Afrique: Les exploits méconnus des footaballeuses africaines face aux obstacles dévoilés dans un nouveau livre

analyse

Le premier ouvrage approfondi sur le sujet, Women's Football in Africa (Le football féminin en Afrique), retrace l'histoire du football féminin, depuis son interdiction initiale jusqu'au nombre croissant de supporters et au potentiel de diffusion d'aujourd'hui.

C'est l'histoire d'un triomphe malgré d'énormes obstacles, parmi lesquels le sexisme, les abus, l'homophobie et la religion. Nous avons posé trois questions à son auteur, le professeur de communication sportive Chuka Onwumechili.

Pouvez-vous nous faire un bref historique du football féminin africain ?

Le premier match officiel de football masculin qui ressemble aux règles actuelles a été joué dans les années 1860 au Royaume-Uni. Les hommes ont joué au football au Nigeria dès 1904. Le premier match organisé en Afrique s'est déroulé à Lagos et la plupart des joueurs étaient des colons européens. Les Nigerians se sont ensuite mis à pratiquer ce sport.

De nombreux pays dans le monde ont interdit aux femmes de jouer à ce qui était considéré comme un jeu masculin. La pseudo-science voulait que le corps des femmes ne soit pas adapté à ce sport.

Mon intérêt pour l'écriture d'un livre sur le football féminin africain est né lorsque j'ai découvert, au cours de mes recherches sur le football, que les femmes pratiquaient déjà ce sport au Nigeria dans les années 1930, et non à la fin des années 1900 comme on le croit généralement. J'ai découvert que ce sport avait une histoire incroyablement riche.

Dans une lettre adressée en 1937 au journal anticolonialiste West African Pilot, un lecteur demandait s'il était acceptable que des femmes jouent au football au Nigeria. Apparemment, un nombre croissant de femmes nigerianes avaient commencé à jouer au football. Certaines jouaient avec d'autres femmes et filles, d'autres avec des amis masculins.

J'ai appris que, dans les années 1940, les femmes du Nigeria, une colonie britannique, formaient des équipes et jouaient contre des hommes plus âgés dans des matchs inédits afin de collecter des fonds pour les efforts de la Seconde Guerre mondiale. En raison des conceptions scientifiques de l'époque, les femmes ne pouvaient jouer qu'une moitié du match. Dans certains matchs, l'équipe entière était remplacée à la mi-temps.

En Afrique du Sud, il a été rapporté que les femmes ont participé à des matchs de lever de rideau avant les matchs masculins dès le début des années 1960. De leur côté, le Ghana, le Cameroun et la Côte d'Ivoire ont enregistré la participation officielle des femmes au football au début des années 1970. Ces débuts précoces ont conféré à ces pays un avantage concurrentiel.

En Côte d'Ivoire, la compétition nationale de football féminin a débuté dès 1975. Le pays est devenu une base pour d'autres femmes africaines cherchant à jouer professionnellement. La joueuse vedette Gladys Adu Opoku, par exemple, a quitté le Ghana en 1987 pour jouer professionnellement en Côte d'Ivoire. La première véritable compétition mondiale de football féminin a eu lieu en Chine en 1998 et la Côte d'Ivoire a représenté le continent dans un tournoi sur invitation.

La première Coupe du monde féminine de la Fifa s'est déroulée en 1991. La même année, la première Coupe d'Afrique des nations féminine a été disputée. Il s'agissait d'un tournoi de qualification pour la Coupe du monde organisé dans toute l'Afrique.

Où en est le football féminin africain aujourd'hui ?

Aujourd'hui, les filles pratiquent ce sport dans la plupart des pays africains, du Botswana à l'Algérie, du Kenya à la Sierra Leone. Les pays qui ont adopté le football féminin plus tardivement rattrapent rapidement les premiers. L'écart entre les équipes puissantes - comme le Ghana, le Nigeria et l'Afrique du Sud - et les autres - comme le Maroc, le Sénégal et la Zambie - s'est remarquablement réduit. Au Maroc en particulier, l'investissement de fonds publics a accéléré les progrès du football féminin, avec des réussites tant au niveau national qu'au niveau des clubs.

Dans le livre, je fournis des marqueurs statistiques pour démontrer la rapidité avec laquelle le football féminin africain s'est développé au niveau international. Par exemple, le Maroc, le Nigeria et l'Afrique du Sud ont dépassé les phases de groupe de la Coupe du monde féminine 2023. Cela n'avait jamais été fait auparavant.

Au niveau des moins de 17 ans, l'Afrique a toujours vu une ou plusieurs équipes atteindre la phase à élimination directe de la Coupe du monde. En 2012 et 2022, le Nigeria est monté sur le podium. Lors de la Coupe du monde des moins de 20 ans, les équipes africaines ont atteint le podium lors de trois tournois.

Les joueuses qui se sont distinguées au fil des ans sont enfin reconnues pour leur contribution : Mercy Akide, Asisat Oshoala et Chiamaka Nnadozie (Nigeria), Rosella Ayane (Maroc), Barbra Banda (Zambie), Gladys Adu et Alberta Sackey (Ghana), Portia Modise et Desiree Ellis (Afrique du Sud) et Gaëlle Enganamouit (Cameroun).

L'introduction en 2021 d'un championnat pour les clubs féminins en Afrique a également attiré l'attention du public sur plusieurs nouvelles joueuses. Les clubs dominants ont été les Mamelodi Sundowns Ladies d'Afrique du Sud et l'Asfar du Maroc. Les clubs champions du Nigeria n'ont pas encore remporté le championnat continental.

Outre le sexisme, quels sont les autres défis à relever ?

Il existe également un clivage religieux avec l'adoption tardive du football féminin par les nations africaines islamiques. Dans la plupart des pays musulmans du monde, les filles et les femmes n'ont pas le droit de jouer au football parce que les tenues de sport exposent leurs jambes et leurs cheveux et qu'elles deviennent un point de mire pour le regard masculin. Toutefois, le livre explique comment les filles ont toujours résisté aux restrictions et trouvé des moyens de participer.

Le financement pose un autre défi à tous les niveaux. Dans certains pays, les équipes nationales féminines ne reçoivent des financements que pour les matches de compétition, mais pas pour les matches de préparation. Cela signifie que certaines équipes ont rarement l'occasion de jouer.

Parmi les autres problèmes, citons l'homophobie et le racisme. Les joueuses sont souvent perçues comme des lesbiennes et font l'objet de discriminations de la part du public et des dirigeants du football. Cela peut avoir des conséquences désastreuses. En Afrique du Sud, par exemple, une joueuse de l'équipe nationale, Eudy Simelane, a été victime d'un viol collectif et assassinée par des hommes qui prétendaient la "purifier" de son lesbianisme.

Il reste encore beaucoup à faire pour attirer davantage de filles et former les femmes entraîneurs. L'éducation du public est nécessaire et le sport a besoin de financements pour se développer.

Mais j'espère que les lecteurs verront plus que les obstacles auxquels se heurte le football féminin en Afrique - et qu'ils comprendront tout ce que les filles et les femmes africaines ont fait pour surmonter ces obstacles.

Chuka Onwumechili, Professor of Communications, Howard University

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