Le décès de mon Professeur, celui qui m'a enseigné de la première année à la licence. Il a par la suite veillé sur ma carrière universitaire comme à la prunelle de ses yeux. Je l'ai fréquenté assidûment, prenant ses conseils et orientations en maître et grand frère. Au moment de préparer mon mémoire de maîtrise de sociologie j'avais rédigé mon projet que je lui ai remis.
Après deux jours, il m'a dit qu'il gardait le projet en me demandant d'aller visiter notre maître, le Pr Abdoulaye Bara Diop. C'est alors que mon projet relatif aux enfants de la rue deviendra un mémoire sur les migrations des ressortissants de Niakhar vers Dakar. Pr Abdoulaye Bara Diop m'invita à rejoindre l'équipe de l'Orstom sur les systèmes agraires serrer dirigée par André Lericolais ( géographie) et Guy Pontie (sociologue). Momar avait testé mes capacités à mener des enquêtes de terrain deux années auparavant puisqu'il m'avait confié ses enquêtes à Richard Toll.
J'ai donc soutenu mon mémoire de maîtrise puis l'année d'après mon mémoire de DEA qu'il se plaisait à relire avant de le soumettre au Pr Abdoulaye Bara Diop, tous deux connus pour leur rigueur méthodologique.
Mon premier article portera sur la crise de l'agriculture sous la double houlette de Mamadou Diouf et Momar qui avaient siégé dans mon jury de maîtrise. En effet, ils avaient initié la revue Espace-société-temps et avaient promu mon article.
Lorsque je travaillais dans l'équipe sur l'urbain sous la codirection de Pr Abdoulaye Bara Diop et Philippe Antoine, c'était sous sa supervision et celle de Jacques Faye de l'Isra.
Un encadrement rapproché de tout le temps m'a lié à celui que j'appelle fort justement mon professeur et qui vient de nous quitter. J'ai encore en souvenir les propos qu'il a tenus sur ma première thèse sur les réseaux de sociabilités auprès de ses collègues siégeant dans mon jury de doctorat. La Salle des doctorants portant son nom au LARTES, le laboratoire que j'ai fondé a été voté par l'assemblée de l'Ifan et Pr Bocoum ne manquera pas de témoigner de son enthousiasme de voir des disciples rendre hommage à leurs maîtres de leur vivant.
Il y a quelques mois seulement uand les deux frères de Pr Momar sont venus au LARTES en sa présence visiter la salle Pr Momar Coumba Diop et contenant ses oeuvres complètes et sa photographie emblématique reprise sur le livre hommage et évoquant chez ses élèves le brillant professeur enseignant les théories des organisations, l'Etat, les cours de méthodologie de la recherche, etc.
Je ne manquerais de dire combien trente ans plus tard, j'assistais à Nantes à une conférence sur la théorie des organisations, je me rappelais la pertinence du même cours qu'il nous enseignait avec autant de brio et de références bibliographiques.
Au moment où il décède, nous avions en projet l'article biographique sur Pr Abdoulaye Bara Diop. C'est la marque de sa générosité, de ses talents d'analyste et sa merveilleuse connaissance des sociétés africaines. Son oeuvre scientifique est colossale et d'une profondeur théorique sans commune mesure. Je perds un autre maître, mon frère et ami.
Un de mes condisciples, Elhadji Hamidou Kasset, vient de me révéler qu'il me citait parmi ses distingués étudiants. Je lui rétorquais que notre maître le citait pareillement autant que Mahamet Timera, Samba Sy, Bamba Gaye, Ibrahima Dia, Alfred Ndiaye, Seydou Camara, et bien d'autres sociologues brillants qui étaient ses étudiants devenus ses collègues.
La semaine dernière j'ai prêté à ma fille préparant une thèse sur la trajectoire de l'Etat, une dizaine des livres de Momar Coumba Diop, en lui promettant un entretien avec l'analyste sociologue le plus prolixe en sociologie politique, le compagnon fidèle de Pr Mamadou Diouf, de Pr Boubacar Barry et de bien d'autres dont Jean Copans pour qui il avait de l'admiration.
Un homme de grandes valeurs nous a quittés en laissant un riche patrimoine immatériel. L'Afrique lui sera reconnaissante de sa contribution à sa meilleure connaissance via l'épistémé du Sud.