mettre la main dans la poche pour sauver la mère patrie.
S : Quel est votre message à l'endroit de la population de la région du Nord, surtout la jeunesse ?
R.N.Y. : Mon message à la population est de leur rappeler une chose. Le Burkina Faso nous appartient à tous. Nous n'avons qu'une seule Nation. Et quand l'existence même de cette Nation est menacée, il faut l'union sacrée de tous ses fils et filles. Pour cela, j'invite tous les Burkinabè épris de paix, à taire leurs divergences et à accompagner honnêtement les autorités de la Transition et les Forces combattantes pour la libération totale du pays du joug de l'ennemi.
La terre sur laquelle nous vivons nous est transmise par nos ancêtres et nous devons aussi la transmettre entièrement à notre descendance. C'est notre devoir. Travaillons tous à ce que la paix revienne car sans elle, rien n'est possible. Que les mânes de nos ancêtres protègent notre pays et que la paix revienne au Burkina Faso.