Burkina Faso: Dr Hamidou Zangré - « Dans la lutte contre la rage, la prévention joue un rôle crucial »

interview

Dans un communiqué, la délégation spéciale de la commune de Ouagadougou a déclaré que le secteur 9 de l'arrondissement 2 de la capitale est infecté de rage. Pour comprendre la maladie, Sidwaya a rencontré, Dr Hamidou Zangré, vétérinaire, spécialiste de la surveillance épidémiologique de la faune sauvage, membre de l'association Rabies Free Burkina Faso depuis sa création en septembre 2020.

Sidwaya (S) : Qu'est-ce que la rage canine ?

Hamidou Zangré (H.Z.) : La rage est une maladie virale qui affecte les mammifères tels que les chiens, les chats, les singes, les ruminants, entre autres. Quant à la rage canine, elle désigne spécifiquement la manifestation de la rage chez l'espèce canine, c'est-à-dire chez le chien. Par ailleurs, la rage canine est la cause de la rage humaine dans plus de 95% des cas.

S : Comment se transmet la rage à l'homme ?

H.Z. : L'animale enragé peut transmettre la rage aux humains par la morsure, la griffure ou le léchage. Il est à souligner que la contamination par morsure de chien représente la majorité des cas observés. Quant à la contamination par voie transcutanée, elle survient uniquement lorsque l'animal enragé lèche une peau lésée.

S : Peut-on traiter la maladie ?

H.Z. : La rage est une maladie totalement létale en raison de son caractère incurable dès son apparition. Autrement dit, il n'existe aucun traitement curatif pour la rage. Toutefois, lorsqu'une personne est exposée, la mise en place de la prophylaxie post-exposition, comprenant l'administration du vaccin antirabique, permet d'éviter la contamination et donc de sauver la vie.

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S : Quels sont les symptômes de la rage ?

H.Z. : Il faut noter que selon la manifestation de la rage, on distingue 2 types de rage à savoir, la rage furieuse et la rage silencieuse. Les symptômes sont fonction du type de rage. En tous les cas, on observe un changement de comportement qui peut se traduire par une agressivité subite ou une paralysie. Il est donc nécessaire de faire recours aux agents de santé animale afin de poser un diagnostic en cas de toute suspicion. Face à tout comportement inhabituel de votre chien ou autre animal autour de vous, il faut toujours faire recours aux professionnels de la santé animale.

S : Quels sont les symptômes de la rage humaine

H.Z. : Il en est de même chez l'homme. Ce qui est sûr, tout cas confirmé de rage est toujours inévitablement mortel. C'est pourquoi, face à tout processus pathologique, je recommande de faire recours aux centres de santé pour un diagnostic et éventuellement une prise en charge adéquate.

S : Quelle est la durée d'incubation de la rage chez l'homme ?

H.Z. : L'incubation de la rage est très variable et dépend de plusieurs facteurs : l'emplacement de la morsure, la gravité de la morsure et de la quantité de virus dans la salive de l'animal enragé. Elle se situe généralement entre 2 semaines à 1 mois, bien que des cas avec une période d'incubation allant de 10 jours à 1 an ont été également rapportés. Ainsi, compte tenu de cette complexité, il est impératif de recourir aux services de santé après toute exposition potentielle.

S : Que faire si votre animal semble avoir la rage ?

H.Z. : La suspicion de rage survient dans deux situations distinctes. Dans le premier scénario, l'animal présente des signes comportementaux évocateurs de rage sans avoir mordu ou griffé une personne. Si l'animal est contrôlable et n'a pas été abattu, il doit être conduit chez un vétérinaire pour une observation afin de déterminer son état pour orienter la prise en charge des personnes exposées.

Cette mise en observation est très cruciale pour une prise en charge adéquate de toute personne mordue. En cas d'agressivité rendant l'animal incontrôlable, il est impératif de faire appel à des professionnels pour son abattage, suivi du prélèvement de la tête pour analyse en laboratoire. Dans le second cas, si l'animal a mordu ou griffé une personne, des mesures immédiates doivent être prises, notamment le nettoyage minutieux de la plaie avec de l'eau savonneuse, suivi d'une consultation immédiate dans un centre de santé pour une prise en charge.

Il faut le rappeler : tout cas de morsure par un chien suspect de rage est une urgence médicale et doit être géré comme telle. Cette démarche permet la mise en place des mesures préventives post-exposition telles que la vaccination ou l'administration de sérum antirabique, en fonction de l'évaluation du risque d'infection réalisée par les professionnels de santé.

En tous les cas, l'animal suspecté de rage doit être soumis aux mêmes procédures que celles décrites pour le premier scénario notamment la mise en observation. Il est également essentiel de questionner les membres de la famille et les voisins afin d'identifier toutes les personnes ayant eu des contacts étroits avec l'animal suspect. Cela permet une prise en charge adaptée en fonction du niveau de risque déterminé par le personnel médical compétent.

S : Comment prévenir de la rage canine ?

H.Z. : Dans la lutte contre la rage, la prévention joue un rôle crucial. Il est essentiel de mettre en place des mesures préventives avant et après toute exposition au virus. La vaccination étant l'élément central de la prévention, la règlementation dispose que tout chien, chat ou singe tenu en captivité doit être vacciné contre la rage dès l'âge de 3 mois, avec un rappel annuel.

Par ailleurs, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de vacciner également les individus exposés à un risque de transmission de la maladie et les personnes à haut risque d'exposition au regard par exemple de leur activité professionnelle comme les vétérinaires, les professionnels des laboratoires, les enfants en contact avec des chiens à statut vaccinal inconnu, les éleveurs, les vendeurs de viande canine, les professionnels de la santé humaine, etc.

En cas d'exposition avérée, il est nécessaire de mettre le chien à observation et de prendre en charge immédiatement la personne mordue. La gestion responsable des chiens par leurs propriétaires revêt également une importance capitale pour une lutte efficace contre la rage. Cela veut dire que les propriétaires doivent éviter de laisser les animaux en état de divagation car cela expose le voisinage ainsi que la communauté de manière générale.

S : Pouvez-vous nous décrire les premières mesures à prendre en cas de suspicion d'épidémie de rage au Burkina ?

H.Z. : En cas de confirmation d'un foyer de rage, conformément à la législation vétérinaire (police zoosanitaire) du Burkina Faso, un texte administratif portant déclaration d'infection, également appelée APDI (Arrêté portant déclaration d'infection, comme cela se fait au Burkina Faso) est pris par l'autorité administrative pour décliner les mesures à mettre en oeuvre pour contenir le foyer. Ces mesures permettent également d'identifier et de prendre en charge tous les individus (animaux ou humains) ayant eu des contacts, à limiter les nouvelles expositions, et à effectuer une surveillance active afin d'assurer que le foyer soit contrôlé.

S : Quels sont les critères utilisés pour déclarer officiellement une épidémie de rage ?

H.Z. : Tout cas confirmé de rage doit nécessairement être déclaré. Les autorités administratives du ressort territorial concerné sont tenues de signer et publier un arrêté portant déclaration d'infection, lequel guide les actions entreprises pour contenir et traiter le foyer. En effet, tout animal atteint de rage est nécessairement infecté par un autre animal qui n'a pas été identifié comme porteur infectieux. Ainsi, la confirmation d'un cas de rage dans une zone donnée indique la présence et la circulation du virus rabique dans cette zone.

Par conséquent, même si l'animal enragé est identifié et abattu, il est impératif de diligenter des investigations pour déterminer la source de de l'infection et éventuellement identifier tous les individus ayant été en contact avec celle-ci afin de les prendre en charge promptement. Etant donné que la maladie est 100% mortelle une fois déclarée, la rapidité de la prise en charge est essentielle pour sauver la vie des personnes mordues.

S : Pouvez-vous expliquer les stratégies de communication et de sensibilisation auprès du public en cas d'épidémie ?

H.Z. : La communication revêt une importance cruciale lors d'une épidémie. Elle est généralement coordonnée par les services de communication de l'administration vétérinaire. C'est d'ailleurs l'objectif visé en créant l'association Rabies Free Burkina Faso qui contribue significativement à la prise de conscience du grand public sur le risque rabique ainsi que les mesures préventives contre la maladie. En effet, une bonne communication permet de renforcer l'engagement communautaire et l'adhésion aux mesures préconisées par les autorités. Une fois le plan de communication établi, il est nécessaire que les médias et la société civile jouent un rôle de relais pour assurer une large diffusion de l'information à tous les segments de la population.

S : Quels sont les protocoles de gestion des patients infectés ou suspects dans les centres de santé ?

H.Z : Lorsqu'une personne est suspectée d'être infectée par la rage, il est urgent de la conduire dans les meilleurs délais dans un centre de santé pour une prise en charge adéquate.

S : Quelles sont les mesures de quarantaine ou d'isolement appliquées en cas de rage ?

H.Z. : D'une manière générale, la divagation des animaux est interdite notamment dans les villes au Burkina Faso. De ce fait, les animaux mordeurs tels que les chiens doivent être sous la garde de leurs propriétaires pour éviter qu'ils se promènent librement dans la ville. En cas de confirmation de rage, les carnivores domestiques en divagation sont capturés et placés en fourrière lorsque cela est possible ; sinon, ils sont abattus en fonction du degré de risque de rage déterminé par les professionnels de la santé animale.

S : Quelles sont les directives spécifiques pour la gestion des animaux domestiques et sauvages pendant une épidémie ?

H.Z. : Comme précédemment mentionné, il est strictement interdit de laisser divaguer les animaux domestiques et les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité dans les villes. En période d'épidémie, les autorités compétentes rappellent à la population l'importance de respecter cette directive. Les contrevenants verront leurs animaux capturés et euthanasiés selon l'évaluation du risque encouru.

S : Quelles sont les stratégies de prévention à long terme, mises en place, pour éviter de futures épidémies de rage ?

H.Z. : Pour la lutte contre la rage, l'état burkinabè a élaboré un plan national de l'élimination de la rage humaine transmise par les carnivores domestiques à l'horizon 2030 qu'il met en oeuvre depuis 2022. Ce plan prévoie entre autres, la vaccination de masse des carnivores domestiques dès l'âge de 3 mois et un rappel chaque année ; la vaccination préventive des personnes à risque de rage, la gestion de la population canine, la gestion appropriée des déchets ménagers et la promotion de la gestion responsable des carnivores domestiques par les propriétaires.

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