Après deux jours de travaux rythmés par des plénières, l'animation de stands, des rencontres B to B et B to G...la directrice générale adjointe en charge de l'exploitation de la Compagnie bancaire de l'Afrique de l'Ouest (CBAO), Sokhna Maïmouna Diop, s'est réjouie de la tenue du Forum international Afrique développement, les 27 et 28 juin 2024, à Casablanca. Dans cette interview accordée au « journal de tous les Burkinabè », elle est revenue sur les objectifs assignés de l'évènement et montrer les défis que son institution compte relever.
Sidwaya(S) : Au terme de deux jours de travaux, pouvez-vous revenir sur les objectifs qui étaient assignés à ce forum et les résultats obtenus ?
Sokhna Maïmouna Diop (SMD) : La thématique « Ici, on investit » donne le rythme et la dynamique de ce forum. Puisque le Groupe Attijariwafa bank croit justement aux opportunités africaines. A travers ce forum, l'objectif était de
permettre aux investisseurs et aux opérateurs économiques de toucher du doigt et de voir concrètement, quelles sont ces opportunités, quels sont les projets qui peuvent être concrétisés. A cet effet, nous allons les accompagner dans la compréhension et la concrétisation de leurs projets. Nous avons eu une forte participation de nos clients et des investisseurs d'une manière générale. Il y a également eu une forte participation des officiels. Il y a eu trois temps à comprendre dans le cadre de ce forum.
Le premier temps est lié aux plénières. Nous avons eu trois sessions plénières avec des participants de grandes factures qui permettent justement de donner des éclairages sur les défis et les enjeux économiques du continent. Donc, il était essentiel de pouvoir éclairer les participants sur ces enjeux et de leur donner des pistes de solutions sur les problématiques de ces enjeux. Alors, ces enjeux concernent bien entendu l'investissement en Afrique à savoir, toutes les ruptures et les changements de paradigmes qui doivent intervenir dans le cadre de l'émergence du continent africain.
Ces enjeux concernent également les échanges intercontinentaux. Nous avons réfléchi à cela. Les enjeux concernent bien entendu également la transition énergétique et la soutenabilité. A cet effet, les participants ont eu des éclairages à travers ces plénières. Le deuxième temps concerne le marché de l'investissement.
A travers le marché de l'investissement, ce que souhaite apporter le FIAD, c'est vraiment une visibilité sur les projets stratégiques des Etats. A travers cela, nous avons invité un certain nombre d'agences de promotion des Etats. Pour le compte du Sénégal, l'APIX nous a accompagnés et au Bénin, nous avons l'APIEx. Il y a eu 11 pays en l'honneur. Il y avait la Côte d'Ivoire, le Togo, le Gabon... qui sont venus justement présenter leur plan de développement à l'ensemble des investisseurs et de pouvoir catalyser une fois les opportunités d'investissement pour ces pays. Donc le portefeuille de projets stratégiques est prioritaire sur ces pays.
Les secteurs porteurs sur lesquels il pourrait y avoir des investissements et à travers cela, les agences de promotion de l'investissement ont intéressé l'ensemble des participants à ce forum. Le troisième temps était vraiment celui des rencontres B to B. Ce sont des rencontres d'affaires qui permettent aux opérateurs de pouvoir entrer en contact avec d'autres investisseurs. Ça peut être sur la concrétisation d'un projet ou l'accession à un nouveau marché. On a vu parmi les participants, des clients qui souhaitent justement entrer sur des marchés africains, afin de pouvoir échanger avec des opérateurs locaux.
Il y a la possibilité de créer de la valeur sur le continent africain. Ces B to B ont également connu un très grand engouement. Nous avons eu plus de 5 000 rencontres B to B durant ces deux jours et sur lesquels nous attendons bien des opportunités assez prometteuses. Tout cela pour dire que le FIAD, qui en est encore une fois à sa VIIe édition se positionne vraiment aujourd'hui comme un forum de référence. C'est-à-dire une rencontre qui est vraiment incontournable pour pouvoir justement promouvoir les investissements en Afrique et mettre en relation les opérateurs africains qui croient en l'Afrique et qui croient en l'émergence de l'Afrique.
S : Justement, le FIAD est devenu une plateforme de référence du secteur privé africain en matière d'échanges, d'investissements et de coopération intra-africaine. Y a-t-il aujourd'hui des défis à relever ?
S.M.D : Je pense que oui. Sur le continent africain, les défis sont quand même assez importants. Il y a deux éléments à garder en tête et qui ont aussi été abordés au cours des échanges. Le FIAD a été placé cette année sous le sceau de l'intégration continentale à travers la participation du secrétaire général de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). A ce titre, le premier défi bien entendu est celui de l'intégration régionale, donc, la promotion des échanges au sein ou à travers le continent africain. Le chiffre qu'on a tous en tête est le fait que seuls 15% des exportations africaines se font en Afrique.
Quand on compare à d'autres régions, que ce soit, en Europe ou en Asie, on est plutôt à des chiffres de 40%, 50% voire 60%. Ce qui nous donne justement une très claire vision des enjeux et des défis à relever pour le continent africain en termes de promotion des échanges sur le continent d'une part.
D'autre part, faciliter les échanges à travers la coopération qu'on peut avoir sur le plan continental pour que ces pays puissent adhérer à ce dispositif ZLECAF. Ceci pour faciliter aux opérateurs, une plus grande accessibilité au marché. Quand on parle d'un marché sénégalais ou ivoirien par exemple, on a des millions de personnes. Mais, dès qu'on regarde le marché continental et africain, on parle de milliards de personnes. C'est vraiment une opportunité. Le deuxième chiffre justement est celui de la dynamique de croissance de la population africaine à l'horizon 2050.
On s'attend à avoir plus de la moitié de la population africaine qui aura moins de 25 ans et à horizon 2050, nous allons atteindre également les deux milliards d'habitants sur le continent africain. Là aussi, ça pose bien entendu des défis et des enjeux sur le plan de l'accompagnement de l'éducation, de l'accès à l'énergie et au numérique. Cela donne aussi un certain nombre d'opportunités à nos opérateurs pour pouvoir accompagner cette croissance démographique. Cette croissance économique est de pouvoir poser justement les défis de transformation de nos produits agricoles, de souveraineté alimentaire sur certains pays, d'accès à l'énergie, à l'eau potable, d'émergence et de croissance de nos pays à travers la croissance démographique du continent et des enjeux que cela pose.
S : L'investissement est le thème de ce forum. Avec l'exploitation du pétrole au Sénégal, en tant que banque, ce secteur vous intéresse-t-il ? Si oui parlez-nous de vos investissements.
S.M.D : Effectivement le FIAD a été aussi l'opportunité pour la CBAO et l'APIX de renforcer le partenariat. Nous avons eu à l'occasion de ce forum, la signature d'un mémorandum d'entente et de partenariat qui a pour objectif, la facilitation des investissements que promeut l'APIX. C'est vraiment de faciliter l'accès au financement. Parce que, un des premiers leviers sur lesquels travaillent les opérateurs, c'est le levier du financement.
Donc, aujourd'hui, l'objectif de ce mémorandum est vraiment de pouvoir accompagner les opérateurs qui, à travers l'APIX, viennent investir au Sénégal. La coopération avec l'APIX va se renforcer. Parce que ça permettra une plus grande proximité. L'objectif pour CBAO c'est vraiment d'être proche de l'APIX, qu'elle puisse comprendre les enjeux sur le plan financier et pouvoir les intégrer aux projets soumis au guichet unique. La vision est de rendre ces projets bancables pour que, nous, financiers et banquiers puissions accompagner des investisseurs dans leurs projets.
Dans le domaine des hydrocarbures, vous avez raison. Le Sénégal est rentré dans la sphère. Il est l'un des pays producteurs de pétrole. Nous sommes très fiers et heureux. C'est une nouvelle dynamique qui s'ouvre pour le Sénégal. La CBAO du groupe Attijariwafa Bank a accompagné justement le secteur des hydrocarbures par le passé.
Nous avons accompagné le financement des opérateurs dans les phases d'exploration et comptons continuer à les accompagner dans les phases d'exploitation puis qu'on y est maintenant. D'autre part, on le sait aussi, l'ère du pétrole ouvre un certain nombre d'opportunités à nos entreprises locales de pouvoir mieux préempter la chaîne de valeur des hydrocarbures.
Donc à travers la montée en compétence de nos opérateurs locaux sur la chaîne de valeur hydrocarbure, nous ambitionnons de les accompagner à pouvoir accéder au marché qu'offre le secteur des hydrocarbures. C'est quelque chose qui nous intéresse en termes de vision pour nous, d'approfondir notre portefeuille sur le secteur des hydrocarbures. C'est vraiment une action responsable d'accompagnement du local, dont des Petites et moyennes entreprises (PME) et des Grandes entreprises (GE) locales sur la chaîne de valeur des hydrocarbures.
S : Comment se comportent les succursales au Niger, Bénin et Burkina ?
S.M.D : Alors, je pense qu'il faut déjà peut-être rappeler la stratégie et la genèse de la présence de CBAO sur ces territoires que sont le Burkina Faso, le Bénin et le Niger. La vision était assez claire. Elle est une vision de réseau. Concrètement, nous sommes présents au Sénégal. Nous accompagnons des opérateurs sénégalais africains d'une manière générale au niveau du Sénégal.
Notre ambition est d'accompagner l'ensemble de nos clients sur ces territoires. Nous voyons ces opérateurs accéder à un certain nombre de marchés sur le plan régional puisqu'on est dans l'UEMOA et la CEDEAO. Donc, il est important de voir cette opportunité d'investissement de ces opérateurs sur ces marchés. Nous avions une opportunité, une occasion de pouvoir accompagner nos clients sur les pays de présence sur lesquels ils sont.
Par exemple, si nous avons un client, alors, sénégalais, qui se trouve au Sénégal mais qui investit au Burkina, au Niger ou au Bénin, notre ambition est de l'accompagner dans ces pays. C'est ce que nous avons fait à travers ces succursales. Il s'agit, pour nous, d'avoir une logique plutôt coverage de couverture régionale de l'ensemble de la zone UEMOA.
La logique qui saute en cela est une logique de succursale. Nous avons créé des démembrements de CBAO en quelque sorte sur ces pays qui offrent dans un premier temps un service plutôt lié coverage, donc, accompagner les multinationales. Dans un deuxième temps, au Burkina Faso, nous avons une banque plus universelle qui va toucher à la fois les TPE, les particuliers et les PME. Il s'agit concrètement d'avoir une position qui soit plus en lien avec le développement économique de chacun de ces territoires. Cette opportunité se présente effectivement sur le Burkina où nous avons un réseau de six agences. Elle se présente également sur d'autres territoires comme le Bénin et le Niger.
S : Quelles sont les opportunités que la CBAO offre aux entreprises présentes à ce forum en termes d'ouverture sur le marché international ?
S.M.D : La présence du Groupe Attijariwafa bank en Afrique démontre justement de cette vision de panafricanisme. Nous sommes présents dans 15 pays. Pour les clients, cela constitue aujourd'hui une vraie opportunité puisque cette présence permet à la fois d'avoir le groupe comme correspondant bancaire sur l'ensemble des pays de présence et d'avoir des opportunités d'affaires et de traite. Aujourd'hui, ce que l'on offre justement aux clients, c'est vraiment la possibilité de pouvoir entrer sur certains marchés. Ça se fait à travers le « Club Afrique développement » et le FIAD.
Cela permet au Groupe Attijariwafa bank de rassurer et de pouvoir donner des informations allant sur le plan économique, de l'environnement des affaires localement et qui rassure les opérateurs ou les investisseurs qui souhaiteraient pénétrer sur ces marchés. A cet effet, nous travaillons à développer ce réseau. C'est un réseau qui est assez dense. Nous travaillons nous-mêmes entre filiales à une meilleure synergie pour pouvoir offrir les meilleurs services bancaires à nos clients.
S : Quel rôle joue la CBAO pour permettre à ces clients sénégalais, burkinabè, béninois...d'avoir confiance aux institutions financières en Afrique au regard du faible taux de bancarisation ?
S.M.D : Absolument, nous restons encore dans des régions où l'accès aux services bancaires est assez réduit ou limité. Aujourd'hui je parlais tout à l'heure de responsabilité mais en réalité, c'est aussi une responsabilité du groupe bancaire de pouvoir intégrer l'inclusion financière comme un enjeu majeur et une ambition.
Et s'en est une pour la CBAO. Donc nous travaillons vraiment à rendre nos services accessibles et cela passe principalement par la digitalisation. Nous savons aujourd'hui quand on regarde les usages des services financiers d'une manière générale, on voit les populations qui sont très digitaux, numériques, qui utilisent des services de la monnaie électronique assez facilement. Peut-être, on a très peu de Sénégalais ou de Burkinabè bancarisés. Mais nous avons quand même une forte population de Sénégalais financiarisée à travers les « wallets ». Donc, l'enjeu pour nous, c'est vraiment de mettre au coeur de notre stratégie, la digitalisation, promouvoir les services financiers digitaux, faciliter l'accès à ces services financiers de sorte que le plus grand nombre puisse justement s'appuyer sur ces nouvelles technologies. Nous y travaillons.
S : La Banque centrale par exemple a commencé à proposer cela. Peut-on penser que les autres filiales dont la CBAO iront nécessairement dans ce sens ?
S.M.D : Oui, nous avons été assez pionniers justement sur cette problématique de la digitalisation d'une part et des services financiers digitaux d'une manière générale. Nous avons été parmi les premiers opérateurs interconnectés des services bancaires avec les wallets à travers les applications bancaires. Ensuite, on suit également les projets régionaux, notamment le projet régional de paiement instantané de la Banque centrale.
De notre point de vue, c'est un projet innovant et vraiment descriptif qui va changer complètement le panorama aujourd'hui des services financiers. Nous avons des équipes qui travaillent tous les jours à ce programme pour justement donner en tout cas les services financiers qu'il faut à nos clients et faciliter l'interopérabilité des services bancaires et des services financiers d'une manière générale, notamment la monnaie électronique. Notre enjeu, c'est de vraiment rendre plus facile la banque et on y travaille tous les jours à travers ces produits digitaux.