Ile Maurice: Examens du barreau - «De nombreux lecturers manquent de compétences pédagogiques»

interview

Les examens du barreau à Maurice sont régulièrement critiqués pour leur organisation et la préparation des candidats. Résultat : les taux de réussite restent faibles. Le rapport annuel des examinateurs, publié récemment, met une nouvelle fois en exergue des lacunes en ce qui concerne la maîtrise des langues et des compétences pratiques, tandis que les candidats montrent du doigt des difficultés organisationnelles et pédagogiques.

Pour Rajen Narsinghen, ancien responsable de la faculté de droit à l'université de Maurice et chercheur associé, les étudiants brillants échouent en raison d'un système biaisé et d'un manque de préparation pratique.

Quel constat faites-vous du rapport des examinateurs ?

Ces rapports contiennent chaque année les mêmes remarques. Il est essentiel de canaliser les étudiants en fonction de leur formation : ceux ayant étudié en France devraient se concentrer sur le droit civil, tandis que ceux venant d'Angleterre devraient s'orienter vers les procédures pénales ou le common law. Selon l'institution où les étudiants ont effectué leurs études, il faudrait mettre en place un système de streaming avant de les inscrire aux cours du barreau.

De plus, on déplore à chaque fois l'absence de maîtrise des langues, mais il n'y a aucun test qui est fait à ce niveau avant que les candidats s'inscrivent aux cours. Un screening initial permettrait de repérer ceux qui ont des faiblesses linguistiques et de leur proposer un cours complémentaire pour améliorer leurs compétences.

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Les étudiants, eux, évoquent de nombreuses difficultés organisationnelles durant les cours...

Au lieu de blâmer les candidats, il faudrait reconnaître que de nombreux lecturers manquent de compétences pédagogiques. L'université de Maurice organise les cours, mais elle ne les dispense pas directement. De nombreux lecturers ne sont pas réellement impliqués dans l'enseignement. Un bon praticien n'est pas nécessairement un bon pédagogue. Le rapport semble biaisé, et on ne peut pas faire porter tout le blâme aux candidats. J'ai eu des élèves qui ont obtenu un First Class Honours pour leur LLB. Comment expliquer que ces étudiants brillants échouent deux fois aux examens du barreau et n'obtiennent pas le minimum requis ? C'est inacceptable et cela montre qu'il y a un problème.

Qu'en est- il du niveau des questions ?

Il y a des candidats qui ont des lacunes certes, mais le benchmark reste toujours trop élevé. En Angleterre, le taux de réussite est de 40 %, tandis qu'à Maurice, il est de 10 %. Vous trouvez cela logique ? Cela démontre qu'il y a un problème à Maurice. De plus, des pays comme Singapour sélectionnent les universités dont sont issus les étudiants. Toutes les universités ne sont pas reconnues. Ce n'est pas parce qu'il y a plus de 1 200 avocats à Maurice qu'il ne faut pas en former davantage.

D'accord mais pourquoi ces candidats ont-ils autant de difficultés à maîtriser les langues ?

Il y a des candidats avec de très bons résultats académiques mais qui n'ont pas le niveau requis en langues. Nous avons des étudiants ayant fait des études en sciences qui se tournent ensuite vers le droit. Malgré les critiques annuelles des examinateurs sur les lacunes en langues, il n'y a aucun module linguistique dans ce cours. Un test dès le départ, je le répète, aurait pu éviter ces échecs. Il y a un autre problème : souvent, les cours sont annulés à la dernière minute et le syllabus n'est pas complété à temps.

Les étudiants se retrouvent à courir contre la montre les dernières semaines avant les examens pour couvrir tout le programme. On déplore également l'absence de publications et de manuels pour ces candidats, contrairement à d'autres pays qui en disposent pour chaque module. J'ai attiré l'attention du Council for Vocational and Legal Studies sur cela depuis longtemps, mais rien n'a été fait. Les candidats se basent sur les notes de cours et effectuent leurs propres recherches.

Le rapport fait aussi état du manque de maîtrise du «court environment» ?

Il y a effectivement un manque de dimension pratique car les questions d'examens sont très théoriques et structurées. Même les lecturers ne sont pas clairs dans leurs instructions. Ces étudiants devraient être plutôt attachés à des chambers pour compléter leur bar vocational course, au lieu de rester dans des salles de classe à apprendre des notes par coeur.

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