Ile Maurice: Camions surchargés, habitants dans la mélasse, mesures bagasse

En cette période de coupe - elle a démarré le 24 juin - de nombreux camions surchargés de cannes sont aperçus, causant divers inconvénients sur les routes. Plus dangereux encore, les tiges entassées heurtent parfois les fils électriques, sans parler des accidents que cela peut provoquer.

À 8 h 40 lundi, alors que nous préparions une tasse de café avant de nous occuper d'un travail en ligne à notre domicile, dans l'est du pays, nous avons entendu un fort bruit de collision. Un camion surchargé de cannes avait endommagé les câbles électriques. Le chauffeur ne s'est même pas rendu compte de ce qui s'était passé et a continué sa route, nous laissant juste le temps de prendre des photos de sa plaque d'immatriculation.

À l'extérieur, la scène était quasi chaotique sous la pluie. Deux câbles électriques de haute tension provenant de deux poteaux différents, l'un fournissant l'électricité à notre maison et l'autre à celle de notre voisin, étaient endommagés et gisaient sur les trottoirs près d'un arrêt d'autobus abritant des gens.

Quelques cannes à sucre étaient tombées au sol, non loin d'une file d'automobilistes qui klaxonnaient. Une partie de notre tôle profilée recouvrant notre garage situé près de la route principale a été légèrement endommagée par l'impact.

Nous nous sommes immédiatement rendus au poste de police de la localité pour porter plainte. Les officiers ont noté les détails, nous ont raccompagnés à la maison pour évaluer les dégâts matériels et le danger pour le public. «C'est quelque chose que l'on voit à chaque période de coupe. Pourtant, avant le début de celle-ci, nous menons toujours des campagnes de sensibilisation et informons les chauffeurs de la nécessité de respecter les règles», déclare un policier avant de partir à la recherche du chauffeur.

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Pendant ce temps, des ingénieurs de deux équipes du Central Electricity Board (CEB) sont arrivés sur les lieux et, malgré les averses, ont réparé l'un des câbles et remplacé entièrement l'autre, en augmentant également sa hauteur pour éviter qu'un tel problème ne se reproduise. En deux heures, l'électricité a été rétablie. Notre câble téléphonique n'a pas non plus été épargné, et une équipe d'urgence de Mauritius Telecom a été envoyée pour réparer les dégâts.

Les policiers sont revenus, ramenant le chauffeur qui a affirmé qu'en raison de son camion surchargé et du bruit du moteur, il n'avait même pas vu et entendu ce qui s'était passé. Il a également assuré avoir parlé au propriétaire du champ de cannes, qui a accepté de payer pour les dommages causés. Nous en avons profité pour rappeler au chauffeur qu'il ne s'agissait pas seulement d'une question d'argent mais aussi des conséquences potentielles de ses actes - ou plutôt de son imprudence délibérée - telles que l'électrocution par les câbles endommagés s'ils avaient heurté le pare-brise d'une voiture ou étaient tombés sur des passants, la mort d'autres automobilistes si la canne à sucre était tombée du camion sur leur véhicule, ou la perte de sa propre vie si son poids lourd s'était renversé. Les officiers l'ont alors emmené et ont poursuivi leur travail dans le cadre de notre plainte.

Cet incident est l'un des nombreux de ce type. B.A., la soixantaine, témoigne : «En 2021, un camion surchargé est entré en collision avec une branche du manguier de mon jardin pendant la journée. L'impact a été si violent que la fenêtre de la maison a tremblé car une partie de l'arbre est tombée dans la cour et sur la terrasse. Heureusement, personne ne se trouvait à l'extérieur à ce moment-là. La direction de l'entreprise a envoyé une équipe pour nettoyer la cour et désobstruer la route, mais les conséquences auraient pu être graves.» On se souvient aussi qu'en 2011, un camion avec un chargement de cannes s'est renversé alors qu'il tentait de négocier le rond-point de Highlands. Cet accident avait fait deux blessés.

Primes

Un retraité ayant plus de 40 ans d'expérience dans l'industrie sucrière, explique qu'avant la période de coupe, des réunions de sensibilisation sont généralement organisées. Les chauffeurs et autres membres du personnel sont alors informés de la nécessité de prendre des précautions, de respecter les normes et de prendre en compte la sécurité du public. Mais le problème persiste. «Cela est dû à des complexités à différents niveaux», explique-t-il. «Il existe deux types de chauffeurs : ceux qui sont employés à plein temps par les compagnies sucrières, et les 'camions-taxi', c'est-à-dire les chauffeurs de camions privés sous-contractés par les propriétaires de champs de canne pendant cette période.»

Dans le cas des chauffeurs employés par les compagnies sucrières, «alors que certains employeurs leur paient des heures supplémentaires, d'autres leur offrent des primes pour les encourager à travailler efficacement. La prime est offerte par tonne de canne à sucre transportée jusqu'à l'usine. Le problème se pose lors du chargement. Si, par exemple, le camion a une capacité de charge autorisée de 13 tonnes, les chauffeurs sont tentés de prendre le risque de surcharger le camion de deux tonnes supplémentaires, en transportant 15 tonnes à la place. De cette manière, ils peuvent transporter 10 tonnes supplémentaires en cinq trajets et gagner plus en termes de primes. Cela devient un problème de sécurité pour les usagers de la route».

N'y a-t-il pas de contrôle lors du chargement de la canne à sucre dans les camions sur le champ ? «Dans certains cas, cela se produit au vu et au su des employeurs eux-mêmes», affirme-t-il.

Notre interlocuteur affirme par ailleurs que les employeurs donnent souvent aux chauffeurs une ceinture pour sécuriser le chargement. Cela n'a aucune raison d'être si l'employeur est convaincu que le chauffeur ne transportera pas une charge supérieure à celle autorisée, fait-il valoir. D'ajouter que le fait même de donner des ceintures implique qu'il y a une permission de surcharger le camion, car la ceinture ne sera utile que si elle sécurise une charge qui dépasse la hauteur de la remorque.

«Dans d'autres cas, nous avons constaté que certains employeurs enregistrent les camions comme ayant une capacité de charge de 13 tonnes, alors que la remorque est suffisamment haute pour supporter une charge de 15 tonnes. Cela permet aux employeurs de payer au chauffeur un salaire équivalent à celui d'un chauffeur de grade inférieur au lieu d'un chauffeur de grade 1, tout en garantissant la livraison d'un plus grand nombre de tonnes de canne à sucre, ce qui implique des opérations et des profits plus rapides. En cas d'accident de la route, la responsabilité principale et ultime incombe au chauffeur, qui est tenté de prendre des risques afin d'obtenir davantage de primes. C'est un cercle vicieux.»

Dans le cas des chauffeurs de camions-taxi, les propriétaires des champs leur paient souvent un montant fixe par trajet effectué.

«Les frais de carburant doivent être amortis, c'est pourquoi on constate que plusieurs chauffeurs accélèrent sur la route malgré la surcharge de la remorque. Plus le nombre de trajets effectués est élevé, plus ils gagnent d'argent pour la journée. D'après mon expérience, de multiples cas se sont produits lorsque, ce faisant, des câbles téléphoniques ont été endommagés, ou que le camion s'est renversé à un rond-point, et que des cannes ont brisé le pare-brise de voitures. Dans de tels cas, l'employeur s'arrange souvent avec la personne concernée pour payer les dommages, ou bien ils règlent le problème à l'amiable.»

Du côté du CEB, on explique que les plaintes concernant les camions de canne à sucre surchargés qui endommagent les câbles électriques sont rares mais existent néanmoins. En 2023, le CEB a enregistré cinq plaintes de ce type, avec quatre câbles endommagés. Ces incidents sont survenus dans les régions de Congomah, Les Mariannes, Montagne-Longue et Bramsthan.

Le CEB souligne que les équipes sont prêtes à gérer efficacement de telles situations et que ces cas sont traités en priorité. Nous avons également sollicité la cellule de communication de la police pour obtenir plus d'informations sur les campagnes de sensibilisation menées durant cette période et sur le nombre de contraventions à ce sujet. À l'heure où nous mettions sous presse, nous attendions toujours des réponses.

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